Le nom de Céline appartient à la littérature, c'est à dire à l'histoire de la liberté. Parvenir à l'en expulser afin de le confondre tout entier avec l'histoire de l'antisémitisme, et ne plus le rendre inoubliable que par là, est le travail particulier de notre époque, tant il est vrai que celle-ci, désormais, veut ignorer que l'Histoire était cette somme d'erreurs considérables qui s'appelle la vie, et se berce de l'illusion que l'on peut supprimer l'erreur sans supprimer la vie. Et en fin de compte, ce n'est pas seulement Céline qui sera liquidé, mais aussi, de proche en proche, toute la littérature, et jusqu'au souvenir même de la liberté.
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C'est que l'on pouvait encore s'imaginer, il y a une vingtaine d'années, que l'histoire se poursuivait.
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En ce temps-là, donc Céline existait. Je veux dire qu'il existait comme existait aussi l'Histoire, horreur et beauté mêlées; comme existait également la littérature; comme existaient enfin les individus. L'opération magique consistant à vouloir trier le bon grain de l'ivraie n'avait pas encore tout envahi.La certitude que la mauvaise herbe ne s'arrache qu'au prix de l'arrachage simultané de la bonne, et qu'à la fin c'est tout le champ qui est pelé, retenait certains enthousiasmes.
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En évoquant ces temps lointains, j'ai l'air de les regretter; mais c'est, une fois encore, que le Bien ne refusait pas tout à fait d'avoir le Mal au travers de la gorge.Et je ne parle pas de la volonté concrète de faire le mal, mais de ce Mal, originel et personnel, dont les hommes ont estimé durant des siècles qu'il se trouvait là, à côté du Bien, et qu'il s'y trouverait aussi longtemps qu'eux-mêmes dureraient. Je parle de ce Mal que la civilisation chrétienne avait appelé péché, et avec lequel elle s'était d'autant plus habituée à cohabiter que le pardon en était inséparable et que les forces de la Lumière, sous le nom de rédemption, étaient tout de même destinées à en triompher.Plus généralement, je parle de ce Mal qui, sous le nom de dogme du péché originel, entretenait avec le genre humain une intimité qui semblait devoir subsister autant que le genre humain lui-même.
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L'opinion réformée ne veut plus du tout supporter, chez aucun écrivain, la cohabitation de "vérités" multiples et incompatibles.
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Ce n'est que lorsque l'Histoire est close que l'on sait de quoi elle était faite : d'une succession d'erreurs (et, éventuellement, de l'art d'en jouir pour l'art); à quoi s'oppose de manière catégorique l'utopie zéro défaut qui constitue notre projet commun de gouvernement pour les siècles à venir.Il s'agira désormais, et dans tous les domaines sans exception d'exiger de la réalité moderne qu'elle se conforme chaque jour plus étroitement à l'idéal sur lequel elle s'est elle-même imprudemment proclamée fondée.C'est là une perspective d'où toute contradiction, toute négation, tout écart se trouvent bien entendu bannis, et où la liberté n'est pas prévue..."
Notes supplémentaires :
"Votre doute n'est pas de même nature que le mien. Votre doute est un rejet de tout, du monde qui nous entoure, de l'homme misérable et imparfait, de l'homme souffrant, mon doute est celui de ma marche à suivre dans ce monde-ci avec cette souffrance et ce mal."
"Si je trouvais pour mon ménage un produit qui dissout, je dissoudrais mes meubles, ma baraque et tout ce qu'il y a dedans. Je serai une vraie communiste et une vraie utopiste."
"Faire remonter du plus profond de tes entrailles,
Éclairer sans fard la nuit qui t'assaille
Traquer le Non-Dit, le Démon caché de ton âme
Faire tomber les bandes une à une de ton visage
La parole t'est donnée comme épée, comme arme
Vomir ce qui te tue, ouvrir la bouche, le portail"
Éclairer sans fard la nuit qui t'assaille
Traquer le Non-Dit, le Démon caché de ton âme
Faire tomber les bandes une à une de ton visage
La parole t'est donnée comme épée, comme arme
Vomir ce qui te tue, ouvrir la bouche, le portail"
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