Impressions religieuses :
Alors que je sermonne ma fille arrivée à la messe du dimanche en short, nous voyons le prêtre arriver en Jeans et baskets. J'ai le sentiment que la crise qui a secoué l'Eglise après le Concile (dont parle fort bien Garrigues dans son autobiographie), a frappé durement l'église italienne. Mais les Italiens, loin de se crisper comme certains en France, ont admis les faits avec une certaine bonhommie ou résignation. La messe du dimanche, rapide, sans ornements ni enfants de chœur (mais nous sommes en vacances?) avec un sermon qui conclut sur la nécessité de proposer le Christ à tous ceux qui ne le connaissent pas. Cela me fait songer à cet ami qui s'écriait "il y a le feu au lac et personne, même les prêtres, ne s'en aperçoit..." Ce prêtre italien paradoxalement ne pense pas qu'avec son attitude désinvolte il est le premier à jeter de l'huile sur l'incendie qui couve... "Maudits bergers" s'exclamait Dieu justement dans la première lecture de ce dimanche...
A Assise cependant, ma fille en short devra s'enrouler dans une espèce de châle noir proposé à la porte des églises, pour sa plus grande humiliation...
Impressions routières :
Je retrouve avec plaisir la conduite sportive des italiens, (quelques dépassements "borderline" mais vraiment serrés! à trois voitures alignées! observés sur des petites routes mais sans stress particulier de la part des voitures concernées, en France on aurait eu droit à des appels de phares hystériques) une chose me frappe : lorsqu'une voiture italienne met son clignotant, ça n'est pas pour indiquer qu'elle va peut-être se décaler, mais pour dire : je me décale, ce qui est assez différent. J'aime bien.
A propos de la police, les carabinieri, outre le fait qu'ils possèdent un costume plus seyant au sens plus viril, plus militaire, qui fait moins costume de bureau dans lequel sont engoncées nos forces de l'ordre, ont surtout des voitures qui me paraissent nettement plus performantes que les voitures de police françaises.
Les autoroutes italiennes sont assez vétustes, à deux voies (comme beaucoup en France) ce qui nécessite une bonne concentration et des vitesses plus réduites qu'on ne le voudrait. Les aires autoroutières sont bordéliques, très petites en taille, elles n'ont pas été rénovées comme en France. Et les aires sans essence ou café sont constituées d'une simple parking sans ombre, sans toilettes, sans rien, au bord de l'autoroute. L'Italien n'aime visiblement pas s'attarder sur la route.Sur les aires avec possibilité de manger ou boire, on ne trouve aucune "boîte à café" : votre expresso, vous le prenez au comptoir, toujours.
Gabrielle ne se fait pas au voyage et ne dormira pratiquement pas en voiture. Nous la bourrerons de gressini, durant les deux jours de route à l'aller comme au retour mais notre patience et nos nerfs seront mis à rude épreuve par la petite dernière...
Impressions générales :
Les italiens, jusqu'à une époque récente, parlaient assez bien, toutes couches de la population confondues, le français. Lorsque nous habitions en Italie dans les années 70 à 80, nous passions facilement du français à l'italien, n'importe où. Aujourd'hui, c'est moins le cas, mais les italiens s'efforcent toujours très aimablement de vous comprendre même si vous ne vous débrouillez pas bien en anglais.
Pour ma part, j'étais heureuse de constater que l'italien me revenait plus vite et mieux que prévu : l'accent m'est resté intact (il s'agit d'une langue qui m'a "bercée" en même temps que ma langue maternelle, j'avais un an en arrivant en Italie), c'est le vocabulaire que j'ai perdu depuis mon enfance passée à Milan et, en faisant quelques efforts d'attention, je le retrouvais assez bien (en confondant parfois un peu avec l'espagnol étudié en classe). Bref j'ai vraiment pu tenir des conversations et ça été pour moi une grande joie et mes enfants ouvraient des yeux ronds en m'entendant parler en italien.
Nous avons passé de bonnes années familiales, dans ma prime enfance, en Italie, une vraie et légère et heureuse "dolce vita", le retour en France en 1981, sous l'élection de Mitterrand a été très rude : difficultés de mon néerlandais de père à s'adapter à la bureaucratie française, retour de ma mère à un puritanisme éducatif parfois pesant et excessif. L'Italie pour ma part se représente toujours sous un faisceau de lumière dorée, la France sous le couvercle de nuages gris. C'est ainsi, c'est imprimé en moi, en mon esprit, à jamais.
A propos de l'accueil italien, nous avons été reçu dans un gîte magnifique, une des demeures personnelles du marquis et de la marquise de M. venus en personne le soir même de notre arrivée nous tirer d'affaire à propos d'un frigidaire récalcitrant. D'une très grande amabilité, parlant un français honorable, la marquise, très belle vieille dame entourée de mes enfants comme n'importe quelle bonne grand mère et me donnant sans complexe les horaires de messe pour le dimanche....
A notre départ, point n'était besoin de faire un ménage d'enfer comme c'est demandé dans les gîtes français (que nous fréquentons beaucoup) sous l'oeil soupçonneux d'un propriétaire franchouille qui guette à tout bout de champ et tout le long de votre séjour vos moindres faits et gestes et vous raconte avec moult détails ses difficultés à entretenir sa maison ou bien de prendre, en sus de la location, un "forfait ménage" qui sera de toutes les manières effectué après votre départ, du moins on veut l'espérer pour les locataires suivants. Nous avions à ranger, à fermer la maison bien proprement et puis c'est tout.
Extrait de JM Garrigues, "Par des sentiers resserrés" (éditions Presses de la Renaissance)
Fr. Jean-Miguel : Ce qui s'est passé en mai 1968 n'a pas constitué, comme
tout le monde l'a souhaité ou redouté sur le moment, une révolution politique,
mais une révolution culturelle autrement plus profonde et lourde de
conséquences dans les mœurs. On avait néanmoins une certaine conscience,
puisque bon nombre des slogans et des symboles étaient explicitement empruntés
à la révolution culturelle maoïste, alors en cours en Chine. Même si en France
et plus généralement en Occident cette révolution culturelle n'a rien eu de la
sanglante terreur maoïste, elle n'en a pas moins représenté un séisme social de
grande ampleur. J'ai compris cela au moment même grâce au roman de Dostoïevski
que je lisais en ce mois de mai : Les possédés, ou Les démons, selon les traductions. Ce livre raconte
une révolte d'étudiants sans vraies conséquences politiques, comme ce fut le
cas en mai 1968; mais ces possédés mettent en œuvrent des forces de néant qui
sapent l'ordre antérieur à sa base, de telle sorte que ses jours sont désormais
comptés. Dostoïevski, qui avait personnellement connu les groupes nihilistes de
la fin du XIXe siècle en Russie, a eu à travers eux la vision prémonitoire de
la manière dont l'idéologie bolchevique rendrait bientôt caducs, non
seulement l'Ancien Régime tsariste, mais les fondements mêmes de la société
civile. De manière analogue, le mouvement révolutionnaire qui explosa en mai
1968 disqualifiait des invisibilia, ces principes
invisibles qui sont à la base de l'autorité et de la transmission de la culture
dans la famille et dans l'éducation.
Alexandre : N'y a t-il eu dans ce mouvement que cet aspect de contestation
destructrice?
Fr. Jean-Miguel : Certainement pas. Un certain état de choses devait
changer et, pour une part, il a changé en bien. La société française était
bloquée par une hiérarchisation sélective très excessive. Pour ma part, je ne
saurais regretter la simplicité de style qu'ont prise et par la suite nos
rapports fraternels dans la vie religieuse, même avec nos aînés ou nos
supérieurs. Mais fallait-il le payer par une révolution qui, en prétendant
faire table rase du passé, a cassé la transmission vitale de la mémoire et de
la culture entre les générations?
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