"Certes, je suis totalement espagnol par mes parents et par mon éducation familiale. Cependant je ne suis pas né en Espagne, mais à Istanbul, à cause de la carrière diplomate. Je suis donc un "enfant de la balle", destinée étrange et pas entièrement heureuse qui est celle de tous les enfants de ces nomades d'une espèce particulière, que ma mère appelait "les Gitans de luxe". Comme nombre d'entre eux, je ne sais pas très bien d'où je suis, puisque, au cours de mes premières années, j'ai beaucoup plus vécu hors d'Espagne qu'en Espagne. Mon acculturation française a pour moi une origine immémoriale, puisque je suis à Paris à l'âge de trois ans et que j'y suis resté jusqu'à l'âge de sept ans? Je n'ai donc pas, à proprement parler, appris le français : je n'ai effectivement aucun souvenir d'un temps où je n'aurais pas su le parler." (JM Garrigues, "Par des sentiers resserrés")
Toutes proportions gardées, je me retrouve assez dans ce portrait de nomade de luxe, avec ce sentiment d'être de nulle part, sans racines. Un père hollandais, une prime enfance vécue en Italie et un retour pour mes années de collège et lycée en France. Et effectivement, ça ne rend pas toujours très "heureux"et surtout plus fragile, moins solide que celui qui sait d'où il vient et d'où il est et qui a eu ses bottes plantées dans la gadoue de sa terre. Le sentiment du monde qui passe et ne dure pas est quelque chose de plus prégnant en soi. On vit avec une forme de mort, de déliquescence qui vous colle à la peau en permanence et ç'est un peu lourd à porter dès l'enfance.
J'ai souvenir ainsi, un jour, d'avoir visité la maison-mère des religieuses chez qui j'avais passé toutes mes années de collège-lycée. Cette arrivée dans ce "couvent" perdu en pleine nature m'avait paru comme un retour à la maison, à ma maison, une demeure primordiale si je puis dire, alors que je n'y avais jamais mis les pieds, et je n'avais pu m'empêcher de pleurer tant les émotions qui m'envahissaient avaient été puissantes. La digue avait cédé, et furieusement, sans que je ne puisse rien y faire. Sans doute que dans ce monde appelé à passer, dans cet effritement vécu jusqu'au plus intime de soi, ces religieuses représentaient de façon concrète et solide une permanence, un mur contre la mort, une fidélité rassurante de Celui qui est éternel et qui nous englobe dans son éternité.
Cependant, c'est sans doute une des raisons pour lesquelles j'ai une forte volonté à faire de ma maison, un lieu enraciné, un foyer chaleureux qui m'a manqué durant ma jeunesse.
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