mardi 31 juillet 2012

Départ en Toscane, considérations conjugales et familiales




Départ en Toscane, vendredi 20 juillet, nous partons à neuf dans la bétaillère, mes deux aînés étant eux mêmes en vadrouille dans la famille ou chez des amis. En ce premier jour de voyage, nous nous rendons à Turin par le tunnel de Fréjus. La voiture crache une fumée noire et grince des dents dans l'effort, nous sommes chargés avec une remorque indispensable et je m'inquiète de déclencher les alarmes incendie dans le tunnel. Gabrielle n'est pas sage en voiture, elle ne dort pas du tout et a besoin de se dégourdir toutes les heures ce qui nous empêche de prendre véritablement un rythme de croisière.Elle se berce avec un peu de musique lorsque je prends le volant  pour remplacer mon mari. Nous traversons des viaducs vertigineux qui m'angoissent et pour me concentrer j'écoute les excellents Crusaders et je sifflote " They left those soul shadows on my mind, oh, on my mind, oh oh on my mind..." et puis au bout du CD la sublime "Hold on (I thing our love is changing)" que je peux entendre inlassablement.
Nous arriverons dans la soirée, dans un hôtel tout à fait convenable et agréable. Gabrielle, perturbée, refuse de dormir dans son petit lit et se retrouve entre mon mari et moi, la tête dans le dos de D. et les pieds sur ma poitrine. Elle passe ainsi la nuit et dort béatement pendant que j'essaie de la remettre dans le bon sens... Au petit matin, elle se retrouve coincée contre mon flanc et je m'endors enfin...
Cette concession d'un nuit ne sera pas renouvelée, mon mari n'a guère apprécié! Gabrielle est bien la (l'in)digne fille de sa mère qui n'a jamais pu dormir correctement sans son mari! Que de plaintes ai-je essuyées de sa part, alors que je grignotais sans complexe son espace vital! Parfois, piquée au vif par une remarque de trop, je lui fais observer la chance qu'il a d'avoir une épouse conquérante! Il en convient alors très vite car c'est un homme éminemment bon et intelligent et pour qui l'harmonie conjugale n'est pas un vain mot. J'ai bien de la chance de l'avoir rencontré et je redoute  l'idée qu'un jour nous serons séparés et que peut-être devrais-je vivre sans lui de longues années... Que deviendrais-je hors de sa présence? C'est au travers de lui que le monde existe, sans lui il n'y a plus rien.


















Au petit déjeuner à l'hôtel, grand succès de la famille nombreuse auprès des employées italiennes et des personnes de passage. Durant tout notre voyage, nous seront arrêtés dans les rues par des passants ou des restaurateurs amusés et toujours attendris. Nous observerons un grand nombre de familles italiennes avec le père, la mère et le fils unique entre les deux. Cela me laisse un sentiment mitigé : mi positif car il y a un père ET une mère, mi négatif car l'enfant seul me paraît triste souvent. Il me semble qu'il est toujours mieux (si c'est possible) d'avoir une fratrie mixte pour l'épanouissement personnel des individus. Un garçon gagnera beaucoup au contact d'une soeur et vice versa. Grandir au contact du sexe opposé dans la confiance des rapports fraternels permet une connaissance accrue et affinée de ce même sexe opposé et ça n'est pas négligeable pour réussir une vie de couple plus tard. La fratrie facilite l'éducation, aussi bien du côté des enfants que du côté des parents. Cependant, le fait d'avoir une famille très nombreuse aujourd'hui est à mon sens un peu anachronique : jadis, les familles nombreuses étaient indispensables pour la gestion et le partage des terres et parce que la mortalité infantile était énorme. Mais aujourd'hui, avoir beaucoup d'enfants est plus  une difficulté si l'on veut être à la hauteur des exigences éducatives modernes (frais des études de plus en plus longues, autonomie tardive du jeune adulte et donc partage d'un territoire de plus en plus réduit entre plusieurs "mâles dominants", soins de plus en plus affinés et donc coûteux apportés à chaque enfant,etc). Il me semble donc logique que les familles très nombreuses disparaissent peu à peu, on peut le regretter ou le souhaiter, peu importe, c'est une tendance qui me paraît inéluctable, dans notre Occident.
Gabrielle fait des sourires charmeurs à tout le monde, sans distinction aucune et attire ainsi comme un aimant tout le monde à elle, que ce soit juchée dans un caddie de supermarché ou dans les bras de ses frères.

Extrait de Jack Kerouac, "Les anges vagabonds" (les gras sont de mon fait) : 
"Ma mère m'a montré la voie de la paix et du bon sens -elle ne déchirait pas sa combinaison, ne hurlait pas à tous les échos que je ne l'aimais pas, ne flanquait pas sa coiffeuse en l'air; elle ne jouait pas les mégères, elle ne se répandait pas en imprécations sous prétexte que je pensais selon mes critères à moi. Simplement, à onze heures, elle bâillait et allait se coucher avec son chapelet comme si elle était au couvent avec la Révérende Mère O'Shay. Étendu entre mes draps propres, il pouvait m'arriver de songer à filer pour retrouver une pute frénétique et débraillée, un foulard sur les cheveux, mais cela n'avait rien à voir avec ma mère. J'étais libre de le faire. Parce qu'un type qui a eu un ami qu'il aimait et a par conséquent fait le voeu de le laisser tranquille, lui et sa femme, peut agir de même pour l'ami qu'est son père. A chacun son dû et c'était à mon père qu'elle appartenait.
Mais les pilleurs d'existence, sordides et sournois, ne sont pas d'accord. "Un type qui vit avec sa mère est frustré", disent-ils. Le divin Genet lui-même a prétendu que celui qui aime sa mère est le dernier des sagouins. Les psychiatres velus du poignet, comme celui de Ruth Heaper, tremblent devant les cuisses de neige de leurs jeunes patientes, les hommes mariés et dégoûtés dans les yeux desquels la paix est absente et qui tempêtent devant le gourbi du célibataire, les implacables chimistes qui n'ont plus aucun rêve d'espoir, tous me disent : "Tu mens Duluoz! Sors, vis avec une femme! Bats-toi et souffre avec elle! Va te colleter avec les furies! Trouve les furies! Sois historique!" Pendant ce temps-là, moi, je déguste et j'inguste la paix douce, la paix idiote de ma mère, une dame comme on n'en trouve plus à moins d'aller faire un tour dans le Sin-kiang, au Tibet ou à Lampore."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire