samedi 3 mars 2012

Lectures en Bretagne : Haruki Murakami, Philip K. Dick

"Hey brother, where's your soul?
(...)
we gotta go Aint no place safe for us to stay We better move on, we better move on" (Supertramp)



                                












En vacances en Bretagne, avec les enfants mais sans mon mari resté travailler, je me sens à l'écart du monde et de ses vicissitudes, perdue au bord de l'eau et près de marécages, le brouillard s'est abattu en ce premier jour  sur les lieux et tout est lent, silencieux et cotonneux. La maison s'est réchauffée cette nuit, nous n'éprouvons guère l'envie de sortir pour le moment. Les 6 heures de route m'ont épuisée hier, les enfants à peu près sages -entendons par là qu'il n'y a pas eu trop de bagarres. Simplement un coup d'Opinel confisqué à 130 à l'heure  à l’avant de la voiture avant l'estocade finale et quelques bombes à eau dont j'ai évité l'explosion pour le plus grand désespoir des jumeaux... Qui a dit que nous vivons une époque pacifique? Ah non, xyr a dit "pacifiste"... mais pacifique non, je n'y crois pas une seconde, ça n'est pas ce que je vis au quotidien.

 Seigneur, quelle pesante, quelle détestable, quelle laide expression "vivre au quotidien"... Je prône ce "quotidien" avec des airs enfarinés en veux-tu en voilà mais qui n'a pas vécu au jour le jour avec des impératifs fixes au moins une année, avec un boulot, des devoirs, des exigences bêtes et méchantes, ne sait pas, ne peut pas savoir combien il en coûte à l'homme de se plier à sa nature humaine, lui qui est aussi, parfois pour son plus grand malheur, "esprit"... Cela me rappelle un excellent passage -entendez "excellent" comme "drôle"- d'une série américaine vue récemment : un célibataire endurci va chaque année à Las Vegas pour le salon du porno; un de ses collègues de bureau l'interroge, surpris : comment fait-il pour s'y rendre en avion, lui qui panique complètement dans les airs?? Et l'autre de répondre d'un ton pénétré : "c'est toute la victoire de l'esprit humain...".
Cette histoire de quotidien c'est vraiment la quintessence du "tu enfanteras dans la douleur" de la Bible et du "tu travailleras à la sueur de ton front"... Oui, parce que c'est laid d'enfanter, c'est laid quelque part de bosser dans la sueur, "c'est pas sexy" dit un de mes amis (cette expression me fait rire aussi) et pourtant c'est le seul moyen, le seul chemin pour arriver à réussir quelque chose, à se réaliser ou bien à réaliser une œuvre d'art, ou bien tout simplement pour réussir à vivre en tant qu'homme...
Cela me fait songer à une réflexion qui me turlupine depuis un moment : c'est le texte de Xyr sur "Ce que veulent les femmes" qui m'aide à mettre un peu mieux des mots sur cette intuition somme toute très banale et évidente : les femmes ne sont pas attirées par les arts ou la philosophie, écrit-il et c'est vrai, je le pense aussi profondément.  Evidemment, mettons de côté les exceptions nombreuses.  C'est parce qu'elles ne pensent pas ce monde mais l'enfantent,  ajoute t-il. Oui, bien sûr. Je considère mes enfants comme de véritables héros de roman, des personnages que j'ai enfantés mais qui m'échappent complètement d'une certaine façon et que je dois pourtant maintenir en vie, faire avancer même si quelque part le chemin qu'ils prennent chacun est indépendant de ce que je pourrais bien décider... Exactement comme les héros d'un livre à qui l'écrivain donne vie mais qui lui échappent à bien des égards. Les enfants que j'ai eus sont tous les livres que je n'ai pas écrits ou bien les tableaux que je n'ai pas peints... C'est pour moi une grande évidence, d'une grande clarté. Et comme un écrivain, j'ai un rapport à ma famille, mes enfants, constitué d'amour-haine : amour de mes créations, haine de l'implication, des devoirs, du travail, de la douleur, de la sueur, des larmes qu'elles exigent et ce jusqu'à ma mort bien sûr.



Je regardais ce matin dimanche, avant la messe, une belle émission sur la 5 sur les écrivains contemporains de l'Ouest américain. L'un d'eux, James Lee Burke expliquait qu'il travaillait tout le temps : le matin, puis l'après midi jusque tard dans la nuit et ce sept jours sur sept. Exactement comme une  mère de famille songeai-je à ce moment-là. Un écrivain, un artiste est celui qui enfante comme une femme et Dieu  sait que les écrivains aiment chougner sur leur difficulté à écrire, à enfanter!! Cela m'amuse toujours. Et ça râle, et ça rue dans les brancards, et ça crie, et ça jure : bref, comme un accouchement quoi. Et ça s'inquiète pour son livre, ses essais, ses poèmes, et ça les peaufine, et ça les remanie sans fin : bref, comme une mère s'occupe d'un de ses poupons !
Et croyez-vous vraiment qu'on maîtrise tout dans l'éducation d'un enfant? Rien, rien du tout en fait, l'enfant, ce parfait inconnu qui se développe de façon absolument indépendante de tout ce que nous pourrions souhaiter ou désirer! Nous ne choisissons même pas son sexe, sa couleur de cheveux, d'yeux, tout est surprise et découverte. Il ne fera rien de ce que nous envisagerons pour lui et plus son autonomie sera grande, plus il aura de chance d'être épanoui et heureux... Croyez-vous qu'un artiste ou un écrivain maîtrise quoique ce soit ce son œuvre d'art? Celle-ci se développe de façon complètement autonome, il faut simplement que l'artiste ou l'écrivain soit à l'écoute, à l'intérieur de lui-même, pour savoir ce qu'il doit exactement faire. Il doit être disponible à une forme de "musique intérieure" dirait XP... Même si ça ne lui plaît que moyennement. Le reste est foutaise, le chef-d’œuvre sera complètement ratée si l'artiste se plie à des désirs ou des idées et non à ce qu'il doit exécuter.

Un autre écrivain-sans doute celui qui a retenu le plus mon attention dans cette émission et vous allez rire lorsque je vous donnerai la raison, chers lecteurs : il s'agit de Jim Harrisson et son "chez lui" ne ressemblait pas aux ranchs magnifiques des autres écrivains de l'Ouest, il habite une petite maison m'a t-il semblé, avec un bureau très quelconque et en désordre, pleins de ses souvenirs préférés, statuettes kitch, photos, etc. Et quelques photographies de femmes nues. Oui, des femmes à poil, je n'ai pas réussi à savoir s'il s'agissait de femmes par lui connues intimement ou de photos qui lui plaisaient, les enfants faisaient un potin pas possible à mes côtés pendant tout le temps de cette émission "littéraire». Ce détail m'a plu quoiqu'il en soit, je me suis dit qu'en plus d'avoir une vrai trogne (les autres écrivains étaient très propres sur eux, trop à mon sens,  non que je sois persuadée que pour être un digne écrivain il faille nécessairement ressembler à un clochard poivrot, mais Jim avait les rides et l'air torturé de celui pour qui l'écriture, la vie en général n'a pas été une partie de plaisir et cela s'est imprimé sur son visage...), il dévoile quelque chose de par son physique même, et un écrivain, s'il ne dévoile même pas par son être même quelque chose, hé bien il ne dira sans doute rien de très intéressant dans ses bouquins.
Comme une femme qui a accouché et qui garde dans son corps les marques de ses grossesses, les cicatrices de ses batailles, Jim Harrisson et ses rides. Bref, il dit que l'écrivain doit avoir la faculté de se mettre dans la peau d'une jeune fille de quinze ans, par exemple... C'est tout à fait juste, cela, et des parents, une mère, doit s'adapter à ses enfants, fille et garçon, de 0 ans à 30 ans, voire plus...









Un  autre livre lu pendant ce séjour breton vous donnera aussi une synthèse de cette réflexion ci-dessus, enfantement de personnages par une femme, création de personnages par l’écrivain : il s’agit  des « Confessions d’un barjo » de Philip K. Dick ; pour une fois, pas de SF,( il y a beaucoup de romans de K. Dick qui ne sont pas de la Science-Fiction) mais l’histoire d’un couple qui se désagrège sous l’œil du simplet mais très lucide de la famille, le frère de la femme. Les personnages sont extraordinairement décrits et la préface explique justement : « La réalité des personnages de Philip K. Dick tient tout simplement au fait qu’ils sont réels pour lui ; il les entend parler, dans son esprit, et enregistre leurs conversations et leurs pensées –ses dialogues, dans presque tous ses romans, sont excellents. »



Cela me conduit assez naturellement à une autre réflexion : j'ai lu ces jours-ci un roman génial -génial parce que je m'y retrouve assez en fait- de Haruki Murakami. Je précise Haruki parce qu'il existe visiblement plusieurs écrivains du nom de Murakami... Celui-là est japonais mais c'est certainement le plus occidental des japonais! Il a pris toute la quintessence de la civilisation occidentale, il écrit comme un véritable européen, d'une écriture très classique. Ses références culturelles, musicales en particulier, sont toutes occidentales (que ce soit de la musique classique, du jazz ou du rock). Le roman lu : "La ballade de l'impossible" qui décrit le passage de l'adolescence à l'âge adulte de plusieurs personnages, masculins et féminins... Chez Murakami ,des thèmes universels : l'adolescence, l'âge qui avance chez les femmes, le sexe, la mort, le suicide... En le lisant, je songeais à mon adolescent de fils, à tous mes ados en fait qui sont ici présents et avec qui je converse beaucoup mais avec plus ou moins de finesse ou réussite… Les portes claquent souvent avec moi, je ne suis pas une fine psychologue, je ne suis qu’une mère en fait. Donc c’est raté pour qui attend de l’objectivité ou du sang-froid.


La réflexion : un adolescent -garçon- c'est semblable à une larve. Le terme a une connotation péjorative mais je tiens ici à préciser tout de suite que je l'emploie de la façon la plus objective, rationnelle, scientifique possible... Une larve, cet animal qui n'est pas encore parvenu à sa forme définitive, qui est en pleine mutation, qui est déjà  quelque chose mais qui deviendra autre chose de tout à fait différent tout en restant ce même sujet de départ... Fascinant quelque part. Thème philosophique par excellence ! Matière et forme !  On devient autre mais en gardant sa "forme" au sens de ce qui définit substantiellement ce qu'est une personne, un animal ou une chose… Voilà comment j'utilise le mot de "larve". A partir de 14-15 ans environ, le drôle de petit insecte pondu à la naissance devient une grosse larve affamée et endormie. Il doit de façon permanente, pour sa survie, se nourrir et dormir ou hiberner dans un cocon sans être dérangé. Nous les parents, fournissons le cocon, la nourriture et la quiétude de la larve. Et c'est tout. Le sein maternel ne suffit plus à un moment donné à contenir le petit être en développement; ce dernier doit changer de cocon à un moment donné; une fois l'accouchement passé, il ne s'agit en fait que d'une première étape, il faut alors adapter un nouveau berceau, un nouveau cocon. Exiger autre chose d'une larve est une stupidité. La larve nécessite alors toutes sortes de soins, nourritures, physiques bien sûr mais aussi intellectuelles et spirituelles puisque l'homme a cette particularité de ne pas être que corps mais aussi esprit. Cependant, nous les parents mettons bien des années -parfois nous n'y parvenons jamais- à donner les nourritures correspondant à telle ou telle larve. Certaines font des allergies et ne supportent pas tel aliment; certaines sont gavées dans leur intellect de façon complètement disproportionnée, comme on donnerait un steak à un nourrisson édenté. Il faut adapter selon l'individu, cela demande une vraie attention de la part des géniteurs et éducateurs... C'est un travail de tous les instants et on y réussit plus ou bien, il faut l'avouer. Je me suis beaucoup trompée avec mon fils aîné et je ne cesse de tenter de rectifier le tir mais j'avance dans mes recherches comme si j'appuyais à tort et à travers sur l'embrayage d'une voiture qui bondirait en avant avec des chaos et secouerait toute l'assistance. Un pas en avant, deux pas en arrière. Tout est question de dosage, de finesse d'appui sur la pédale et pour les enfants, c'est pareil. Au départ,  on cale souvent puis on apprend à conduire en souplesse. La larve en son cocon ne fera rien de plus qu'hiberner et se développer. C'est ainsi. Nous avons tendance, nous parents, à vouloir mettre au travail notre ou nos larves mais elles en sont strictement bien incapables les malheureuses! Pire, cela pourrait nuire à leur développement! Et nous ne comprenons pas cela, ces larves doivent nous sucer jusqu'à la moelle, comme une œuvre d'art pompe tout de l'énergie créatrice d'un artiste et occupe chaque instant de la vie de ce dernier. Jusqu'à lui vider son cerveau parfois, le rendre fou...Et puis un jour, le cocon se brise, il devient inutile, la larve devient un magnifique papillon et l'on devine sur ses belles ailes colorées, irisées, fragiles, on devine tous les desseins, toutes les couleurs, toutes les nervures, toutes les blessures qui ont participé à son édification. C'est étonnant à observer un homme "fait». Ce passage à l'âge adulte, c'est le miracle absolu. C’est une pure merveille à contempler et nous ne prenons pas assez le temps, me semble t-il d’observer autour de nous chez nos amis, nos proches, nos enfants cette métamorphose.  Parfois on l'attend très longtemps parce que les larves n'ont pas toutes le même temps de chrysalide. C'est ainsi. Certains mettent cinq-six ans (rare) d'autre plus de dix ans (normal), la plupart une quinzaine d'année voire vingt ans (normal aussi en fait).
Tout ce que j'espère c'est avoir suffisamment d'énergie pour m'occuper jusqu'au bout de tous mes cocons... C'est pour moi une réelle inquiétude. Il faut une force physique et mentale relativement importante et c'est pourquoi avoir des enfants comme créer une œuvre d'art nécessite de s'y prendre assez tôt me semble t-il. Parce que cela demande du temps. Et un bon mental. Et puis d'autres facteurs interviennent : on a plus ou moins de talent à être mère. Personnellement je me considère comme une mère pas très douée, une médiocre éducatrice, inspiratrice, nourrice. Je cuisine d'ailleurs de façon très "basique", sans génie particulier. C’est un signe me semble t-il; je n'ai que peu de dons pour la tenue d'une maison : je ne couds pas, je ne sais pas trop bricoler, je fais mon ménage superficiellement. Je repasse un peu, par obligation. Mais surtout, surtout, je me bats contre mes fantômes personnels et je persuade mes pauvres enfants que ces derniers existent vraiment... Ceci ne favorise pas le climat serein nécessaire au bon ronronnement du cocon... c'est évident.

J'ai critiqué ce quotidien hier, mais aujourd'hui je vais tenir le discours inverse : la routine est ce qui me défend le mieux contre ces propres fantômes qui m'assaillent depuis toujours. La routine est garante de protection contre le désespoir, l'angoisse, le chaos et le désordre. La routine est source de vie. Il ne faut jamais la négliger, toujours la chérir. Dans le Murakami, "Ballade de l'impossible", à un moment donné, un jeune explique qu'il souhaite devenir un "gentleman". Il donne une définition de ce curieux idéal : « faire ce que l'on doit faire ». Hé bien! C'est exactement cela que j'entends par "routine" ou quotidien dans un sens positif.

Après une première  soirée bretonne où les vertiges n'ont pas cessé, je me suis laissée tomber sur mon lit et j'ai dormi comme une bûche. Avec insomnie tout de même... Mais bon sommeil quand même. Justement, à propos des insomnies et de la nuit, j’ai commencé un autre Murakami, « Sommeil », son dernier livre, une grande nouvelle sur les dix-sept jours sans sommeil d'une femme mariée. Lors de sa première nuit sans sommeil, la femme explique qu'elle dévorait les livres quand elle était jeune : "Depuis l'enfance, la lecture avait toujours été au centre de ma vie. Déjà, à l'école primaire, je dévorais tous les livres de la bibliothèque, tout mon argent de poche passait dans l'achat des livres. J'avais cinq frères et sœurs et j'étais juste au milieu, mes parents travaillaient tous les deux et étaient des gens très occupés, personne ne faisait attention à moi. C'est pourquoi je passais tout mon temps à lire."
Pareil pour moi, sauf que nous étions trois et j'étais au milieu. J'ai dépensé aussi tous mes francs de l'époque en livres, j'avais à un moment donné une très bonne amie (une seule) : elle m'invitait chez elle le mercredi et nous passions notre après-midi à...lire en mangeant des bonbons. C’étaient des après-midi merveilleuses et une très bonne amitié.
Puis, quelques années après mon mariage, j'ai cessé de lire complètement  (Comme la femme dans le Murakami). Je ne lisais plus que des magazines quand j'en avais et les journaux quand mon mari m'en rapportait. Après la naissance des jumeaux, j'ai fait partie d'un club de bibliothèque de « dadames » du village; j'ai recommencé un peu à lire... Puis, un jour j'ai lu un polar de Dantec ; non, je me trompe, j'ai d'abord lu une partie de son Journal et cela m'a enchantée; je découvrais un esprit libre et profondément imprégné de son art, l'écriture. Cela m'a fascinée, comme au temps de ma jeunesse j'étais fascinée par le pouvoir de l'écriture. Mon mari m'a alors plantée devant un ordinateur (jusque là cela ne m'avait pas intéressée, tout occupée que j'étais avec mon mariage et mes enfants) et je suis allée un jour sur un site; le premier. Celui de Dantec. J'étais surprise, cela ne correspondait guère à l'idée que je me faisais d'un écrivain, il y avait sur ce site des barbelés partout, des allusions aux guerres passées, présentes et futures. Un monde apocalyptique qui tranchait avec le monde dans lequel je vivais mais qui curieusement rejoignait certaines intuitions, certains "ressentis «que je nourrissais... Mon incapacité à observer le réel en face, ma volonté de fuir ce réel qui, par bien des égards me faisait horreur. Là, tout était décrit par le menu, sans trop de fioritures, dans une langue profondément "réaliste" au sens concrète du terme (anglo-saxonne pourrais-je dire en fait, comme celle de Murakami) et avec une ironie joyeuse, beaucoup d’humour  qui permettait un peu de respiration et de douceur. Alors, je me suis remise à la lecture en essayant de découvrir tous les auteurs découverts par cet écrivain. Et j'ai changé. Et j'ai écrit ce texte (le seul que je retiens vraiment de tous ceux que j’ai bien pu écrire) : http://lajoiedujour.blogspot.com/2008/11/rester-vivant-lire.html  Et j'ai fait de drôles de rencontres. D'autres lecteurs, d'autres écrivains, d'autres personnes à la lucidité sereine et entreprenante. Mon mari m'avait précédée dans toutes ces démarches car c'est un esprit qui ne s'arrête jamais. Le mien, d’esprit, s'était mis en sommeil un long moment; et j'en reviens au Murakami et sa nouvelle : je me dis que si cette femme perd le sommeil un long moment c'est parce qu'elle s'était "endormie", plus ou moins volontairement. La réalité du coup finit par la rattraper et la fin est assez glaçante, un peu -beaucoup- à l'image de notre époque.

Aujourd'hui, depuis cette époque où j'ai repris la lecture -et bien plus que cela, vous l'avez compris-, je ne dors moins et c’est tant mieux ! Je lis énormément la nuit, comme l'héroïne de la nouvelle de Murakami qui dévore dans sa première nuit "Anna Karénine". C'est très bien de lire la nuit, d’écrire aussi parfois, ou pour le moins de préparer ses textes, l'esprit est plus aiguisé, il n'y a pas d'interférences entre le monde, la réalité et vous-même; la lecture est un moyen pour accéder à cette réalité que je ne fuis plus. La lecture est ce conduit, ce passage obligé. Sans livre, sans lecture, le monde m'échappe, je m'échappe moi-même et demeure dans une atmosphère cotonneuse, un brouillard insaisissable... Cela a du bon de vivre dans un coton, un cocon, remarquez... j'en ai parlé plus haut. Mais il faut à un moment donné retrouver son corps, joindre la chair et l'esprit, se réunifier d’une certaine façon.
Cela me rappelle une autre lecture de mon enfance que j'ai adorée : celle de "Mon amie Flicka". Au début du livre, on voit le petit garçon de dix ans, Ken, essayer d'écrire une rédaction. Il se met à rêvasser, oublie d'écrire et se retrouve avec un zéro pointé.  Il rentre chez lui, dans le ranch de ses parents. Il observe, en descendant les étages de sa chambre à la salle de séjour un tableau avec des canards. A chaque fois qu'il passe devant, il s'arrête devant la peinture et s'imagine "entrer" dans le tableau... Puis, à la fin du roman, après moult aventures, le petit garçon a grandi, il a muri. Lorsqu'il passe devant le tableau, ce dernier ne lui "parle" plus. Il ne tente plus de s'évader dans une réalité imaginaire, il demeure prisonnier du vrai réel, de notre terre.

Fait curieux, c’est quand je suis exactement à ce que je dois faire dans mes journées que je rêve le plus la nuit.

Murakami,  et la lecture de certains écrivains aujourd’hui, c’est pour moi cette analyse de K. Dick que l’on retrouve dans la préface de « Confessions d’un barjo » : elle résume tout de ma façon d’aborder les livres ou les textes :
 « A vrai dire, je n’ai jamais très bien compris l’idée d’un protagoniste unique… pour moi, les problèmes sont multipersonnels, ils nous concernent tous ; un problème strictement personnel, ça n’existe pas… C’est seulement une forme d’ignorance, quand je me réveille le matin, que je trébuche contre un fauteuil et me casse le nez, que je suis fauché et que ma femme m’a quitté –c’est mon ignorance qui me fait penser que je suis l’univers tout entier et que ces misères me sont propres et n’affectent en rien le reste du monde. Si je pouvais le contempler du haut d’un satellite, ce monde, je verrais, dans sa totalité, chaque être humain en train de se lever et, d’une façon plus ou moins analogue, de trébucher contre un fauteuil et de se casser quelque chose. »












23 commentaires:

  1. Zéro commentaire, dommage. Alors je viens discrètement vous dire que je vous ai lue, et que, même si je ne suis pas du tout du même accabit, bord ou je ne sais quoi que vous, votre long billet m'a touchée.

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  2. J'espère ne pas être totalement à côté de la plaque en rappelant ici que Margaret Thatcher s'est fait élire en faisant valoir ses qualités de ménagère : quand elle a brandi, à une tribune de meeting, une balayette pour promettre qu'elle balaierait le socialisme hors de Grande-Bretagne, et quand elle a pris la place d'une ouvrière devant sa machine à coudre, dans une usine textile, pour piquer une poche sur un vêtement.

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  3. Elle va bientôt marcher la petite jolie. Quel sourire !

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  4. Merci Mère Castor et Catherine!
    Marchenoir, vous n'êtes JAMAIS à côté de la plaque et c'est bien ce qui irrite tant vos adversaires!^^ (et ce qui me réjouit beaucoup)
    Margaret Thatcher a fait évidemment exactement ce qu'il fallait et malheureusement nos candidats -et candidate- ne sont pas au fait des affaires essentielles d'un ménage...

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  5. Madame Crevette, merci de votre indulgence pour mes digressions extra-familiales.

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  6. Return of the kitschissim peau de mouton, en mode road-movie !! ("Un bébé élevé au bon bib'ron / jamais ne sort sans sa peau de mouton") Je vois que l'air breton fait du bien à la petite, elle a le teint bien rougeaud d'un ivrogne communiste, la joie éclatante en plus et l'aigreur haineuse en moins...

    Je n'ai pas encore lu de quoi que vous causez, mais je me demande où ont été prises les fotos du haut, les rochers... ça me rappelle le Goulven, où j'ai longuement médité (bon, rêvassé, plutôt) il y a longtemps.

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  7. Oui, cette peau de mouton c'est assez kitsch je reconnais mais c'est très pratique et bien chaud!Et je l'adore.

    COMMENT ÇA?? VOUS N'AVEZ PAS LU MA PROSE MIRIFIQUE??
    Pfff.... Vous êtes foutu, c'est sûr. Je vous le dis moi.
    (En résumé : je traite mes ados de larves. Voilà, tout est dit.)

    Sinon, non, ça n'est pas au Goulven (c'est où le Goulven?) et je dis pas où c'est parce que je ne tiens pas à être envahie par mes milliers (sisi!! voyons, croyez moi!)de lecteurs! C'est comme les coins à champignons, ça se dit pas ces trucs là.

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  8. Mais moi aussi je l'adore, cette peau de mouton, non mais ! Et non, j'ai pas lu, en parlant de larves j'en suis une belle actuellement, lis plus rien de suivi (oui, je geins)...

    Non, vous avez raison de ne rien dire, c'était idiot de ma part, disons que j'aurais voulu savoir où c'était approximativement (nord, sud ? Finistère, Côtes d'armor ?)... le Goulven c'est dans le Finistère nord, entre Brignogan et Plouescat. Voili voilou.

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  9. Je vais du côté de Concarneau...A cette période de l'année, l'avantage est qu'il n'y a pas un chat et j'apprécie.
    Sinon, je dis aussi que les larves n'ont pas vocation à le rester, elles deviennent de jolis papillons. Enfin, normalement.
    Bref, c'est super profond et hyper poétique.

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  10. "je dis aussi que les larves n'ont pas vocation à le rester, elles deviennent de jolis papillons" ... qui parfois s'écrasent lamentablement au sol. Ouais. Bon.

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  11. Le problème n'est pas de se crasher, tout le monde s'écrase dans la vie, à un moment ou à un autre. Le truc est de savoir tomber avec Celui qui est mort sur la croix (on pourrait dire crash test ultime de l'époque mais je suis pas sûre que mon curé avalise ce genre de formule)et puis ressuscité en sauvant ainsi tous ceux qui participaient à sa grâce ou sa vie.

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  12. Si vous tombez avec Lui, Lui aussi tombe avec vous. Et si vous n'arrêtez pas de tomber, Je (pardon, je) crois qu'Il finit par se lasser. Après tout, quand Il était sur la croix et qu'on a voulu Lui planter un 4ème clou, Il a dit : "bon les gars ça ira, Je suis divin, d'accord, mais même les êtres divins ont leurs limites, hein..."

    Bon, je sors.

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  13. Rhaa. Dieu qui a beaucoup d'humour, doit bien se marrer avec vous Gil!^^ Pourquoi voulez vous qu'Il se lasse?? sa patience est infinie voyons!

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  14. Oui eh bien la mienne a des limites. J'exige qu'il fasse quelque chose pour moi, maintenant. Je ne demande même pas la salvation éternelle, un petit million dans mon compte en banque suffira. Indiquez-moi sa page facebook que je lui envoie un MP !

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  15. Vous d'un mesquin, Gil, demander un pitoyable million comme un vulgaire ivrogne communiste pourrait le faire, alors que Dieu peut nous donner le bonheur éternel... Tout ceci est navrant.

    Et je vous signale par ailleurs -je suis bien brave je sais remerciez moi- que cela fait un moment qu'Il réclame d'être votre ami. Mais je crois que vous ne l'avez pas vu ou entendu... décidément, quel bougre d'âne vous faites.
    (C'est ce qu'IL me dit de vous dire, je n'y peux rien, vous savez bien que de moi-même jamais je ne me permettrais de parler ainsi)

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  16. "Vous êtes d'un mesquin", excusez-moi

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  17. Vous savez , Gil , il vaut mieux ignorer certaines choses ...

    " http://www.gamaniak.com/image-5590-facebook-jesus.html.html "

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  18. Entre Gil et Paul, j'ai deux trublions qui me font furieusement penser à mes ados...

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  19. Il réclame d'être mon ami (pardon, Ami) depuis un moment ? Non, je vous assure, Crevette, je n'ai reçu aucune demande d'ami de Sa part sur ma page FB...

    Et puis arrêtez de me mentir : je sais bien que c'est vous, pas Lui, qui me traitez de bougre d'âne. Mais ça tombe bien, j'adore être remis sur le droit chemin par des femmes fortes ! <3

    Paul : c'est monstrueux. je ne comprends pas que la Crevette laisse mettre des liens pareils sur son blog. Je n'ai même pas réussi à lire la recette pour transformer l'eau en vin, c'est dire si je repars Gros Jean comme devant...

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  20. La "femme forte", voilà à quoi elle ressemble!:

    http://amoyquechault.over-blog.com/article-un-couple-100913108.html

    Mais sur ma bétaillère, il y a écrit en fait : "Jesus is My answer et tant pis pour les bougres d'âne pour qui ça ne l'est pas."

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  21. Je parlais de femmes fortes et belles, oeuf corse... qu'est-ce que c'est que cette camionneuse-là ?? :D

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  22. Jolie voiture.

    Il manque tout de même un grillage blindé sur le pare-brise et une mitrailleuse sur le toit si on veut traverser Garges-lès-Gonesse avec.

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  23. ça me fait penser que cette année, je n'ai pas de bac et donc à priori je ne suis pas obligée de traverser des zones abandonnées avec mes mouflets.
    http://oralaboraetlege.blogspot.com/2010/06/le-bac-au-pays-des-islamos-soviets.html

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