Pendant qu’en France, la campagne bat son plein, s’arrête, enfin non, pas vraiment, reprend de plus belle et aborde consciencieusement les sujets les plus importants, d’autres pays ont choisi de s’intéresser un peu à la crise qui ronge les économies développées et les réponses qu’ils y apportent méritent qu’on s’y attarde…
… Surtout que ces réponses sont abominables et si horriblement décalé avec ce qui se passe actuellement en France qu’on ne peut qu’espérer que l’information ne parvienne pas jusqu’à nos élites.
On leur souhaite ainsi de ne surtout pas se pencher sur l’épineux cas italien, ils en chopperaient une mélenchonnite aigüe : Mario Monti, qui a du reste été propulsé fin novembre à la tête du Conseil italien par une décision bien peu démocratique, a engagé un impressionnant train de réformes qui feraient pâlir tous ce que la France compte de fougueux réformistes.
En effet, depuis qu’il est arrivé, il a multiplié les démarches pour faire sauter un à un les verrous qui existent dans la société italienne. Il a ainsi ouvert à la concurrence des professions jusque là protégées (taxis, pharmaciens, notaires, …) en faisant par exemple sauter leur monopole de droit, simplifié de façon drastique les règlementations entourant la création d’entreprise ou laissé aux commerçants le choix de leurs horaires d’ouvertures (en incluant le dimanche) et de leurs tarifs (en faisant sauter les tarifs minimums). Si l’on ajoute l’augmentation de la durée de vie active avant départ à la retraite (pleine à partir de 62 ans pour les femmes et 66 pour les hommes) et la baisse des pensions, on se rend compte qu’il a fait bien plus en quelques semaines en Italie que les longues négociations françaises (et même Allemandes) sur la question dont on se rappelle qu’elles ont abouti, dans la douleur, à des micro-changements. Et l’ensemble de ces bouleversements aura été négocié tambours battants en quelques mois, sans attendre.
Le résultat, jusqu’à présent, laisse perplexe puisque les tensions sur les marchés des emprunts d’états italiens sont nettement retombés : les investisseurs ne demandent plus que 3% pour prêter à l’Italie à 2 ans contre plus de 7% il y a 3 mois. Eh oui : avec tout ça, le marché s’est calmé au lieu de s’exciter encore un peu, et apparemment, le fait de libéraliser l’économie tend à améliorer la situation, particulièrement en période d’austérité. Pourtant, à entendre le discours unanime de tous les candidats à la présidentielle française, on pouvait croire le contraire… Nous aurait-on pipeauté ?
En tout cas, cette semaine, le président du Conseil italien s’attaque au gros morceau. Jugeant qu’il ne pourra y avoir de retour à la croissance et à une économie saine pour l’Italie sans revoir profondément la façon dont est organisé le marché du travail, il a décidé de réformer de fond en comble le droit du travail et notamment la partie licenciement. Pour expliquer son geste que, là encore, tous les candidats à la présidentielle française qualifieraient sans aucun doute de criminel, Monti a sorti la raison suivante :
« Nous avons besoin de donner moins de protection à ceux qui sont intouchables et blindés dans leur citadelle. Et de donner davantage à ceux qui sont dans des formes extrêmes d’insécurité ou qui restent durablement en dehors de l’entreprise ».
Enfin, à cette refonte du droit du travail s’ajoute un chantier fiscal comprenant notamment une réduction des charges patronales et une volonté déjà actée de réduire l’empreinte de l’Etat, de sa bureaucratie, de ses gaspillages et de sa corruption. La suppression des conseils départements et la réduction du nombre des conseillers régionaux en est un excellent exemple dont le mille-feuille français ne s’inspirera surtout pas, n’y pensez pas malheureux.
Il est encore un peu tôt pour dire que l’Italie est sortie de la panade dans laquelle la crise l’avait poussée. Mais il est difficile de ne pas admettre qu’au moins, des réformes structurelles profondes ont été tentées pour y parvenir. Le contraste avec l’impressionnisme pointilleux utilisé pour peindre les réformichettes nanométriques françaises est saisissant, et ce d’autant que, j’insiste, en pleine campagne actuellement, aucun des candidats ne fait mine de proposer des réformes à moitié aussi puissantes.
On pourrait croire le cas de l’Italie totalement isolé.
Un autre pays semble pourtant glisser sur la même pente inimaginable d’un changement d’opinion, où cogner sur les entreprises, les riches et les créateurs de richesses n’est plus l’unique doxa nécessaire au bonheur de tous.
Ici, je parle de l’Angleterre (qui, heureusement, est totalement perfide et ne pourra donc pas servir d’exemple à la France, phare du monde moderne). Ainsi, David Cameron a-t-il décidé de favoriser la réimplantation des entrepreneurs sur le territoire anglais en … baissant le taux supérieur d’imposition sur les revenus de 50% à 45% pour les personnes gagnant plus de 150.000 £ (179.500 €) par an, avec pour but de revenir aussi vite que possible au taux unique de 40% qui était en vigueur avant 2009. Parallèlement, il hausse le taux minimal à partir duquel on paye des impôts en le montant à plus de 9000 £. Pour rappel, en France, nos aimables candidats se battent comme des chiffonniers pour savoir si le nouveau taux d’imposition de 75% proposé par le dessert fromager semi-liquide est une bonne idée, s’il ne faut pas aller au-delà ou s’il ne faut pas tout simplement prendre tout à tout le monde et redistribuer ensuite le minimum à chacun pour assurer enfin une société égalitaire ultime (et Poutou à votre dame).
Si, à ces mesures en complète oppositions aux idées françaises, on en ajoute une autre, au moins aussi abominable (incluant bien sûr des Morts de Bébés Communistes™) de privatiser certaines routes anglaises, et qu’on apprend qu’en plus — et là, c’est l’horreur totale avec sacrifices de bébés humains à la clef — les privatisations touchent même les forces de police britanniques, on se rend compte que lorsque la France, magnifique et éternelle, retrousse sa robe et trottine gentiment sur le chemin boueux de la servitude, nos autres partenaires européens ont pris conscience qu’il fallait trouver d’autres moyens que scier la branche sur laquelle on est assis pour espérer s’en sortir.
Mais rassurez-vous : les changements, qu’ils soient propulsés par la technologie ou causés par la crise économique, seront proprement emballés et repoussés aussi longtemps que possible, et à nos frais, par notre classe dirigeante calcifiée sur ses idéaux collectivistes. Nous n’aurons donc pas à subir la croissance, la baisse du chômage et la résorption de la dette avant un bon moment.
Ouf, ce pays est foutu !
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À noter tout de même : la "privatisation" envisagée par Cameron est bien timide et cette délégation de service public risque bien de se terminer comme d'autres tentatives mal menées de récupérer facilement de l'argent sur le dos d'entreprises privées rendues commodément responsables de tous les maux - et on pourra lire Lemennicier à ce sujet.
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