mercredi 11 mai 2011

Chroniques hospitalesques

Marie Liesse et Gabrielle


Elisabeth et Gabrielle


Retour en arrière après notre Tsunami familial :

Mercredi 5 mai, 11h du soir, ce sont les grandes eaux à la maison, toute la maisonnée dort tranquille et nous nous apprêtions à nous coucher D. et moi. Ben non. Il faut partir à la maternité après une journée bien crevante. Je suis inquiète, c'est trop tôt. De la voiture, je préviens la maternité d'une probable naissance prématurée. J'entrecoupe le coup de fil de "doucement, D., il y a des animaux à cette heure-ci..." Pas le moment de heurter un sanglier!
Arrivée à l'hôpital, je toque à l'accueil, la femme se retourne en sursautant, la clope au bec : il faut l'excuser, il est tard...
Mon mari demande avec des airs pathétiques à la sage-femme s'il n'y a pas moyen que le liquide amniotique perdu se reconstitue? Non vraiment pas?? Je regarde mon homme un peu étonnée, c'est tout de même pas un novice en la matière...
Nous essayons malgré tout de retarder l'accouchement jusqu'au lendemain, ce serait bien pour le bébé. Mon mari repart à la maison, je dors sur place.
Au milieu de la nuit, j'appelle les sages-femmes, je sens bien que je vais accoucher, elles m'emmènent rapidement et l'anesthésiste fait vite une péridurale, on appelle mon mari. Je me rallonge, les sages femmes vaquent à leurs occupations, je sens que le bébé arrive mais je n'ai pas la force de prévenir, je suis "occupée".Deux minutes après, on entend sous le drap un cri, le bébé est sorti d'un coup, comme une bombe. La sage-femme stupéfaite récupère le poupon qui braille avec énergie, c'est la plus belle musique que j'ai jamais entendue, je dois l'avouer...
Mon mari arrive ensuite et ravi de découvrir la petite merveille.Il repart illico chercher les mouflets qui veulent voir leur petite sœur avant d'aller en cours. A 7h30, je rentre dans ma chambre et tous les enfants admirent abasourdis cette minuscule crevette qui pique un premier roupillon. La discussion sur le prénom va bon train, le prénom choisi au départ ne convient pas aux enfants, je suis bien trop fatiguée pour imposer quoique ce soit. Finalement, au hasard des suggestions, je propose Gabrielle, l'ange de la sainte Vierge, le porteur de lys, l'ange du Saint Esprit. L'unanimité se fait, va pour Gabrielle.

La journée se passe tranquillement, je me lève, m'occupe de ma fille, retrouve quelques gestes un peu oubliés.
Le soir, changement de service, changement d'ambiance.Vers dix heures, une sage femme revêche fait son entrée, me demande si tout va bien, me recommande froidement de ne pas appeler ("nous sommes débordées!") et me dit qu'on va prendre ma fille pour la nuit (la première nuit les bébés sont à la charge des sages-femmes ce qui permet de récupérer un peu après en gros 24h sans dormir et un accouchement) dans une heure. Bon d'accord.
A deux heures du matin, Gabrielle pleure beaucoup, personne à l'horizon, je suis debout, j'ai des vertiges, je change ma fille et me demande quoi faire. J'appelle : "Ah! On vous avait oubliée!" Merci bien. Je me couche enfin et m'endors dans la seconde.
Les soirs suivants, ce sera le même topo : les équipes de nuit sont décidées à en faire le moins possible, elles laissent le bébé à leur mère sans trop de complexe et on ne voit plus personne jusqu'au lendemain 8h30. Je fais ainsi deux nuits blanches d'affilé complètes, en passant par tous les programmes télé, la télé qui devient ma compagne nocturne la plus fidèle et la plus aimable... J'apprends tout sur le brame du cerf, par exemple.
Un autre soir, rediffusion de reportages sur les sites de rencontres et sur le problème des prostituées. Plusieurs hommes témoignent : "Ma femme vient d'accoucher, alors vous comprenez... Je vais aux putes!"
Je m'indigne silencieusement avec ma fille au sein : "Bande de connards!!!!" Bon, là, la télé comme soutien, c'était foireux... Je passe aux architectes de l'extrême qui construisent des tours, des ponts, des trucs incroyables et qui redoublent d'inventivité : beau métier...

Entre deux cris de ma fille, je pense à toutes les jeunes mamans livrées en ces heures de la nuit, à elles-mêmes, avec leurs douleurs nombreuses, leur poupon inconnu qui pleure et personne, personne pour les rassurer et les aider... Si ça ne tenait qu'à moi, j'irai bien me balader dans les couloirs... Me dis qu'il y a un beau créneau, pour faire du bénévolat dans les hôpitaux : ça n'est pas dans la journée qu'il faut visiter les malades, mais la NUIT. Là, on n'a que ça à faire de souffrir et d'angoisser, dans la journée on est plus occupé. Et puis les services de nuit, à quelques rares exceptions, sont vraiment motivées par une charge de travail moindre alors qu'en fait il y en a plus. Il faudrait, concrètement les équipes les plus compétentes, motivées, actives la nuit et pas le jour. C'est mon point de vue.


De même pour les repas : évidemment, pendant trois jours une bouffe Tricatel infâme, à la limite du justiciable. Il n'y a même plus de goûter de 4h!! Pour une femme qui allaite, le repas c'est le nerf de la guerre...
J'en parle avec une amie médecin à la maison de retraite attenante à l'hôpital : elle m'explique que les petits vieux "bénéficient" de la même nourriture qu'à la maternité. Je suis horrifiée. Un repas, pour un vieillard, c'est tout ce qui lui reste, c'est le dernier moyen de lui refaire les forces physiques, morales. Résultats des courses, la bouffe est tellement dégueu. que les vieux sont dénutris, il faut leur donner des compléments alimentaires qui coutent très chers, plus chers que l'emploi d'un cuisinier, j'en suis sûre... C'est le monde à l'envers, l'hôpital.

19 commentaires:

  1. Ca ne vous donne pas le vertige ces deux photos de vos grandes tenant la petite nouvelle ? Il y a comme une "mise en abîme" ou alors un "mouvement prpétuel": 18-20 ans auparavant c'était la même scène avec vous tenant ces désormais jeunes femmes dans les bras alors que celles-ci avaient probablement la même bobine rouge et flapie. Je sais pas pourquoi, j'leur trouve quelque chose d'étourdissant à ces clichés.

    François

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  2. Ce n'est pas très charitable, à l'aube d'une vie et de la joie d'une naissance, de baver ainsi sur des gens qui vous ont accueilli.Que savez-vous de leur travail en entier pour les juger ainsi? Connaissez-vous leur salaire? Leurs conditions de travail? En savez-vous assez sur eux pour leur jeter ainsi la pierre? Vous n'êtes pas satisfaite? Combien avez-vous payé?
    Pas très évangélique tout ça! Qu'en est-il de vous? De l'argent de votre ménage? En quoi est-il plus dignement gagné? Plus honnêtement? Plus durement? Vous trouvez-vous exemplaire?

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  3. Non ce n'est pas charitable : je ne vois pas trop ce que vient faire la charité là-dedans. Elles n'ont pas donné la vie ces personnes, ce sont les mamans qui ont accouché qui ont donné la vie.
    On paye très cher une hospitalisation et c'est de l'argent qui à mon sens pourrait être plus intelligemment employé.
    Je ne juge pas les personnes mais leur travail.
    Je connais leurs conditions de travail parfaitement, c'est un métier magnifique qu'elles exercent avec ses difficultés, avec la mort parfois, avec la douleur mais ce sont celles des malades pas les leurs directement, vous l'oubliez.
    Je maintiens ce que j'ai observé et dit.

    François, oui, c'est assez étonnant ces clichés, je les aime beaucoup.Je me souviens à 20 ans de mon premier et suis ravie de voir mes deux grandes filles être aussi gâteuses de leur petite sœur,et désireuses d'en faire autant, c'est naturel, c'est sain, c'est bien.

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  4. Confondant de bêtise, le commentaire de notre ami Luc, mais hélçs tellement attendu...

    Il y a des tabous quasiment religieux, en France. Par exemple, on ne critique pas les professeurs et le personnel hospitalier... Ca relève presque du religieux.

    D'ailleurs, ils ne travaillent pas "ils accueuillent les gens". Et quand on émet une résèrve sur leur travail, on n'excerce pas son droit à la critique, on "manque de charité".

    Hallucinant de connerie, mais une connerie qui court les rue.

    Sachez monsieur que toutes les professions sont passés au crible de la critique, les garagistes, les restaurateurs, les employeurs en générale, les chauffeurs de taxi, les notaires et les agents immobilliers.... J'en ai jamais entendu un d'assez con pour évoquer un "manque de charité" en se roulant parterre, comme vous venez de le faire.

    Et puis toujours l'argument de celui pas assez mature pour se confronter à la critique "que savez-vous de leurs contition" de travail? Bin on sait ce qu'on voit, et ce que nous rapporte la Crevette, c'est que le personnel de nuit n'a pas vraiment à se plaindre.

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  5. Ca, c'est un plaidoyer pour accoucher à la maison ! :) (et félicitations !)

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  6. Gabriel, la force de Dieu !
    Je crois qu'elle caractérise bien le caractère qui vous anime !
    Félicitations en tout cas.

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  7. Comme elles sont attendrissantes ces trois filles !

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  8. @ XP
    Peut-être que la critique des personnels hospitaliers et enseignants relève du tabou religieux, parce que justement dans la France d'avant 1789 (voire 1905) c'est l'Eglise qui remplissait ces deux missions.
    Je crois qu'elle s'en tirait au moins aussi bien que notre belle fonction publique que le monde entier nous envie.

    Popeye

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  9. XP a dit :

    Confondant de bêtise, le commentaire de notre ami Luc, mais hélas tellement attendu...

    Il y a des tabous quasiment religieux, en France. Par exemple, on ne critique pas les professeurs et le personnel hospitalier... Ca relève presque du religieux.

    D'ailleurs, ils ne travaillent pas "ils accueillent les gens". Et quand on émet une réserve sur leur travail, on n'exerce pas son droit à la critique, on "manque de charité".

    Hallucinant de connerie, mais une connerie qui court les rue.

    Sachez monsieur que toutes les professions sont passés au crible de la critique, les garagistes, les restaurateurs, les employeurs en générale, les chauffeurs de taxi, les notaires et les agents immobilliers.... J'en ai jamais entendu un d'assez con pour évoquer un "manque de charité" en se roulant parterre, comme vous venez de le faire.

    Et puis toujours l'argument de celui pas assez mature pour se confronter à la critique "que savez-vous de leurs contition" de travail? Bin on sait ce qu'on voit, et ce que nous rapporte la Crevette, c'est que le personnel de nuit n'a pas vraiment à se plaindre.

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  10. Marion Messina a dit :

    Ca, c'est un plaidoyer pour accoucher à la maison ! :) (et félicitations !)

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  11. Oui, pas bête Marion, je n'y songeais même pas...
    Merci.

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  12. Catherine a dit :
    Comme elles sont attendrissantes ces trois filles !

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  13. Sylvie a dit :

    Et l'équipe de nuit qui, pour se venger d'avoir été debout alors que vous étiez couché (e) "à dormir!!" Qui vous amène le fameux thermomètre.... à 5 heures du matin.
    Et puis plus rien avant la reprise de l'équipe du jour, bien deux heures après hein.
    Petit déj. (le moins mauvais repas du jour) mais en fanfare. Ménage frénétique ET visite du toubib, celui qui sait... Pas facile de manger.
    Après, calme plat jusqu'à la daube servie à 11 heures (faut se plier aux changements d'horaires du merveilleux sévice hospitalier n'est-ce pas?) A une heure de visite autorisée. Et puis, on attend la prochaine, 17 heures. La soupe infâme arrive pile deux minutes après que les chers, les aimés arrivent.
    Et on hésite entre manger, même un peu vu ce qu'on nous sert, ou profiter des siens... Et puis, la nuit recommence..... Terrible!

    Pour revenir à la maternité, (et encore bienvenue à cette nouvelle petite crevette Gabrielle), j'ai quand même eu la chance d'avoir mon deuxième (prématuré 7 mois) en Suisse (Genève) à une époque où ils n'étaient pas encore trop pollués par la fRance. Pris une assurance privée ^^
    WOW Quelle différence!!
    Je ne suis plus toute jeune, je parle d'il y a 23 ans. L'aîné est né en fRance il y a 27 ans à 8 mois. Ils étaient forts tous les deux mais je n'ose imaginer l'inverse..
    Et l'autre dans les commentaires qui pleure qu'on n'a pas le droit de critiquer chais pas quoi.... XP lui a farpaitement répondu ^^
    Profitez bien de votre petite nouvelle crevette et de toutes vos crevettes qui vous entourent. Vous formez un magnifique bouquet.
    Nous aussi dans notre coin, même si nous sommes moins nombreux.
    Amitiés sincères.

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  14. Sylvie a dit :

    Pour la Suisse, habitant à la frontière nous avions pris une assurance privée en Suisse en prévision d'une prématurité certaine qui aurait obligé à une séparation inacceptable (bébé envoyé à Lyon). Nous avons bien fait. J'ai halluciné sur la différence avec la fRance et pourtant, c'était l'hôpital Cantonal donc public, pas un truc privé. (Usine sans coeur d'après le pédiatre qui suivait notre aîné en Suisse...)
    Prématuré de 7 mois, naissance en catastrophe, césarienne! Pas à la française, en Suisse on sait respecter le corps de la mère! Ouverture petite, horizontale, le plus bas possible. Même mon cher et tendre mari ne voit pas la cicatrice.
    Et je me suis retrouvée à quelques étages près, séparée de ce nouveau né tant désiré en soins intensifs. Les infirmières se bousculaient presque pour me permettre de le voir, de garder ce lien... "A quelque moment que ce soit, n'hésitez pas, nous vous amènerons le voir. Césarienne toute fraîche, mobilité réduite, fauteuil roulant indispensable".
    Une fois même, en arrivant par mes propres moyens, l'amour donne des ailes ^^ je suis arrivée en plein drame au centre des prématurés. L'infirmière en chef remontait les bretelles de toutes les infirmières du service. Pourquoi? Parce qu' une maman venue voir son enfant s'est vue refoulée car c'était l'heure de la visite du médecin. Elle est partie en larmes.
    J'ai entendu ces paroles : "Pour quelque raison que ce soit, même la visite du médecin, on n'a pas le droit d'empêcher la maman de voir son enfant!" C'était l'infirmière en chef. Une pro!
    Et je me souviens des goûters (bienvenus) de l'après-midi en Suisse ^^ Ca donne du punch. Et j'ai pu allaiter dans de meilleures conditions que pour l'aîné même si c'était aussi par machine interposée. Mais c'est une autre histoire...

    Il y a tant à dire...

    J'ai préféré vous parler de la Suisse plutôt que de la fRance. Mais nos deux enfants se portent bien, très bien et c'est le principal.
    Une tribu réduite (pour cause médicale) mais une tribu soudée contre vents et marées.

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  15. Ma mère a vécu à peu près la même expérience avec la naissance de ma sœur en Suisse il y a près de 40 ans(césarienne aussi) et elle me racontait ces jours-ci la différence hallucinante entre la France et la Suisse en terme de confort et de prise en charge des bébés et des mamans; tout était encore très vif dans son esprit.
    C'est vrai qu'en France l'hôpital fait de plus en plus "hosto. de cambrousse."

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  16. "c'est naturel, c'est sain, c'est bien."

    Cette phrase m'est restée dans la tête jusqu'à ce que je me souvienne à quoi ça me faisait penser:

    http://www.youtube.com/watch?v=n0KYuWEh_iU

    François

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  17. Très belle vidéo François, comme d'habitude je dirai : "je ne connaissais pas" mais j'aime le côté pudique de cette vidéo...

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  18. @ XP
    Peut-être que la critique des personnels hospitaliers et enseignants relève du tabou religieux, parce que justement dans la France d'avant 1789 (voire 1905) c'est l'Eglise qui remplissait ces deux missions.
    Je crois qu'elle s'en tirait au moins aussi bien que notre belle fonction publique que le monde entier nous envie.

    Popeye

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  19. Popeye, votre dernière réflexion est tout à fait pertinente...

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