mardi 26 avril 2011

Du paradis de l'enfance

 

Avec cette semaine sainte et tous ces offices magnifiques qui se terminent et en rapport avec la lecture de Flannery O'Connor reçue dans ma boite aux lettres le vendredi saint, je faisais un petit bilan de ces jours passés avec les enfants. Dans les nouvelles de Flannery les enfants sont rarement de petits anges édifiants et elle écrit, à la suite du portrait donné par Mère Alphonsa sur le petit Willie : "Les enfants terribles sont sûrement plus insupportables à vivre que les enfants sages, mais leurs histoires sont plus faciles à lire..."

Sans doute ai-je pensé en mon fort intérieur, qu'elles sont plus faciles à lire ces histoires là parce qu'elles nous rappellent bien souvent notre propre enfance et la violence de certains sentiments ou actes exercés. Je me souviens avoir envisagé plusieurs fois dans ma tendre enfance avec beaucoup de sérieux la mort de ma jeune sœur... j'ai souvenir aussi d'une bagarre épouvantable avec des cousins (à coups d'épis de maïs), bagarre qui avait dégénérée et je me suis retrouvée balancée dans un roncier... Nous avions dû ensuite rentrer à la maison et aller saluer des invités au salon : nous étions tous hurlant, pleurant, ensanglantés, les vêtements déchirés et ma pauvre tante qui me recevait avait été fort marrie de me voir, moi l'aînée des cousines, dans cet état de sauvagesse incontrôlé...

Un de mes garçons, un des plus sages! a aussi vers l'âge de cinq ans mis sur la route son petit frère, bien au milieu, et refermé soigneusement le portail du jardin derrière lui.. J'observais stupéfaite la scène de la fenêtre et écoutais cette conversation du plus grand qui disait au plus petit planté au carrefour : "Surtout ne bouge pas! Ne rentre pas à la maison! Reste où tu es!"

Bref, les exemples de violence enfantine sont innombrables et parfois nous avons tendance à édulcorer un peu ce paradis qu'est l'enfance...

De même, nous avons tendance, et c'est là où je voulais en venir, en contemplant les photos de mon petit blog où je mets bien souvent mes enfants en scène volontairement car je veux montrer qu'il est possible aujourd'hui malgré toutes les déliquescences civilisationnelles décrites ici et là d'avoir et d'élever des enfants, à édulcorer nos familles chrétiennes pratiquantes et dynamiques.... Dynamique est un terme qui m'a toujours fait peur car j'ai vu beaucoup, beaucoup de femmes ou d'hommes se perdre dans un activisme religieux qui loin de m'édifier me faisait plutôt horreur...
A la veillée pascale (trois heures de cérémonie tout de même, dans la nuit), j'ai vu une jeune maman déposer à mes côtés et à la garde de ma voisine (elle-même "encombrée" si je puis dire de son poupon) son bambin de trois ans environ pour aller participer avec son mari à la chorale (magnifique). Le petit est resté trois heures durant assis sur un prie-Dieu, très sage, silencieux, dormant parfois, mais cette sagesse m'a parût suspecte et je me suis penchée vers mon mari pour lui demander son avis. "Il l'air bien malheureux" a t-il déclaré immédiatement, confirmant ainsi mon impression...

Je me disais en moi-même que boire au lait de l'amour maternel ou paternel donne concrètement la notion, le goût,la chair de ce qu'est l'amour du Bon Dieu. Que peut-on comprendre de l'amour divin si on ne l'a pas expérimenté, dans tous ses sens, sur les genoux de ses parents?

Je repense à toutes ces années avec mes propres enfants et aux plus difficiles d'entre eux : plus ces derniers étaient ingérables, plus je tenais à les garder auprès de moi car il y avait au milieu de ces luttes constantes, de rares moments où l'enfant pouvait goûter et comprendre que les parents, c'était le lieu et la place privilégiée de l'amour et de la miséricorde. Certes, un amour souvent semblable à un mur solide sur lequel il se faisait les poings ou les armes mais aussi un mur malléable où il ne pouvait pas se blesser...

Sans doute dans ces cas-là nos églises apparaissent alors, sans ces familles "dynamiques" et jeunes, parfois comme bien endormies ou mortes, les chorales de personnes âgées peuvent décourager les bonnes âmes et faire souffrir notre élan spirituel -je fais cette réflexion directement en rapport à ce qu'exprimait Xyr dans un texte sur l'atmosphère mortifère de nos lieux de culte et aussi en rapport à un vieux texte de Lounès où il dit :  "Lendemain, vais voir un peu à l’église... Assemblée principalement composée de femmes âgées, et chants en français que l’on ne comprend pas. Je sens la colère monter..."  Je comprends tout cela, cette colère, ce désespoir, cette incompréhension mais ils n'ont pas vu aussi que derrière la mort, il y a toujours la vie qui pointe et qui est fragile et qu'il faut protéger, il faut savoir regarder parfois au delà d'une vieille assemblée quelques détails qui témoignent d'une réalité plus "dynamique" ou créative qu'il n'y paraît au premier abord... Il y a des mouvements secrets qui échappent à l'œil humain et qui pourtant témoignent d'une réalité bien vivante et cette réalité vivante n'est pas forcément la plus "active", bruyante, visible...

Alors, oui, avec mon mari nous n'avons jamais fait partie de ces couples "dynamiques", entraînants, peut-être avons-nous été peu représentatifs ou exemplaires mais je crois plus au travail souterrain dans les cœurs et à la nécessité d'un cocon fermé dans lequel la chrysalide prend le temps de se transformer plutôt qu'à un nid ouvert à tous les vents.

3 commentaires:

  1. PDLL
    "il faut savoir regarder parfois au delà d'une vieille assemblée quelques détails qui témoignent d'une réalité plus "dynamique" ou créative qu'il n'y paraît au premier abord..."

    Certainement . Dieu est partout , je veux bien , mais il a peut-être plus envie de se mettre en charentaises dans une vieille Chapelle , entouré de pierres qui ont liées milles Ames pour l'éternité et en ont suivit milles autres six pieds sous terre , éclairés par ce souffle , cette lumière (divine ?) , avec l'acharnement de Grand-Mères obstinées dans la Foi comme aux champs que dans une Eglise du Louisiane où 20 négresses tapent dans leurs mains , où ce lieu vide a autant d'âme qu'une cantine scolaire .
    C'est certainement l'Eglise qui régènere les croyants plus que l'inverse .

    "" Un peuple Chrétien , voilà ce que nous aurions fait tous ensemble . Un peuple Chrétien n'est pas un peuple de saintes-nitouches .L'Eglise à les nerfs solides , le péché ne lui fait pas peur , bien au contraire . Elle le regarde en face , tranquillement , et même , à l'exemple de Notre-Seigneur , elle le prend à son compte , elle l'assume . Quand un bon ouvrier travaille convenablement , les six jours de la semaine , on peut bien lui passer une ribote , le samedi soir . Tiens , je vais te définir un peuple Chrétien par son contraire . Le contraire d'un peuple Chrétien , c'est un peuple triste , un peuple de vieux . Tu me dira que la définition n'est pas très théologique . D'accord .Mais elle a de quoi faire réflechir les messieurs qui baîllent à la Messe du Dimanche . Bien sûr qu'ils baillent ! Tu ne voudrais pas qu'en une malheureuse demi-heure par semaine , l'Eglise puisse leur apprendre la joie ! Et même s'ils savaient par coeur le Catéchisme du Concile de Trente , ils n'en seraient probablement pas plus gais .

    D'où viens que le temps de notre petite enfance nous apparaît si doux , si rayonnant ? Un gosse a des peines comme tout le monde , et il est en somme , si désarmé contre la douleur , la maladie ! L'enfance et l'extrême vieillesse devraient être les deux grandes épreuves de l'homme . Mais c'est du sentiment de sa propre impuissance que l'enfant tire sa joie . Il s'en rapporte à sa mère , comprends-tu ?
    Présent , passé , avenir , toute sa vie , la vie entière tient dans un regard , et ce regard est un sourire .

    Et bien , mon garçon , si l'on nous avais laissés faire , nous autres , L'Eglise eut donné aux hommes cette espèce de sécurité souveraine . Retient que chacun n'en aurais pas eu sa part d'embêtement . La faim , la soif , la pauvreté , la jalousie , nous ne seront jamais assez forts pour mettre le diable dans notre poche , tu pense ! Mais l'homme se serait su le fils de Dieu , voilà le miracle ! Il aurait vécu , il serait mort avec cette idée dans la caboche-et non pas avec une idée apprise seulement dans les livres ,- non .
    [...]
    Seulement , nous aurions aboli , nous aurions arraché du coeur d'Adam le sentiment de sa solitude . ""


    Une Eglise qui veut décharger l'Homme du poids de son fardeau , allèger sa peine , rebute certainement plus de monde qu'une assemblée composée de petites vieilles , à mon humble avis ...

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  2. @ PDLL
    C'est de qui?

    Popeye

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  3. C'est Bernanos, Journal d'un curé de campagne, Le Livre...
    Faut que je relise mais c'est toujours difficile de commenter du Bernanos...

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