jeudi 28 avril 2011

De la finalité du roman catholique

"Les romans mal écrits -pour édifiants ou dévots que soient leurs personnages- ne sont pas bons en eux-mêmes, ils ne sauraient donc édifier vraiment leurs lecteurs. Mais combien de problèmes soulèvent une affirmation de ce genre! Aussi bien la lecture d'un mauvais roman peut-elle être édifiante pour qui n'en connaîtrait pas de meilleur. Notre monde fournit mille exemples de niaiseries inspirées par de bonnes intentions. Dieu peut faire de toute chose médiocre, et jusque du mal lui-même, l'instrument du bien, mais je tiens que cela ne regarde que Dieu et n'est pas l'affaire des hommes.
S'il est un bel exemple de très médiocre roman truffé de bonnes intentions, c'est bien L'Enfant trouvé, du cardinal Spellman. Il n'appartient à personne de juger le cardinal autrement que comme romancier, mais comme tel il est un peu léger. Certes, il est satisfaisant de savoir qu'en achetant L'Enfant trouvé on vient en aide aux orphelins à qui va le montant des ventes; et à tout prendre, on peut toujours s'en servir comme butoir de porte. Mais il faut avouer qu'en l'occurrence on soutient l'œuvre de bienfaisance des orphelins, pas que l'on promeut la littérature catholique dans ce pays. S'il faut opter, il revient à chacun de choisir."
("Les romanciers catholiques et leurs lecteurs", par Flannery O'Connor)

Nous avons hérité avec mon mari d'un nombre incalculable d'ouvrages sur l'histoire de l'Eglise ou sur des témoignages édifiants etc... Et il est vrai que certains livres servent aujourd'hui à redresser le lit conjugal pour faire en sorte que mes jambes qui ont quadruplé de volume en cette fin de grossesse puisse réduire leur inélégant gonflement.... (ce qui me fait penser aux dernières photos de JMM sur Ilys qui s'érige contre la vulgarité féminine : en d'autres temps je lui aurais volontiers donné raison mais à l'heure actuelle où je ressemble plus à un boudin qu'à une crevette d'élite, je me verrais bien volontiers dans la peau d'une de ces vulgaires filles!!)
Tout cela pour dire que l'usage des pavés catholiques a des fins absolument étonnantes comme le fait remarquer Flannery O'Connor ci-dessus. Peut-être des fins pas très catholiques mais qui me paraissent à moi excellentes.

Je crois que je suis une très bonne lectrice.

7 commentaires:

  1. "on peut toujours s'en servir comme butoir de porte."

    J'adore!

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  2. " Mais combien de problèmes soulèvent une affirmation de ce genre! "

    C'est pas plutôt "soulève" ? C'est l'affirmation qui soulève les problèmes ou ce sont les problèmes qui soulèvent l'affirmation ? Pardon de pinailler.

    François

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  3. PDLL
    Bon , tant qu'on est chez les grosses grenouilles :

    " Tu me dira que je ne comprend rien aux mystiques . Si , tu me le dira , ne fait pas la bête ! Et bien , mon gros , ily avait comme ça , de mon temps , au grand séminaire , un professeur de droit canon qui se croyait poète . Il te fabriquait des machins étonnants avec les pieds qu'il fallait , les rimes , les césures , et tout , pauvre homme ! Il aurait mit son droit canon en vers . Il lui manquait seulement une chose , appelle-là comme tu voudras , l'inspiration , le génie , ingenium , que sais-je ? Moi , je n'ai pas de génie . Une supposition que l'Esprit-Saint me fasse signe un jour , je planterai là mon torchon et mes balais -tu pense !- et j'irai faire un tour chez les séraphins , quitte à détonner un peu , au commencement . Mais tu me permettras de pouffer de rire au nez de gens qui chantent en choeur avant que le Bon Dieu ai levé sa baguette !
    [...]
    Je sais bien que les pauvres écrivains bien-pensants , qui fabriquent de vies de saints pour l'exportation , ils s'imaginent qu'un bonhomme est à l'abri dans l'extase , qu'il s'y trouve au chaud et en sûreté comme dans le sein d'Abraham . En sûreté ! Oh , naturellement , rien n'est plus facile parfois que de grimper là-haut : Dieu vous y porte . Il s'agit seulement d'y tenir , et dans le cas échéant , de savoir descendre . Tu remarquera que les saints , les vrais , montrent beaucoup d'embarras , au retour .
    Une fois surpris dans leurs travaux d'équilibre , ils commencaient par supplier qu'on leur qu'on leur gardât le secret :
    [...]
    Ils avaient un peu honte , comprend-tu ? Honte d'être les enfants gâtés du Père , d'avoir bu à la coupe de la béatitude avant tout le monde !
    Et pourquoi ? Pour rien . Par faveur . Ces sortes de Grâces . "

    Appellez ça la Grâce , j'appelle ça le Génie .

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  4. Mais vous n’êtes pas seulement une très bonne lectrice ! L’usage que vous faites des brochures sulpiciennes et autres vies de Saints est très catholique ! Vous permettez aux auteurs (avec ou sans imprimatur et nihil obstat…) et aux édifiants héros de ces écrits, en manifestant leur compassion pour les lourdeurs circulatoires d’une pauvre enfant du Bon Dieu, de continuer à faire preuve, encore et encore depuis les cieux, de la première des vertus théologales…

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  5. François, j'ai pinaillé comme vous mais en relisant il y a bien ent à "soulèvent", du coup ce sont les problèmes qui soulèvent l'affirmation (d'après le traducteur).

    Plouc, oui on peut voir le but du roman catholique raté comme les bras de Moïse étaient gardés en l'air pour ne pas perdre la bataille contre les Amalécites... (Un Moïse un peu loupé, rien qu'un homme quoi) Là, les pavés de lecture servent à la maison pour garder les jambes en l'air, hem.Faut que j'arrête les comparaisons, ça devient lourd et même vulgaire.

    PDLL, décidément vous parlez le bernanosien à la perfection!!

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  6. Chère Crevette,
    Chez nous parlant d'un volume épais nous disons c'est toute une brique. Autrefois, l'hiver venu, dans les lits on plaçait des briques chauffées pour garder le lit chaud. Encore voilà que des briques servent à soulever vos jambes par trop lourdes...Vite qu'arrive la délivrance pour mère courage et que les briques retrouvent leur place sur des rayonnages. Si, maintenant Spellman sert d'appui à vos pieds, de son vivant vous auriez pliez le genoux devant cet Éminence et baiser son anneau. Quelle douce revanche.
    Décidément lettrée vous êtes de la tête aux pieds.

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  7. Non, ce "soulèvent" ne va décidément pas. Soit le traducteur s'est vautré, soit le correcteur a laissé passer une faute de pure inattention. Au piquet, les deux !

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