Bienheureuse Teresa de Calcutta (1910-1997), fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité
A Simple Path (trad. Un Chemin tout simple, Plon Mame 1995, p. 83)
Je dis toujours que l'amour commence à la maison. Il y a d'abord la famille et ensuite votre ville. C'est facile de prétendre aimer les gens qui sont très loin, mais beaucoup moins facile d'aimer ceux qui vivent avec nous ou tout près de nous. Je me méfie des grands projets impersonnels car seule chaque personne compte. Pour parvenir à aimer quelqu'un, il faut se rendre proche d'elle. Tout le monde a besoin d'amour. Chacun de nous a besoin de savoir qu'il compte pour les autres et qu'il a une valeur inestimable aux yeux de Dieu.
« Le destin ordinaire des hommes n’est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de leur vie, ce qu’ils avaient , sans le savoir à portée de la main ? » ( p.94, Les Prédestinés, de Bernanos ).
« Le destin ordinaire des hommes n’est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de leur vie, ce qu’ils avaient , sans le savoir à portée de la main ? » ( p.94, Les Prédestinés, de Bernanos ).
La Mère
La mer ! La mer ! La mer ! De bonnes petites vagues rageuses
Qui déboulent sur les petits déjà nus et trop blancs, des vagues joyeuses
Toutes glacées en ce début du mois de Mai. Trop tôt pour la baignade
L’eau de Pâques, mais les enfants, ivres de sensations, bravent la mer froide
Maman, bien vêtue, pas réchauffée du tout, l’air emprunté, l’œil vigilant
S’assied dans le sable à peine tiède, son livre à la main. D’une éducation
Puritaine et débridée à la fois, elle a retenu à jamais qu’il était important
D’avoir les mains occupées, à quelque tâche, à la plage comme au salon.
Maman tient son livre, certes, mais elle est loin de l’histoire ou de l’essai
Elle observe les bouts de chou qui cabriolent dans les petits rouleaux,
Ils crient pour se réchauffer, se taisent ensuite le souffle coupé par l’assaut
Maman rit enfin des chutes dans cette mer qui veut jouer jouer jouer !
Elle avait oublié son enfance, sa jeunesse et l’air du large et les mouettes,
Les coquillages délicats, les bouts de verres concassés et troubles,
Les châteaux de sable qui, sous les marées, lentement, s’écroulent
Tout ce vent, ces bruits fondus, les vagues qui attaquent et qui fouettent.
Maman a été une petite fille, auparavant, dans une autre vie, d’autres lieux
En grandissant elle a perdu le fil du temps, son temps à elle, son temps particulier
Perdue elle était aussi dans tout l’espace, fondue, diluée, par toute la famille dilatée…
Et soudain, au bord de l’eau, le sable sous ses doigts, elle touche en un éclair de feu
Ce dont elle avait été refoulée, comme une petite coque de noix, chassée
Par les flots majestueux, les rouleaux furieux aussi, de la Vie, chahutée.
Et ici, par un éclat de rire, tout se réunifie, elle réintègre sa vie,
Le présent, le passé, l’avenir forment à nouveau sa croix unique
Un axe parfait, une carte au chemin secret dévoilé. Elle retrouve le Port,
Petite barque qui dodeline à présent amarrée à son homme, son trésor
Solidement enfouie, l’ancre de son bien-aimé, son mari, avec sur ses flancs
De légères bouées, le cœur qui gonfle d’un insoutenable bonheur, ses enfants.
Moi quand je me balade près de la mer lorsqu'elle scintille j'me prends à rêver d'avoir des marmousets avec lesquels jouer au bord de l'eau. J'aimais bien jouer avec les enfants des amis de mes parents avec lesquels je faisais le con à l'étage pendant qu'ils tapaient la causette au salon. C'est marrant comme il suffit de regarder les mômes s'adonner à leur jeux avec tout le sérieux que l'enfance y attache pour se dire que ça va pas si mal, qu'il y aura toujours la joie simple et profonde des gosses qui jouent avec spontanéité et insouciance; pas parce qu'il "faut passer le temps", "s'occuper" mais parce que c'est l'évidence même de jouer quand on a cet âge-là. Je me souviens que môme ça me comblait toutes ces milles petites choses (dessiner, lire, jouer avec ses joujoux, s'amuser seul ou avec ses copains, regarder un dessin animé) qui me paraissaient pas petites. Quand quelque chose passionne un gosse, ça le passionne franchement sans qu'il se sente obligé de se planquer derrière une posture de désabusé railleur comme quand on est ado. Les ados me faisaient une drôle d'impression quand ils se marraient de tout tout le temps, comme si rien ne valait la peine qu'on le regarde avec un peu d'intêret, comme si tout était risible et piteux. Y'avait comme un désenchantement systématique dans leur rapport au monde; moi je voyais une peinture représentant une bataille napoléonienne et mon imagination se mettait à pétiller, j'en avais pour des heures de dessin, de jouets et de jeux à exorciser la fascination que déclenchait la vue d'une image pareille. Si y'avait une statue en pierre dans un parc j'pensais à l'époque à laquelle elle avait pu être sculptée et j'avais le vertige de penser que ce spectre majestueux était un reliquat, une subsistance d'un âge que j'imaginais aussi lyrique et solennel que les scènes peintes dans les toiles de maîtres. Les ados passaient près de la statue et la moquaient parce que qu'elle avait la zigounette à l'air. Les enfants sont comme hors du temps, ils pensent bien à la mort ou à la vie mais pas avec une gravité qui plomberait leur élan et pas trop longtemps non plus, quand j'étais petit la mort c'était loin et puis y'avait le paradis après; ce qui m'avait intrigué à un moment c'était de savoir comment on était au paradis: est-ce que si on mourrait adulte on se retrouvait à Eden avec son corps d'adulte ou avec son corps d'enfant ou quoi ? Je ressentais déjà une petite pointe de tristesse dès que ça me griffait l'esprit cette question-là car ça ou les films dans lesqels un personnage qu'on voit d'abord enfant devient adulte me rappelaient, sans que je sois bien conscient que c'était ça, qu'un jour moi aussi j'serais plus un gosse et que j'regarderais les mômes en les voyant plus comme des congénères mais comme des êtres dont je partagerais plus ce monde qui me convenait bien. J'les regarderais sans pouvoir les rejoindre car ce serait plus mon tour, j'serais éliminé comme à la balle aux prisonniers où tôt ou tard on finit par se prendre le ballon et on a plus qu'à regagner le bord du terrain en regardant les derniers rescapés continuer à disputer une partie qui est pour soi bien finie.
RépondreSupprimerFrançois BeauNabot
Le passage à l'âge adulte est une mort, oui, mais une véritable naissance pour celui qui l'assume.
RépondreSupprimerMerci François pour cette belle vision; elle me rappelle une phrase de Houellebecq dans Ennemis publics : "Rares sont les adultes qui comprennent que tout enfant est, naturellement et sans efforts, un philosophe."