lundi 29 mars 2010

Exaltation de la Croix I, Edith Stein, 14 septembre 1939

Ave Crux, spes unica !

"Salut, ô Croix, notre unique espérance", voilà l'appel que l'Église nous exhorte à lancer, en ce temps consacré à la contemplation des souffrances de notre Seigneur Jésus-Christ. La jubilation de l'alleluia pascal avait mis fin au chant grave de la Passion. C'est pourtant en pleine joie de Pâques que l'on a retiré le voile qui couvrait le signe de notre salut, au moment où nous fêtions le souvenir des retrouvailles avec le Disparu. Ce signe, à la fin des célébrations de l'Église, nous est un salut venant du cœur du Rédempteur. Et maintenant que l'année liturgique touche à sa fin, le voilà à nouveau élevé devant nous, et il retiendra notre regard jusqu'à ce que, élevé devant nous, et il retiendra notre regard jusqu'à ce que, une nouvelle fois, l'alleluia pascal nous invite à oublier pour un temps la terre et à nous réjouir des noces de l'Agneau.
Notre saint Ordre nous fait commencer le carême par l'Exaltation de la sainte Croix. C'est aussi au pied de la Croix qu'il nous conduit pour le renouvellement de nos vœux.
Le Crucifié nous regarde et nous demande si nous sommes toujours prêtres à tenir ce que nous lui avons promis dans une heure de grâce. Il a quelque raison de nous le demander. Plus que jamais, la Croix est aujourd'hui un signe de contradiction. Les partisans de l'Antichrist l'outragent avec une hargne bien pire que celle des perses qui jadis l'avaient dérobée. Ils profanent les images de la Croix, s'efforçant par tous les moyens de l'arracher du cœur des chrétiens, et ils y sont trop souvent parvenus - même auprès de ceux qui, comme nous, avaient fait vœu de porter la Croix à la suite du Christ.
C'est pourquoi le Sauveur nous adresse un regard grave et interrogateur et demande à chacune d'entre nous : veux-tu rester fidèle au Crucifié ? Réfléchis bien. Le monde est flammes, la lutte ouverte entre le Christ et l'Antichrist a commencé. Prendre parti pour le Christ peut te coûter la vie. Pèse bien ce à quoi tu t'engages. Prononcer et renouveler ses vœux est une chose terriblement grave. Tu t'engages devant le Seigneur du ciel et de la terre, et si tu ne le fais pas dans un sérieux absolu, tu tomberas entre les mains du Dieu vivant.
Devant toi, le Sauveur pend à la Croix, parce qu'il s'est fait obéissant jusqu'à la mort sur la Croix. Il n'est pas venu au monde pour accomplir sa volonté, mais celle du Père. Si tu veux devenir l'épouse du Crucifié, il te faut renoncer entièrement à ta propre volonté et ne rien désirer d'autre que d'accomplir la volonté de Dieu. Il te parle à travers la sainte Règle et les Constitutions de ton Ordre. Il te parle par la bouche de tes supérieures. Il te parle dans le murmure de l'Esprit Saint au plus profond de ton coeur. Pour rester fidèle à ton vœu d'obéissance, jour et nuit tu devras être attentive à cette voix, et obéir à ses commandements. Cela signifie crucifier ta volonté propre et ton amour-propre, chaque jour et à tout instant.
Devant toi, ton Sauveur pend à la Croix, nu et démuni, parce qu'il a choisi la pauvreté. Qui veut le suivre doit renoncer à tous les biens terrestres. Pour cela, il ne suffit pas d'avoir tout laissé derrière toi en entrant au couvent; il te faut persister dans cet engagement. Recevoir avec gratitude ce que la Providence divine t'envoie; renoncer joyeusement à ce dont elle veut te priver; renoncer joyeusement à ce dont elle veut te priver; et ne pas te soucier de ton propre corps, de tes petits besoins, de ses envies, mais en laisser le soin à ceux qui en ont la charge; ne pas te préoccuper du lendemain ni du prochain repas.
Devant toi, ton Sauveur pend à la croix, le cœur ouvert. Il a répandu le sang de son coeur pour gagner ton coeur. Si tu veux le suivre dans la sainte chasteté, ton cœur doit se purifier de tout désir terrestre : il faut que Jésus le Crucifié soit l'unique objet de tes désirs, de tes aspirations, de tes pensées.
Trembles-tu maintenant devant la grandeur de ce que tes vœux exigent de toi ? Ne t'effraye pas. Certes, ce que tu promets dépasse de loin tes pauvres forces humaines. Mais cela n'excède pas la force du Tout-Puissant, et cette force sera la tienne si tu te confies à lui, s'il reçoit ton serment de fidélité. Il l'a fait le jour de tes vœux et aujourd'hui il est prêt à le faire à nouveau.
C'est le cœur aimant de ton Rédempteur qui t'invite à le suivre. Il exige ton obéissance, parce que la volonté humaine est aveugle et faible; elle est incapable de trouver son chemin tant qu'elle ne se donne pas tout entière à la volonté divine. Il exige la pauvreté, car nos mains, pour recevoir les biens du ciel, doivent être vides des biens de ce monde. Il exige la chasteté, car seul un cœur détaché de tout amour terrestre est libre pour l'amour de Dieu. Les bras du Crucifié sont étendus pour t'attirer sur son cœur. Il veut ta vie pour te donner la sienne. Ave Crux, spes unica !

Le monde est en flammes. Le feu peut aussi bien embraser notre maison. Mais, au-dessus de toutes les flammes, se dresse la croix que rien ne peut consumer. Elle est le chemin de la terre au ciel. Celui qui l'embrasse avec foi, avec amour et dans l'espérance, elle l'emporte au sein de la Trinité.
Le monde est en flammes. Sens-tu l'urgence de les éteindre ? Élève ton regard vers la Croix. Du coeur ouvert jaillit le sang du Rédempteur, le sang qui éteint les flammes de l'enfer. Libère ton coeur dans l'accomplissement fidèle de tes vœux, et le flot de l'amour divin le remplira jusqu'à le faire déborder et lui fera porter du fruit jusqu'aux confins de la terre. Entends-tu le gémissement des blessés sur tous les champs de batailles d'Ouest en Est ? Tu n'es ni médecin ni infirmière, et tu ne peux panser leurs plaies. Tu es enfermé dans ta cellule et tu ne peux pas parvenir jusqu'à eux. Entends-tu le cri d'angoisse des mourants ? Tu voudrais être un prêtre et les assister. Es-tu émue de la détresse des veuves et des orphelins ? Tu voudrais être un ange consolateur et te porter à leurs secours. Lève les yeux vers le Crucifié. Si tu es son épouse, dans la fidèle observance de tes vœux, son précieux sang sera aussi le tien. Liée à lui, tu seras présente partout, comme il l'est aussi. Non pas ici ou là, comme le médecin, l'infirmière ou le prêtre, mais sur tout les fronts, en chaque lieu de désolation - présente, dans la force de la Croix. Ton amour compatissant, l'amour qui vient du Coeur divin, te portera partout, et partout répandra son sang précieux - qui apaise, qui guérit, qui sauve.
Les yeux du Crucifié se posent sur toi : il t'interrogent, ils te scrutent. Es-tu prêt à refaire alliance avec le Crucifié ? Que vas-tu lui répondre ? "Seigneur, à qui irions-nous ? Toi seul as les paroles de la vie éternelle." Edith Stein



Le signe de la Croix

Au matin, après la profonde nuit,
La mère ouvre la porte
Des petits enfants qui guettent et qui sommeillent;
Elle ouvre le volet et la lumière surgit

Aveuglante, éclatante, une lumière forte
Qui fait bondir les petits cœurs en veille;
Ils se lèvent encore endormis
Et lèvent les bras vers celle qui réconforte;

Elle plie la main pour le geste immémorial
Le signe du Salut, le signe de la Vie,
Qui réveille l’âme obscure et presque morte
Le signe de la Croix, le salut éternel.

Le geste de la Croix, le signe de Jésus-Christ
Qui enveloppe et protège de la sorte
Les enfants chéris, les petits fidèles.
C’est Jésus en personne qui après la nuit

A entrouvert de nos âmes verrouillées la porte
Il a réclamé son du, des baisers, des mimis
Il a ouvert les bras et mes enfants,
En riant,
Ont dit oui.

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