lundi 15 février 2010

Intervention d'Alain Besançon

Remarque préliminaire :
Je vous invite à relire d'abord cette petite synthèse qui éclaire bien le propos assez ramassé d'Alain Besançon.

Le Concile Vatican II ne comporte que deux paragraphes sur l'Islam. Le premier définit le statut des non-chrétiens par rapport aux chrétiens. Il y a un ordre hiérarchisé parmi les non-chrétiens : viennent en premier lieu les juifs, puis les musulmans et enfin les autres religions ou païens. L'Église a jugé bon de distinguer les musulmans des autres religions. Ils se situent à un échelon supérieur. Nous réfléchirons à la cohérence ou à l'incohérence de cette distinction. 

L'Islam adorerait le même Dieu unique que celui des chrétiens. S'il est incontestable que les musulmans adorent le Dieu d'Israël, nous savons que la nature de ce Dieu est radicalement différente chez les chrétiens et pour l'Islam. [cf. l'intervention de Rémi Brague et la petite synthèse citée ci-dessus]
La notion d'Alliance permet en outre de distinguer les deux religions. L'alliance a consisté en une progression dans l'histoire des juifs et puis des chrétiens. Cette notion d'alliance présuppose une relation bilatérale entre Dieu et l'homme, une relation privilégiée. Cette notion d'alliance n'existe pas dans l'Islam et, pire, elle est considérée comme sacrilège car sa nature même repose sur un mot : le nom de Père. Il y a une relation filiale et paternelle entre l'homme et Dieu et Dieu envers l'homme chez les juifs et les chrétiens.
Pour l'Islam, l'annonce du Coran a été un fait brut, intemporel. Il n'y a pas eu de progression, de cheminement dans cette révélation. Allah ne requiert pas in fine l'amour de sa créature et Allah ne dispense pas son amour. Allah ne requiert que l'adoration.
L'Islam ne s'attache pas à la connaissance de Dieu, on ne peut le connaître mais simplement l'adorer. C'est cette adoration qui place, aux yeux des chrétiens, les musulmans à une place particulière par rapport aux autres paganismes.

Cette adoration des musulmans est très puissante, car elle est unique, elle est au fondement de leur rapport avec leur Dieu. Cette force d'adoration provoque très souvent l'admiration des chrétiens. Mais les chrétiens  portent l'adoration, la religion musulmane sur le compte d'une foi, ce qui est une erreur.  En effet, pour les chrétiens, Dieu n'est pas une évidence mais une certitude (obscure). Pour l'Islam, Dieu est une évidence, un raisonnement pour croire en lui et l'adorer n'est pas nécessaire. Pas besoin d'aller chercher des éclaircissements sur Dieu : il est, point-barre. Ne pas admettre l'existence de Dieu c'est renier à ce que nous sommes profondément, à notre être. Le chrétien, pour un musulman, ne sera pas tout à fait un homme car il n'est pas un croyant.
A l'inverse, un chrétien ne peut qualifier normalement l'Islam comme une foi car l'Islam est un savoir. Et un savoir n'est pas une foi.

Aux yeux des chrétiens, cette croyance et obéissance, cette adoration de l'Islam envers son Dieu est confondue avec la vertu théologale de foi alors qu'en fait il ne s'agit que d'une vertu naturelle, ou morale, celle de religion. En ce sens, l'Islam se rapproche beaucoup plus des paganismes religieux que du christianisme.

Cette vertu naturelle portée à l'excès donne ce légalisme pointilleux qui caractérise les musulmans ou une spiritualité effrénée que les chrétiens admirent bêtement. L'équilibre dans l'Islam n'existe guère.
Cet excès de la vertu naturelle de religion favorise une désévaluation de la notion de nature. En effet, pour l'Islam, Dieu crée à chaque instant. Chaque homme qui né, et bien né comme est né Adam, le premier homme et non par le fait de causalités naturelles. Il n'y a pas de loi de causalité dans l'Islam : chaque événement est le fruit d'une création divine. Exemple, l'ombre est une création divine et non pas le reflet du soleil sur le sol!
Tout est donc surnaturel donc rien n'est surnaturel.
Tout est miracle donc rien n'est miraculeux.
La nature est totalement privée de consistance.

Cette confusion par les chrétiens entre la vertu naturelle de religion exagérée qui imprègne l'Islam et la vertu théologale de foi empêche ces derniers (les chrétiens, l'Église) de ranger logiquement l'Islam dans la catégorie des paganismes.

Cette confusion ecclésiale avant tout est due à une ignorance, un affaiblissement intellectuel de l'Eglise. Il ne s'agit pas de s'opposer agressivement à l'Islam ou de l'encenser naïvement mais de bien comprendre sa nature et pour bien comprendre sa nature, il nous faut déjà bien comprendre ce qu'est notre religion.

4 commentaires:

  1. Oui, Besançon donne des clés de compréhension vraiment fondamentales. C'est pas le plus charismatique des intervenants, c'est certainement l'un des plus intéressants.

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  2. Bonjour crevette,

    Je vous remercie infiniment pour ce travail. On trouve souvent sur internet des gens qui brassent de l'air, ça fait rudemement plaisir d'en croiser d'autres qui mettent des actes au bout de leurs écrits.

    J'ai tout lu, je n'ai pas le temps de commenter en détail maintenant. Il me semble que ce que vous rapportez de ce qu'a dit Alain Besançon est absolument fondamental. J'ai souvent essayé de développer cette idée que l'islam par bien des aspects se rapproche d'une idôlatrie et d'un paganisme, Besançon l'explique mieux que moi.

    Un des concepts-clés est le distingo savoir vs croyance, foi vs science, certitude vs évidence. Plus que jamais chaque mot compte, l'on se rend compte que la plupart des mots du vocabulaire religieux que nous utilisons à tort et à travers pour toutes les religions nous conduisent à d'incroyables contresens, à un appauvrissement inouï du sens, du langage, des noms et in fine de la perception que nous pouvons nous faire de Dieu.

    Il faut aussi reconnaître que l'avantage avec l'islam, c'est qu'il permet après coup et a contrario de trancher sur certaines questions théologiques qui ont longtemps tiraillé l'Eglise. Par exemple il a fallu du temps pour quee toute une franche de la chrétienté comprenne que les théologiens n'étaient pas des savants, ou encore que la philosophie n'était pas subordonné et fille de la théologie. C'est très intéressant.

    Je retiens également l'idée maîtresse que l'islam est fort de notre déchristianisation, et que d'ailleurs c'est ainsi qu'il s'est développé par bursques accoups en Orient, longtemps après la conquête militaire qui n'est pas aussi définitive que la capitulation des esprits.

    Tout ceci me rend pessimiste car les esprits, particulièrement en France, me semblent avoir été formatés par la gauche depuis longtemps, formatés à devenir musulmans. Partout où nous le pouvons il faut lancer des ponts entre gauchisme et islam, dresser des parallèles et les dhimmis en puissance que sont les gauchistes ne se feront pas prier pour saisir ces perches et proclamer leur islamité. Tout ceci a déjà largement commencé.

    Auriez-vous des impressions générales sur le colloque à nous faire partager, des sensations, des réactions du public, pouvez-vous décrire ce public, son nombre, ses qualités? enfin y'avait-il dans l'auditoire des musulmans, si oui se sont-ils fait entendre?

    bien cordialement,
    Aquinus

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  3. Oui, Aquinus, j'essaierai de pondre un billet qui concernerait plus le public, je réfléchis au mieux et puis je n'ai pas fini toutes les synthèses.
    Sachez que vous pouvez commander à l'AED un CD du colloque et il y aura des actes. Le CD vous rendra mieux compte de l'ambiance du colloque.
    Je crois que votre commentaire est un excellent résumé de la situation.
    Simplement: la souffrance d'un Monseigneur Sleiman archevêque de Bagdad, évoquant la dhimmitude et les dégâts considérables sur les cœurs et les esprits des chrétiens d'Orient (et sur lui-même!!) était incroyablement émouvante.Son "témoignage" terrible à entendre. Je le trouvais même physiquement atteint.

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