dimanche 14 février 2010

"L'Islam en France, un défi pour la mission", intervention de Monseigneur Aillet

Remarques préliminaires :
Je garde le "je" de Monseigneur Aillet pour plus de facilité en espérant ne pas écrire des trucs qu'il n'aurait pas dit!! Ce sont des notes personnelles, je le redis, des erreurs d'interprétation sont possibles.
Je mettrai en encadrés [] des précisions de mon fait.

Intervention de Monseigneur Aillet :

Dans mon évêché, il n'y a pas une présence "musulmane" importante. Deux anecdotes pour commencer cet entretien :
A Mourenx où j'ai été invité [visite pastorale], j'ai rencontré les élus locaux, les responsables d'associations, le prêtre de la paroisse et l'imam. Ce dernier après m'avoir salué, a du partir et il s'est excusé en ces termes : "je dois partir, c'est l'heure de la prière".
Lorsque je parcours mon évêché, je tiens à rencontrer les élus qui sont les personnes les plus proches aujourd'hui des gens, de leurs administrés. Il y a plus d'élus que de prêtres par paroisse! Ces élus s'inquiètent sans ambiguïté de la déchristianisation de leurs villes ou villages. Il y a une corrélation très nette entre le recul des chrétiens et la progression de l'Islam en France. L'irréligion gagne du terrain et les chrétiens, qui abandonnent leur religion, ont une part de responsabilité dans ce fait. Les racines chrétiennes définissaient notre identité nationale et les élus en prennent conscience maintenant que tout ceci disparait. En France il y a une apostasie tranquille, ceci par rapport à une apostasie dont la caractéristique est d'être normalement violente (on apostasie sa foi sous peine de persécutions ou de peine de mort, et ça n'est pas le cas en France).

Dans ce climat de sécularisation, le dialogue islamo-chrétien (plutôt : islamo-catholique) n'est pas sans ambiguïté ni naïveté ni ignorance crasse de la part des catholiques concernés, aussi bien sur l'Islam que sur notre propre religion, le catholicisme. Ceci à cause d'un manque de formation intellectuel ou catéchétique impressionnant. (Je renvoie à l'intervention de Rémi Brague et sa distinction fondamentale entre le Dieu biblique et le Dieu coranique)
D'autre part, peut-on raisonnablement poursuivre ce dialogue en passant sous silence les persécutions des chrétiens d'Orient? De nombreuses fois l'Église a passé sous silence des faits historiques graves. [la crevette : je renvoie les lecteurs à cet excellent article du Père Daniel-Ange]

Il faut une exigence de réciprocité pour entreprendre ce dialogue : "Le dialogue ne peut être fondé sur l'indifférentisme religieux" (Benoit XVI dans  : "Au début du nouveau millénaire").
L'Islam progresse d'autant plus en France que la figure du Christ s'efface. Il obtient une reconnaissance de sa doctrine de la part même de chrétiens!
L'Islam est un défi pour les catholiques, les chrétiens à retrouver leurs fondamentaux. Ces derniers sont poussés à s'exprimer  sur ce qu'ils croient et à pratiquer leur foi sans complexes. (Je rappelle l'attitude édifiante de l'Imam : "excusez-moi, je dois vous laisser, c'est l'heure de la prière")

La Bonne Nouvelle ne suffit pas, l'écoute, le discours théologique ne suffisent pas, il faut aller jusqu'au témoignage, dans nos vies quotidiennes, dans nos actes, nos attitudes de notre foi.
Paul VI : "Evangéliser est la Grâce et la Vocation propre de l'Église.... son Identité la plus profonde." [la crevette : les majuscules sont de mon fait]
En bref : on parle trop de l'Église (sa structure) et pas assez de Jésus-Christ.
L'Eglise catholique en France est un objet de stupeur et de mépris pour les musulmans. Et la Raison occidentale qui exclue totalement Dieu choque terriblement les musulmans.
Benoit XVI dans sa Lettre aux évêques du 10 mars 2009 déclare sans ambages : "Le vrai problème est que Dieu disparaît aux yeux des hommes."

Les catholiques sont appelés à se convertir, voilà ce à quoi nous pousse la montée de l'Islam. Etre Chrétien ça n'est pas être uniquement consommateur des sacrements mais vivre en cohérence avec sa foi et ses convictions, dans le monde, dans la société. Le chrétien doit imprégner des valeurs de l'Evangile ses lieux de vie. ce témoignage doit aboutir au témoignage de Jésus-Christ.

Il faut retrouver notre identité catholique qui comprend deux composantes essentielles :
Le kérygme et la didachè.
L'urgence est au kérygme aujourd'hui, au témoignage de l'action personnelle du Christ dans notre vie. Il faut initier sans plus tarder une vaste stratégie missionnaire. Jean Paul II a évoqué tout ceci par le terme de : Nouvelle Évangélisation. Nous sommes invités à accueillir dans nos programmes pastoraux toutes ces initiatives, ces mouvements religieux nouveaux qui peuvent parfois nous surprendre par une originalité à laquelle nous ne sommes pas habitués mais qui sont inspirés de l'Esprit-Saint. Saint Paul explique : "Annoncer l'Évangile n'est pas un titre de gloire mais une nécessité qui m'incombe... Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile."
Un dynamisme missionnaire est signe d'une bonne santé ecclésiale et actuellement l'Église est moribonde en terme de croyants et de pratiquants.

L'Islam en France apparaît comme une chance, un défi pour la mission. Au risque, si nous le relevons pas, d'une regression sans précédent de notre civilisation au contact de ce même Islam.

Avant même d'évangéliser les musulmans il faut évangéliser les chrétiens.
Nous avons le Pape qu'il faut pour relever ce défi, manquent les saints.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire