- Ellsworth!... mais vous êtes...
- Fou? Vous avez peur de prononcer ce mot. Et c'est pourtant votre dernier espoir. Fou? Regardez autour de vous. Prenez un journal et lisez les manchettes. N'est-il pas en marche ce monde dont je vous parle? L'Europe n'a t-elle pas déjà succombé et ne sommes-nous pas sur le point de suivre son exemple? Tout ce que je viens de vous dire peut se résumer en un mot, le collectivisme.N'est-ce pas le dieu de notre siècle. Agir en masse, penser en masse, sentir en masse, s'unir, approuver, obéir. Diviser pour régner; au début, oui. Mais ensuite unir et diriger. Souvenez-vous de cet empereur romain qui souhaitait que l'humanité n'eût qu'une seule tête afin de pouvoir la trancher d'un seul coup. Les hommes ont ri de lui au cours des siècles, mais c'est nous qui rirons les derniers.Nous avons réalisé ce qu'il n'avait fait que rêver. Nous avons appris aux hommes à s'unir et ainsi ils n'ont plus qu'un seul cou autour duquel nous passerons une corde unique. Nous avons trouvé le mot magique : collectivisme. Regardez donc l'Europe, insensé que vous êtes! Etes-vous donc incapable d'aller par-delà les apparences jusqu'à l'essence des choses? Notre pays a fait sienne la doctrine que l'homme n'a aucun droit, que la collectivité les a tous. L'individu considéré comme un mal, la masse comme un dieu. Plus de motifs permis à nos actes autres que de servir le prolétariat. Ca c'est une version. Il en existe une autre : le citoyen n'a aucun droit, l'État les a tous. L'individu est considéré comme un mal, la nation comme un dieu. Plus d'autres motifs à nos actes que de servir la nation. Est-ce que je rêve où est-ce que ces théories ne sont pas devenues des réalités sur deux continents au moins? Observez le mouvement en tenailles. Si vous vous lassez d'une des doctrines, nous vous précipitons dans l'autre. Nous vous tenons, les issues sont bien gardées, le cycle est refermé, il se nomme collectivisme. Donnez votre âme à un conseil ou donnez-la à un dictateur, mais donnez-la, donnez-la, donnez-la! Voilà ma technique, Peter, offrir du poison comme aliment et du poison encore antidote. On peut varier dans le détail, à condition de s'en tenir aux grandes lignes. Donner aux imbéciles l'impression qu'ils sont libres, mais ne jamais perdre de vue l'objectif principal qui est de tuer toute individualité, de détruire l'âme humaine. Le reste suivra automatiquement. Pensez à l'état actuel du monde et dites-moi si vous pensez encore que je suis fou."
(La source vive, Ayn Rand)
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