"Les actes trouvent leur existence dans le témoin. Sans lui qui peut en parler? Finalement on pourrait même dire que l'acte n'est rien, et le témoin tout. Le vieil homme avait sans doute compris qu'il y avait certaines contradictions dans sa position. Si les hommes n'étaient vraiment que des rebuts, comme il l'imaginait, n'aurait-il pas préféré tenir sa mission de l'Être même contre lequel était dirigé son réquisitoire? Comme cela s'est produit chez beaucoup de philosophes ce qui semblait être d'abord une objection insurmontable à ses théories en est venu peu à peu à constituer un élément essentiel et finalement la clé de voûte de son raisonnement. Il voyait l'univers s'anéantir dans la multiplicité même de ses manifestations. Seul le témoin tenait bon. Et le témoin de ce témoin. Car ce qui est profondément vrai est vrai aussi dans le cœur des hommes et nul récit ne peut en contrefaire la vérité. C'était cela son idée. Si le monde n'est qu'un récit qui d'autre que le témoin peut lui donner vie? Pourrait-il trouver ailleurs son existence? Telle était de plus en plus sa vision des choses. Et il commençait à voir en Dieu une terrible tragédie. A penser que l'existence de l'être divin était compromise par l'absence même de cette chose simple. A penser qu'il ne pouvait y avoir de témoin de Dieu. Rien qui le fît toucher à sa finitude. Rien par quoi son existence pût lui être annoncée. Rien dont il pût s'écarter en disant je suis ici et là est un autre. Où cela est je ne suis pas. Il pouvait tout créer sauf ce qui lui dirait non.
Maintenant on peut parler de folie. Maintenant on peut en parler sans risque. On peut peut-être dire que seul un dément peut déambuler de long en large et lacérer ses vêtements en se demandant si Dieu a des comptes à rendre. Alors que penser de cet homme qui prétend que si Dieu l'a sauvé non pas une mais deux fois des décombres de la terre c'est seulement pour produire un témoin qui dépose contre Lui?
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