lundi 22 juin 2009

De l'horreur du mal.

Lord Byron, si je ne me trompe, a dit en propres termes que la vertu est ennuyeuse. Ce qu'il y a d'épouvantable dans cette parole, ce n'est pas seulement la parole en elle-même, c'est tout ce qu'elle implique; c'est l'état qu'elle suppose chez celui qui la prononce; c'est l'absence d'étonnement qu'elle cause à la plupart des lecteurs. Ce n'est pas seulement ce qu'elle dit qui fait horreur, c'est ce qu'elle sous-entend. Il y a quelques pensées qui ont empoisonné dans l'humanité les sources de la vie, et l'une de ces pensées, c'est que le mal n'est pas ennuyeux; c'est que le mal est un remède contre l'ennui.
Cette illusion invraisemblable est très répandue, même au milieu de gens qui sembleraient au premier abord en devoir être préservés. Parmi les personnes vertueuses, il y en a quelques-unes, j'ai honte de le dire, qui croient que leur vie aurait plus d'intérêt, plus de variété, plus de liberté, si le mal se mêlait plus souvent au bien dans leur pratique journalière. Ces pauvres gens s'abstiennent quelquefois du mal, parce qu'ils croient devoir s'en abstenir; mais ils s'abstiennent sans le mépriser; ils s'abstiennent avec une sorte de regret.Quelquechose d'eux-mêmes reste avec lui quand ils le quittent; ils ne le désertent pas à tous les points de vue. Ils ne savent pas combien il est fade, comment il est ennuyeux. Ils n'ont pas horreur de lui.

(L'Homme d'Ernest Hello)

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