"C'est étrange, à quel point les femmes sont sans contact avec le vrai. Elles vivent dans un monde à elles et rien n'avait jamais été à sa semblance, ni ne saurait jamais l'être. C'est bien trop beau et si elles allaient le mettre en place, il serait en pièces avant le premier soir. Une maudite réalité dont nous autres hommes nous nous contentons depuis le jour de la création, viendrait tout culbuter."
Qu'est-ce à dire ? Que les femmes sont toujours à côté de la plaque? Qu'elles veulent toujours plus, autrement ? Que le réalité voulue ou observée (par les femmes) ne correspond en rien au réel ?
Bien.
C'est sans doute ce qui explique le sentiment d'écrire des choses toujours à côté, un poil toujours "en dehors du coup."
Aujourd'hui ou plutôt hier, beaucoup de textes dans la dite réacosphère pour exprimer combien cette réalité dont les hommes sont censés se contenter, eh bien non, ça ne convient pas! Même à des hommes!
Blueberry dit dans I want to believe :
"Nous sommes même parvenus à nous faire peur non pas avec une menace réelle, imminente et créatrice. Mais avec une théorie millénariste qui n’est pas à l’échelle de nos vies. L’apocalypse selon la nouvelle religion de l’écologie. Un truc paralysant bien comme il faut."
Et Phanthom, surtout Phanthom!! Dans PKK :
"la posture révolutionnaire est du dernier bouffon en ce qu’elle combat pour la venue d’un monde qui est déjà là avec ses queers insurgés, ses transgenres intermittents, ses beaufs technophiles, ses entrepreneurs sous intraveineuse étatique et ses marginaux subventionnés,..."(Les autonomes, le terrorisme et The big Leboswski)
Moi-même j'avais écrit (dans une autre vie) : "la guerre de Troie a déjà eu lieu et nous ne nous en sommes pas aperçus."
Bon.
Il est vrai que le sentiment d'inutilité, d'effort gigantesque pour accoucher d'une souris se fait de jour en jour plus écrasant. Même le Stalker s'écrie de temps à autre, comme Bernanos : "A quoi bon?!"
Bernanos justement : dans "Les grands cimetières sous la lune" (vous êtes-vous jamais promené dans un cimetière, la paix -mortelle- qui s'en dégage...):
"Tout cela est simple, très simple. Demain ce sera plus simple encore. Si simple qu'on ne pourra plus rien écrire d'intelligible sur le malheur des hommes dont les causes immédiates décourageront l'analyse. Les premiers symptômes d'une maladie mortelle fournissent au professeur le sujet de brillantes leçons, mais toutes les maladies mortelles présentent le même phénomène ultime, l'arrêt du coeur. Il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus. Votre société ne mourra pas autrement. Vous discuterez encore des "pourquoi" et des "comment" et déjà les artères ne battront plus."
J'avais écrit ces lignes il y a un an environ et je retombe à nouveau dessus, comme si rien n'avait changé, comme si rien ne s'était passé, comme si le temps n'était plus une flèche (comme dirait Delsol) mais une spirale infernale.
Enfer
Dans la maisonnette toute fleurie,
Dans le doux cocon où tous unis
Par les liens familiaux les plus forts
Les liens du sang, plus forts que la mort,
L’enfer construit sa demeure, tisse sa toile
Jour après jour, la tension infernale,
Nous suce tous, jusqu’à la moelle,
Et dans nos cœurs, et dans nos corps, dans nos esprits
s’installe,
Les liens du sang, chair royale,
Nourrissent l’hôte parasite,
Le combat n’est pas loyal,
Dans la maisonnette toute fleurie,
Dans le doux cocon où tous réunis,
Tous déjà morts, chair empuantie,
Le démon se repaît de nos âmes, de nos corps, de nos esprits.
Dans la maisonnette toute fleurie,
Les enfants dansent, jouent et rient,
Les parents travaillent et se plient
A tous leurs devoirs et leurs soucis.
Les enfants ? les parents ? Leurs esprits ?
Bien.
J'aimerais faire revivre ces sépulcres blanchis, inspirer un supplément d'âme, irriguer à nouveau les artères d'une civilisation nécrosée...
Ecoutez donc la fin de la préface de Bernanos, où tout est contenu en germe :
"Compagnons inconnus, vieux frères, nous arriverons ensemble, un jour, aux portes du royaume de Dieu. Troupe fourbue, troupe harassée, blanche de la poussière de nos routes, et chers visages durs dont je n'ai pas su essuyer la sueur, regard qui ont vu le bien et le mal, rempli leur tâche, assumé la vie et la mort, ô regards qui ne se sont jamais rendus! Ainsi vous retrouverai-je, vieux frères. Tels que mon enfance vous a rêvé."
N'est-ce pas ? Vous comprenez ce regard que certains d'entre vous qui écrivez portez sur vos "compagnons", sur ceux qui vous entoure, sur votre monde... Ce regard lumineux, désespéré, plein de larmes. A quoi bon ? Comment faire faire ? Tout est foutu.
Mais là j'en reviens à la bête solution aveuglante que seuls des femmes et des écrivains possèdent :
"Amère ironie de prétendre persuader et convaincre alors que ma certitude profonde est que la part du monde encore susceptible de rachat n'appartient qu'aux enfants, aux héros, aux martyrs."
Bien.
Cette dernière citation témoigne bien que contrairement à ce que pense Blueberry nous sommes bien dans une situation de guerre totale, absolue. En situation de crise permanente et que l'homme ne peut vivre autrement que dans cet état, sinon il meurt. L'homme n'est pas en attente de l'insurrection qui vient, il est en pleine insurrection, envers lui-même d'abord, dans le monde qui l'entoure ensuite et qu'il veut sans cesse améliorer.
"Nous allons sauver la France!Bon. Très bien. Le malheur est que vous n'avez pas encore réussi à vous sauver vous-même, fâcheux augure!" (Bernanos)
Delsol dans "Qu'est ce que l'homme" :
Il n'y dans le monde humain ni chaos ni nécessité : c'est la liberté qui le pense. Notre monde est entre nos mains : non pas que nous pourrions le remplacer, mais nous lui conférons son sens et l'améliorons progressivement selon des normes inventées par nous."
Me refuseras-tu.
« Le destin ordinaire des hommes n’est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de leur vie, ce qu’ils avaient , sans le savoir à portée de la main ? » ( p.94, Les Prédestinés, de Bernanos ).
Me refuseras-tu.
Mon Dieu, mon Dieu, je t’appelle tous les jours
Mon Dieu, mon Dieu, je t’appelle toutes les nuits
Je crie, j’hurle, je pleure, point de non-retour,
Je gémis comme un enfant, et ma plainte t’ennuie…
Je promets la lune, les étoiles, la mort et la vie
Je jure de traverser l’enfer brûlant et ses monstres
Je brandis l’épée de la justice jusqu’aux cieux infinis
Je suis une guerrière ! On me suit par vaux et par monts.
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Un jour, je dormais, épuisée, sous le large feuillage,
Un jour, je contemplais, émerveillée, le beau rivage
Une nuit, j’aimais, apaisée, l’homme humble et sublime
Une nuit, je consolais, lassée, l’enfant qui a peur et qui crie
Je luttais couverte de blessures, l’épée étincelante
Bien en main, invaincue, invincible et colère
Les ténèbres sont mon territoire, lieux éclatants,
Où Ta gloire resplendit, Seigneur ; j’étais fière !
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Que veux tu, oh Dieu Puissant, que je ne t’ai donné ?
Je t’ai offert, mon combat, toutes mes souffrances
Mes blessures non cicatrisées qui ruissellent de sang
Mon bonheur exaltant de servir mon Bien-Aimé
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Oui, Me refuseras-tu tes humbles joies et petits soucis,
Tes travaux quotidiens, ta cuisine, tes tâches ménagères,
Ton linge à laver, à repasser, ton linge dans la buanderie,
Les bains à donner, les dîners, tout le sel de TA terre.
Me refuseras-tu la mère de famille et non pas la guerrière,
L’épouse attentive, toujours, au retour du mari
La maman et les devoirs des enfants, jamais de répit
La femme choisie par son homme dont elle est si fière.
Me refuseras-tu tes colères et tes peurs, angoisses et cris
Tes rages incontrôlées, tes paroles et ta langue de vipère
Ta paresse quotidienne, tes petits trucs et mesquineries
Ton regard critique pour tes propres enfants et leur père
Tes envies d’ailleurs, ton incessant désir d’une autre vie
Ta fatigue lourde et pesante, le désespoir qui t’enserre
Chaque jour, s’être sans doute trompé d’alchimie
La vieillesse qui arrive, n’avoir rien vécu, mes frères !
Oui, Me refuseras-tu, mon enfant, ma chérie, ta vie ?
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