« Le destin ordinaire des hommes n’est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de leur vie, ce qu’ils avaient , sans le savoir à portée de la main ? » ( p.94, Les Prédestinés, de Bernanos ).
Me refuseras-tu.
Mon Dieu, mon Dieu, je t’appelle tous les jours
Mon Dieu, mon Dieu, je t’appelle toutes les nuits
Je crie, j’hurle, je pleure, point de non-retour,
Je gémis comme un enfant, et ma plainte t’ennuie…
Je promets la lune, les étoiles, la mort et la vie
Je jure de traverser l’enfer brûlant et ses monstres
Je brandis l’épée de la justice jusqu’aux cieux infinis
Je suis une guerrière ! On me suit par vaux et par monts.
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Un jour, je dormais, épuisée, sous le large feuillage,
Un jour, je contemplais, émerveillée, le beau rivage
Une nuit, j’aimais, apaisée, l’homme humble et sublime
Une nuit, je consolais, lassée, l’enfant qui a peur et qui crie
Je luttais couverte de blessures, l’épée étincelante
Bien en main, invaincue, invincible et colère
Les ténèbres sont mon territoire, lieux éclatants,
Où Ta gloire resplendit, Seigneur ; j’étais fière !
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Que veux tu, oh Dieu Puissant, que je ne t’ai donné ?
Je t’ai offert, mon combat, toutes mes souffrances
Mes blessures non cicatrisées qui ruissellent de sang
Mon bonheur exaltant de servir mon Bien-Aimé
Et tu me dis, Seigneur, à cet instant d’éternité
« Me refuseras-tu. »
Oui, Me refuseras-tu tes humbles joies et petits soucis,
Tes travaux quotidiens, ta cuisine, tes tâches ménagères,
Ton linge à laver, à repasser, ton linge dans la buanderie,
Les bains à donner, les dîners, tout le sel de TA terre.
Me refuseras-tu la mère de famille et non pas la guerrière,
L’épouse attentive, toujours, au retour du mari
La maman et les devoirs des enfants, jamais de répit
La femme choisie par son homme dont elle est si fière.
Me refuseras-tu tes colères et tes peurs, angoisses et cris
Tes rages incontrôlées, tes paroles et ta langue de vipère
Ta paresse quotidienne, tes petits trucs et mesquineries
Ton regard critique pour tes propres enfants et leur père
Tes envies d’ailleurs, ton incessant désir d’une autre vie
Ta fatigue lourde et pesante, le désespoir qui t’enserre
Chaque jour, s’être sans doute trompé d’alchimie
La vieillesse qui arrive, n’avoir rien vécu, mes frères !
Oui, Me refuseras-tu, mon enfant, ma chérie, ta vie ?
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