jeudi 22 janvier 2015

De la lecture



Ce texte a été écrit en 2008 je crois,je le remets en réponse à Didier Goux, ici et à l'Amiral Woland   ici, simplement pour montrer que l'Esprit souffle vraiment où il veut et j'ai bon espoir qu'il souffle sur les générations futures, même chez ceux qui paraissent les plus improbables.

Deux jours de voiture avec la lecture en parallèle de Villa Vortex et American Black Box. Les rares fois où j'ai pris le volant, j'ai vu ma vie défiler avec celle de mes enfants ( deux accidents évités de justesse) et mon cher mari a fini par me dire : "tu lis, je conduis."Le Diable était enragé... Depuis que je lis Dantec, je suis comme Kernal dans Villa Vortex : je découvre "la théorie", c'est à dire je lis et ces lectures deviennent une forme d'arme absolue. Je n'en avais pas conscience tout en en ayant très vaguement l'intuition depuis toujours. Maintenant la question : pourquoi une mère de famille ? Je n'ai pas de réponse. Ecoutez donc cela :

"J'étais devenu un combattant de la Théorie, un moine-soldat, le guerrier d'une armée secrète, sans nom et sans visage, le réseau de la nuit, l'armée des morts." (Villa Vortex, Folio S.F. p321). Je continue :" Mon cerveau : une usine à cartes, un monstre machinique qui s'étoilait tel un réseau par-dessus le monde en son entier, une gigantesque toile d'araignée qui traçait et retraçait les parcours virtuels d'auteurs probables de crimes qui n'existaient pas."

"J'étais devenu un appendice de la bibliothèque de Wolfmann. Un appendice qui se nourrissait de ce qui le dévorait, c'était assez paradoxal tout ça, mais je m'y étais fait, aux paradoxes."

Je lis. Tout. Le jour, je travaille et je m'occupe de mes enfants, je suis une mère de famille. La nuit, en voiture, en vacances, je lis. C'est à dire j'oppose à ce monde qui est le mien et qui se désagrège une forme de rec-tification et de re-construction. Singulière.Et à chaque commentaire de l'un d'entre vous, commentaire unique et singulier, le monde se rec-tifie, me semble t-il.

J'ai esquivé le combat pendant 15 ans. Je n'ai pas ouvert un livre digne de ce nom pendant 15 ans. Mais maintenant, je ne peux plus esquiver quoi que ce soit. J'ai lu dernièrement L'obscurité du dehors de Cormac MacCarthy. Une lecture entière pour une seule phrase que je me suis prise dans la tronche :

"Vous avez peur toute seule ? Un peu. Des fois. Pas vous ? Oui m'dame. J'ai toujours eu peur. *Même quand y avait personne d'assassiné nulle part."

Alors, bon, j'ai toujours peur, n'est ce pas, mais je témoigne quand même. "Ce qui compte, Kernal, c'est la connaissance. Ce qui compte c'est la poursuite de la Théorie." (P327) "La lecture du livre ne me fut évidemment d'aucun secours sur le plan concret entendu comme tel par nos supérieurs, ce n'était pas ce qu'escomptait Wolfmann au demeurant, sans doute voyait-il déjà plus loin que ce qui pendait au nez."(P328)

"Au fil des kilomètres mon cerveau s'engage dans une lutte contre l'entropie, au fil des kilomètres il redéfinit de nouveaux contours, de nouvelles possibilités, de nouvelles questions." (P335; ça, c'était cette après midi en bagnole; en fait, c'est tout le temps.)

"Vous n'êtes pas habitué. Vous manquez de discipline" dit Wolfmann au pauvre Kernal qui se tue à la tâche (la lecture).Il lui propose de la méthédrine. Excellent pensais-je en moi-même mais c'est pas le top du top. Vous voulez connaître la meilleure des drogues ? Ah! Ah! Voyons! réfléchissez! Que peut-être la meilleure des drogues pour une mère de famille? Ses enfants, bien sûr. La vraie, la seule, l'unique drogue qui fait qu'on peut tenir une nuit entière sans dormir , que l'on peut se battre contre plus fort que soi et le battre bien sûr...

Je continue : "En tous cas, une chose était sûre désormais : devenir, tout en l'écrivant, le personnage d'un roman non écrit, revenu par miracle du trou noir de l'Europe, me paraissait nettement plus enthousiasmant que de vivre sans fin cette réalité, dite " quotidienne" et saccagée par la petitesse des rêves....Le livre aurait raison du monde" 

En quoi lire tel ou tel livre de Dantec ou d'un autre écrivain est essentiel demande benoîtement X. Essentiel ? Vital me paraît plus approprié. Je vous livre un passage de ce livre extraordinaire, La source vive, d'Ayn Rand, ( dont je vous parlerai peut-être un jour car toutes mes lectures se recoupent et forment une carte du monde :" L'Enigme du Code m'obsédait" ( Villa Vortex P518 ) )

"Il se demanda pourquoi il éprouvait comme un sentiment d'attente. L'attente d'une explosion au-dessus de leurs têtes. Cela lui parut d'abord stupide, puis il comprit. C'est exactement ce que doit ressentir, se dit-il, un homme terré dans un trou d'obus. Cette chambre n'est pas simplement le témoignage d'extrême pauvreté, elle est l'aboutissement d'une guerre, dont les dévastations sont plus terribles encore que celles que peuvent causer les armes de tous les arsenaux du monde. C'est une guerre contre un ennemi qui n'a ni nom, ni visage."

Un livre peut provoquer une forme de déflagration nucléaire dans un cerveau. C'est ce qui s'est passé pour moi. J'espère que ce type de déflagration s'opérera dans des cerveaux mieux constitués que le mien. D'un autre côté, il est écrit quelque part dans le Livre :"Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits." ( Matthieu, 11; v. 22)

"All the secrets are in the black box, but the secret itself is the black box.
Car ici cet endroit ne peut apparaître que pour vous seul. Je ne parle pas de la version vulgaire et "individualiste" de ce qu'il est convenu d'appeler l'American Dream...ni de sa figure dialectique millérienne du "Cauchemar climatisé"...Non je parle d'un "endroit"vraiment singulier, disons d'un nexus du temps et de l'espace qui vous apparaît, pour vous et vous seul, expérience intransmissible et qui s'annonce telle, alors même que vous vous y attendiez le moins." ( American Black Box, p457

Une lecture ? Qu'est ce que cela provoque en nous qui sommes des "tête de lecture expérimentale" ( Villa Vortex, p 831).Une déflagration nucléaire...Mais encore? avez-vous l'audace de demander, comme des enfants qui ne doutent de rien et veulent toujours plus...Dantec répond : "C'est en toi, tête de lecture, que devait se dérouler l'expérience de la narration, c'est toi qui étais visé en premier lieu par ce voyage aux confins de notre infra-monde en errance..." "C'est toi qui a pérégriné de mondes en mondes, qui ne sont qu'un seul, le nôtre."
Qu'avons nous gagné à cette pérégrination infinie, continuez vous de demander avec l'inconscience qui caractérise les enfants, car vous êtes des enfants et des enfants très spéciaux, n'est ce pas ?
"J'espère que tu auras compris que cette mort biologique partielle n'est que le prix à payer pour que l'économie du Don en toi, peut-être, se fasse jour." ( p 835)
Oui, j'espère aussi que le Verbe vous parle de l'intérieur maintenant que vous avez refermé le livre.

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