samedi 20 avril 2013

L'origine de la violence dans les manifs pour tous : un témoignage édifiant


De la part d'un ami, Vincent :

"A force de lire des titres sur « les groupes extrémistes ultra-violents » ayant infiltré la Manif pour Tous, je me suis rendu hier soir (vendredi 19 avril) sur l'Esplanade des Invalides où se réunissaient les manifestants et où, la veille, des échauffourées avec eu lieu avec les forces de l'ordre.
Arrivé sur les lieux vers 22h30, je fus repoussé, ainsi que quelques passants, par des dizaines de CRS qui avaient dressé des barrages sur le Quai d'Orsay pour empêcher les nouveaux arrivants de rejoindre la manifestation, qui était pourtant autorisée jusqu'à minuit trente par la Préfecture de Police.
Je trouvai toutefois un passage un peu plus loin pour passer sur l'Esplanade, par la rue de l'Université, côté tour Eiffel, qui était elle aussi bloquée mais où, pour une raison inconnue, les CRS laissaient filtrer le gens dans les deux sens.
L'Esplanade était largement vide de manifestants, mais quadrillée de centaines de CRS en tenue d'assaut, lourdement équipés d'armes à feu, de gilets pare-balle, et évidemment de bombes lacrymogènes, matraques, casques, boucliers, bottes et carapaces.
Au milieu de l'Esplanade, près du bâtiment d'Air France, un groupe d'environ 800 étudiants, type babysitters de mes enfants, étaient assis en silence, en train d'écouter d'autres étudiants leur lire des discours de Nelson Mandela et Martin Luther King sur la non-violence, ainsi que la Déclaration des Droits de l'Homme et autres textes du même type. Pas le moindre signe d'échauffement ni même d'excitation dans cette foule. Plusieurs centaines de CRS encadraient ce groupe à une vingtaine de mètres.
A l'angle de la rue de Constantine, qui longe l'Esplanade des Invalides à l'est, et de la rue de l'Université, qui mène aux bâtiments de l'Assemblée nationale, il y a avait par contre un groupe d'environ 200 jeunes, plus quelques adultes, en général des hommes, beaucoup plus bruyants, qui faisaient face à un barrage impressionnant de camions de CRS barrant la rue de l'Université.
Les manifestants chantaient des slogans « Hollande, ta loi, on n'en veut pas », des chansons à boire (Fanchon...) et parfois « CRS, SS ». Je me suis alors approché et me suis mêlé au groupe pour juger sur pièce de qui il s'agissait. La plupart restaient très « BCBG » mais une quinzaine d'entre eux étaient habillés plutôt en supporters de match de foot, avec jeans, basket et sweat à capuche. Certains (3 ou 4) paraissaient un peu alcoolisés et passablement excités. Deux étaient plus inquiétants, l'un portant un blouson noir et un casque de moto, l'autre ayant une vrai tête de voyou de banlieue violent, crâne rasé et proférant des insultes contre les CRS, mais ni l'un ni l'autre n'agressaient les manifestants ou les CRS.
Je me suis avancé jusqu'au premier rang devant les CRS en bouclier, ce qui était facile car la foule n'était pas compacte, et ne suffisait pas à barrer toute la largeur de la rue, loin de là. Le groupe s'est alors mis à chanter des slogans, dont une fois : « CRS retourne toi, les racailles sont derrière toi". A deux ou trois reprises, des jeunes ont donné des coups de pied contre des boucliers de CRS, qui ne réagissaient pas.
Il était à peu près 11 heures quand trois prêtres se sont approchés avec un haut-parleur et se sont mis à entonner une chanson joviale et absolument sans aucune vulgarité sur le refrain « Un papa, une maman, c'est ce qu'il faut pour les enfants ». Les manifestants étaient visiblement heureux de cette initiative qui allait les distraire d'un face à face sans beaucoup d'intérêt avec les CRS. Ils ont tourné le dos aux CRS pour faire face aux prêtres et reprendre en chœur leur chanson. Comme je trouvais ça amusant, j'ai commencé à chanter moi-aussi. L'atmosphère était redevenue tout-à-fait bon enfant (elle n'était cependant jamais devenue inquiétante). Nous étions à ce moment une cinquantaine près de l'entrée de la rue de l'Université, la foule avançant et refluant constamment vers le milieu de l'Esplanade.
C'est alors que les CRS, qui étaient restés immobiles jusque-là, ont chargé sans aucune sommation le petit groupe de chanteurs. Ils nous ont pris en tenaille, un premier escadron faisant irruption du barrage de la rue de l'Université, deux autres arrivant de droite et de gauche de la rue de Constantine, et deux autres arrivant du centre de l'Esplanade, ceux-ci étant accompagnés d'au moins une dizaines de policiers en civil, avec des brassards.
Ce que j'ai vu alors m'a glacé le sang. Ils ont sorti leurs matraques et se sont mis à frapper comme des fous sur des étudiantes de 18 ans, les attrapant par les cheveux, les jetant au sol. La plupart faisaient 1,90 m ou plus et dépassaient d'au moins une tête leurs victimes, surtout qu'ils étaient casqués et ne courraient pas le moindre risque de prendre un mauvais coup, les manifestants étant désarmés et en tenue de printemps. Ils ont essayé d'attraper toutes les personnes qu'ils pouvaient, y compris les prêtres, et frappaient sans retenue. Un prêtre en robe est tombé au sol et, trois CRS l'ont traîné par terre sur plusieurs mètres pour le faire passer derrière leur barricade et l'incarcérer, alors qu'ils ne risquaient absolument rien, tous les manifestants étant en train de courir pour essayer de s'échapper, et aucun ne prenant la défense des malheureux. Mais les CRS étaient plus nombreux que nous. Ils jetaient leurs jambes (avec des coques en plastiques) dans les nôtres pour nous faire tomber par terre. L'un d'eux m'a lancé à bout portant un jet de gaz lacrymogène alors que j'étais les bras ballants, éberlué, et que je ne faisais strictement rien, puis il m'a donné des coups de matraques, sans la moindre raison. Bien entendu, ils se sont saisi de dizaines de personnes, qui disparaissaient derrière leur barricade, sans que quiconque ne puisse réagir.
Ce déferlement de violence gratuite m'a épouvanté. Aucun de nous, et pas plus les supporters à capuche que les autres, ne pouvait faire quoi que ce soit. Le déséquilibre était tellement énorme, grotesque, entre le nombre, la force, l'armement, et la violence des CRS, et les pauvres slogans des manifestants que c'en était à pleurer. Quand le bruit s'est répandu qu'ils avaient emmené un ou des prêtres, la foule s'est mise à crier « Rendez-nous, nos curés », en vain.
Un prêtre et revenu et a supplié qu'on le laisse parler à un officier. Les CRS, qui avaient reformé leur barricade, n'ont pas bougé et bien entendu, aucun "responsable" n'a pointé le nez. Nous étions face à la force brutale, aveugle, sans visage, de la dictature policière qui ne prenait même plus le soin d'essayer de se cacher.
De mon côté, j'étais à genoux, aveuglé par la lacrymo, et une personne compatissante s'est approchée pour me tendre un mouchoir. Je ne sais pas pourquoi les CRS ne m'avaient pas embarqué moi aussi. Lorsque j'ai commencé à pouvoir entre ouvrir les yeux, l'ambiance était à nouveau semblable à celle que j'avais trouvée en arrivant. Le groupe de veilleur était toujours silencieux, les manifestants bruyants avaient repris leurs chansons. Les CRS s'étaient rapprochés pour faire une nasse, et j'ai réalisé à quel point leur présence était menaçante. C'était sûr pour moi maintenant, je venais d'en faire la douloureuse expérience, des chefs politiques sans scrupules et sans aucun respect pour l'état de droit leur donnaient des ordres de mener des charges gratuitement et de frapper et d'incarcérer des innocents pour répandre la terreur.
Le calme et la bonne humeur des manifestants qui restaient sur place m'est alors paru sous un nouveau jour. Je me suis aperçu à quel point nous étions, faibles, peu nombreux, démunis. La bonne humeur et l'oubli face à cette violence n'étaient pas un choix, mais la seule attitude possible dans une telle situation d'infériorité, les lois les plus fondamentales de la République ne s'appliquant plus à nous pour nous protéger des agressions des forces de l'ordre.
Je suis encore resté une bonne heure, jusqu'à la dispersion, qui se fit pacifiquement. Pas la moindre dégradation n'avait été commise pendant toute cette soirée. Bien entendu, aucun CRS n'avait d'égratignure. Ils nous empêchèrent néanmoins de repartir à pied, chacun d'où nous venions, continuant l'odieuse mise en scène consistant à faire croire que c'est de nous que provenait la menace, et nous obligèrent à partir par le métro, malgré l'engorgement de la station, elle aussi remplie de forces de l'ordre."









2 commentaires:

  1. Robert Marchenoir20 avril 2013 à 17:04

    En train d'écouter d'autres étudiants leur lire des discours de Nelson Mandela et Martin Luther King...

    Aaaargh ! L'odieuse manifestation gauchiste !...

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    1. Vous imaginez Robert, mon désarroi... j'ai failli couper ce passage de la prose de mon ami...
      Tenez un article qui m'a intéressée : http://www.contrepoints.org/2013/04/20/122122-la-tres-antiliberale-manif-pour-tous-2

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