Pie IX |
Peut-on être chrétien et antiétatiste en France aujourd'hui ? La question pourrait surprendre un catholique, habitué à une défense traditionnelle de l'État par le magistère de l'Eglise. Mais les temps changent. Et le contexte actuel de la sociale-démocratie oligarchique, oblige à repenser les choses. Il est temps que les catholiques et les chrétiens en général, comprennent que soutenir l'État aujourd'hui signifie alimenter le processus même qui les détruit.
A une époque, l'État était peut-être la réponse au chaos généré par les guerres et les prédations. Mais surtout, gouverner était une activité privée et l'État était la propriété d'une dynastie, qui exerçait la responsabilité à long terme de faire fructifier son royaume. Le roi devait laisser à son successeur un royaume prospère et paisible, dans une logique patrimoniale.
Ce qu'on peut notamment regretter, c'est qu'à cette époque l'État employait souvent son pouvoir pour imposer la foi et la morale, détenues en commun par une communauté majoritaire. Or dans nos sociétés mondialisées, le pluralisme religieux est irréversible et il n'y a plus aucune justification d'un tel autoritarisme. Mais le problème c'est que l'État social laïque est devenu lui-même paternaliste et autoritaire, sous des apparences de légitimité démocratique. En réalité, le régime oligarchique de la sociale-démocratie ne supporte aucun véritable pluralisme idéologique, et ne parlons même pas des libertés économiques.
Cela a été bien montré par Philippe Nemo dans son dernier livre : La France aveuglée par le socialisme. Dans un chapitre intitulé : La regression intellectuelle de la France, Philippe Nemo montre comment les libertés d'expression et d'opinion sont réduites par la multiplication des tabous et des interdits à caractère magico-religieux. Au Moyen-âge, les théologiens scolastiques, à la suite d'Abélard et de S. Thomas, avaient établi la distinction fondamentale entre le péché, qui relève de Dieu seul, et le crime, qui relève de la justice humaine. Or en rétablissant le délit d'opinion, (c'est-à-dire en criminalisant la parole, qui relève en fait du péché seulement, par exemple un parole haineuse ou mensongère), via la Halde, la loi Gayssot ou la loi Taubira, la France a fait retour vers la pensée magico-religieuse archaïque.
Comme l'écrit aussi Yvan Blot : « la démocratie représentative pure est devenue un régime oligarchique gouverné par des gérants irresponsables : politiciens mais aussi hauts fonctionnaires des finances, dirigeants de syndicats et associations irresponsables, dirigeants des médias, etc. » Ces gestionnaires, non-propriétaires, agissent avec l'argent des autres, dans une perspective à court-terme qui est d'assurer leur propre carrière. Et la préférence pour l'immédiat entraîne une série d'effets pervers bien connus : accroissement de l’endettement public, inflation monétaire, inflation législative, enfer fiscal, crise démographique et j'en passe...
Pour revenir aux chrétiens, au lieu de rêver naïvement au retour de la chrétienté médiévale (même si j'ai de l'admiration pour cette période de notre histoire), ou de rêver à la christianisation de l'État social, ils devraient envisager une autre perspective, plus réaliste, à la fois sur le plan historique et philosophique. Elle a été bien résumée par John Zmirak (biographie ici), un catholique américain, auteur de Wilhelm Röpke: Swiss Localist, Global Economist, dont je traduis ici un texte :
Il semble clair que la sphère publique en Occident est irrémédiablement antichrétienne. Donc, la seule réponse logique des chrétiens doit être d'essayer de la réduire. Au lieu d'essayer de baptiser un Léviathan qui nous anéantit depuis longtemps, nous ferions beaucoup mieux de le mettre cage et d'affamer la bête.
Nous devrions favoriser les impôts les plus faibles possible, quelle que soit la "bonne" utilisation que les politiciens nous promettent. Nous devrions nous opposer à presque tous les programmes que le gouvernement vise à atteindre, quels que soient leurs buts. Nous pouvons faire des exceptions ici et là : Nous pouvons favoriser la protection des vies innocentes, soutenir des mesures comme décider de l’emplacement des feux de circulation et jeter les criminels en prison. Mais c'est à peu près tout.
Une politique publique d’inspiration chrétienne devrait se concentrer non pas sur la capture du pouvoir de l'État, mais sur sa diminution, au strict minimum nécessaire pour faire respecter les droits individuels. De même, la part de notre richesse saisie par l'État doit être radicalement réduite, afin de permettre les initiatives privées et les organismes de bienfaisance, à la place des institutions bureaucratiques qui sont sans âme et inefficaces, comme l'État-providence.
Au lieu de demander l'aumône pour nos écoles, sous la forme de subventions, nous devrions plaider pour la privatisation des écoles publiques qui, par leur nature même, dans l’Occident post-chrétien d'aujourd'hui, sont des moteurs de la laïcité intolérante. Et ainsi de suite pour presque toutes les institutions de l'État centralisé, qui a détourné les activités légitimes de la société civile et des églises et qui, chaque année, vole tellement de notre richesse pour la gaspiller, que nous pouvons à peine nous permettre d’avoir des enfants.
En conclusion, John Zmirak rappelle son soutien à Ron Paul (voir ici ma traduction d'un article de Walter Block sur Ron Paul et les catholiques). Et il écrit : « Nous n'avons pas plus de raison de coopérer avec l'Etat laïque que les Irlandais ont à faire confiance à la Couronne britannique. Et c'est ainsi que je concilie Ron Paul avec Pie IX ».
Ceci avait déjà été fortement affirmé, avec plus d'un siècle d'avance, par le Cardinal Newman et Lord Acton en Angleterre, par Charles de Montalembert et Paul Leroy-Beaulieu en France, ou bien par le prêtre et philosophe Antonio Rosmini en Italie. A l'époque, ce dernier avait été condamné au silence par les jésuites pour ses thèses. Il fut pourtant béatifié en 2007 par Benoît XVI. Les temps changent...
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