jeudi 3 mai 2012

Un mercredi, voyage au bout de la fatigue.



Les vacances se terminent et j'ai le sentiment d'avoir vécu dans une sorte de tourbillon glacial, venteux, pluvieux, gadouilleux durant deux semaines. Tout ceci a été, je ne le cache pas, pénible, fatiguant, bref j'ai connu mieux.
Et une cuisine d'enfer, un travail de brute en plus des repas quotidiens avec de nombreux (et charmants) invités : je prépare une soirée pour l'une de mes filles mi-mai et j'ai dû me lancer dans la confection de petits fours de façon intensive tout en gérant une horde qui tourne en rond à cause d'un climat calamiteux; les plus grands ont tiré leur épingle du jeu en se faisant inviter à droite et à gauche (mais il a fallu que la bétaillère tourne beaucoup et quadrille la région, dans les tempêtes).

Mon mari absent la deuxième semaine, la pression s'est accrue et "la joie" de chaque jour s'est faite difficile à percevoir. D'un autre côté, lorsque le chef de famille n'est pas là, j'essaie de reprendre les rênes le plus honorablement possible et de maintenir la horde à peu près dans les clous. Et chaque bataille victorieuse me donne confiance en moi-même, je suis fière d'arriver à maintenir la barque à flots même si le gouvernail ne me paraît franchement pas adapté à ma taille et pèse une tonne.
Le nez dans le guidon... Un ami qui mène quelques semaines pénibles de son côté m'écrit : "la vie me marche dessus". Oui, c'est à peu près ce que je ressens, debout sous la pluie froide, irrémédiablement trempée et gelée jusqu'aux os, et la sensation humide et glaciale me poursuit et me colle à la peau et jusqu'au fond de mon coeur, même à l'intérieur de ma maison au milieu des miens.

Gabrielle va sur ses un an et reste toujours assise sur ses petites fesses sans imaginer pouvoir se lancer à quatre pattes dans le vaste monde. Elle a fait une fois une galipette involontaire sur un matelas et cela l'a confortée dans l'idée que les princesses doivent en faire le moins possible et se laisser porter. Elle continue de me tendre ses petits pieds avec orteils en pointe, gracieusement, pour que je les embrasse... Ne sait-elle point que les pieds servent à marcher? N'en-a-t-elle réellement aucune idée? J'installe donc un grand parc pour la dégourdir un peu mais Gabrielle, petite puce perdue au milieu de géants, a peur de ce trop grand espace! Où est donc passé le sang néerlandais, aventureux, voyageur qui coule dans ses veines?? Les frères et soeurs se relaient pour aller dans le parc avec ce petit gnome hurlant et tentent de l'habituer ainsi...
Gabrielle a découvert aussi le "Non!" catégorique, lorsqu'elle crachote sa purée et décidément elle n'est pas prête du tout à se soumettre à un impératif quelconque : le moindre "non" de notre part la rend enragée de terreur et de colère : elle fait la lippe, pleure, pousse les hauts-cris de l'innocence bafouée et reprend de plus belle ses crachouilles. Nous n'osons plus du coup lui refuser quoique ce soit et elle l'a bien compris, la finaude. L'ange Gabrielle se métamorphose en un petit démon des plus communs. Dieu merci, j'ai une certaine expérience de ces caprices et je feins une indifférence qui la déroute et la remet sur le bon chemin. Mais toutes ces scènes sont craquantes et je... craque souvent et je l'embrasse plus que de raison sur ses joues à purée et sur ses yeux noyés...

Pas de commentaires sur la campagne présidentielle qui me laisse simplement un goût de bile dans la bouche. Là aussi ce sentiment d'être sur un bateau mais sans gouvernail aucun et qui part dans une espèce de gouffre, avec quelques personnes qui sautent du navire, d'autres qui s'y accrochent désespérément, d'autres encore qui continuent de vivre sans réaliser. Et la vitesse du bateau qui s’accroît jusqu'au vertige.

Hier matin, après une journée de congé plaquée absurdement au milieu d'une rentrée scolaire perdue au milieu d'un océan infini de vacances -l'horizon durant deux longues semaines n'a présenté aucun havre de paix, aucun îlot d'espérance, aucun lieu de repos ou de repli- je pars faire quelques courses et reviens assez vite, poussée par un pressentiment : lorsque j'arrive c'est la panique chez les petits que j'avais laissés seuls : la machine à laver le linge qui a tendance à se "promener" est tombée en avant, le garage et la salle de jeux sont inondés.

Je pose mes sacs sans rien dire et méthodiquement commence à sortir serpillières et linges pour tenter d'éponger... Les enfants sautent un peu partout, mi-affolés mi-ravis de cette nouvelle occupation et m'aident peu ou prou. Il faut ranger les courses cependant, faire manger Gabrielle, préparer le repas de midi et aller chercher les grands à l'école. Je pose mes linges, enchaîne les gestes quotidiens, tente de joindre mon mari puis pars chercher les grands... Dans la voiture, je leur explique la catastrophe, leur demande de l'aide : François pousse les hauts-cris "j'ai plein de boulot" mais je l'arrête et ma voix tremblante et ma conduite nerveuse au bord de l'hystérie lui font comprendre qu'il ne faut pas "en rajouter" : je suis à bout.
Entre deux conduites,  nous nettoyons, nous aérons, nous rangeons, et le découragement fait place là encore à une forme de joie, oui, vraiment, nous surmonterons cette journée, nous surmonterons tout, dans notre famille, parce que c'est nous, tout simplement, parce que c'est la famille, et demain sera un autre jour...

Tenir sa maison, c'est tenir le monde.

15 commentaires:

  1. Mais bien sûr qu'il faut porter une Princesse !

    Bon , à 25 ans ça va devenir compliqué cette histoire ...

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  2. Mais par bonté d'âme , je suis volontaire pour la porter si elle ne marche pas à 16 ans .

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    1. Prolo, ben voyons. Quand ma fille aura 16 ans, elle aura une démarche divine et vous ramperez devant elle, comme tous les hommes.

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    2. Quand elle aura 16 ans , j'en aurais 32 , je serais un vieux croûton édenté et calvitieux , je n'aurais plus aucune chance ...

      Rhâââââ , le monde est trop cruel .

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    3. Mais à cet âge-là, si cela se trouve, vous aurez vous-même quelques filles à élever!

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    4. Peut-être même un fils !

      C'est possible de planifier un mariage avant la naissance de l'enfant ?

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    5. S'il s'agit de votre mariage, oui je crois qu'il vaut mieux en rester à cet ordre des choses : mariage, puis enfant.^^
      S'il s'agit de planifier le mariage de votre futur fils qui n'existe pas encore, cela se faisait à une époque et je vous avouerais(mais discrètement) que ça devait être sacrément reposant pour les parents de planifier ainsi la vie de leur progéniture. Quand on voit les difficultés aujourd'hui pour les jeunes pour "trouver leur voie" et une femme potable, je me dis que les mariages arrangés avaient peut-être du bon dans certains cas.

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    6. Allez , si mon fils est roux , il épouse Gabrielle .

      Ca marche ?

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    7. La rouquinitude comme critère de sélection?? Un peu juste, m'est avis. Mais... je réfléchirai! Promis!^^

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    8. Ben c'est un bon critère , c'est un signe d'élection divine .

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  3. ... un jour le sang batave de la petite rouquine va se réveiller sans crier gare et je sens que vous allez regretter l'heureux temps où elle se tenait tranquille sur son minuscule derrière :)

    Toujours aussi jolies vos family chronicles, même quand elles pataugent dans la boue et la grisaille... a kiss.

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  4. Courage! pour ma part, j'aime bien la technique de la crémaillère: tel un petit train de montagne, tirer nos wagons vers les sommets un cran après l'autre, une tâche après l'autre une journée après l'autre, sans regarder en arrière, sans se poser de questions. Ils vont bien grandir un jour, et nous regretterons cette époque où nous n'avions même pas le temps de lire trois pages en paix dans une journée!

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  5. Merci Gil, merci Blanche. A propos des plus grands, c'est une autre histoire : ils me donnent tellement d'insomnies que j'arrive sans peine à lire plus de trois pages par nuit!^^

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  6. Je me disais aussi: à quel moment de la journée peut- elle lire ?
    Moi c'est dans ma voiture lorsque je les attends à la sortie de leurs cours de musique ou autre...jamais plus d'une page.

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