dimanche 18 mars 2012

A propos des contempteurs de la publicité, par XP

En éclaircissement pour ceux qui lisent Didier Goux :


@J.ax
« « I will send a famine upon the world » – même s’il s’agit en occurrence de « faim de Dieu », elle en dit long sur la place essentielle du désir dans la nature humaine. »

J’enfonce le clou : toutes critiques de la société de consommation et du libéralisme finissent par ce reproche ultime : ils suscitent le désir, nous rendent dépendants du désir.Tous les contempteurs de la publicité finissent par cette conclusion: « la pub nous fait désirer des choses dont nous n’avons pas besoin ».
Il s’agit en réalité d’une volonté de bâtir une société sans désirs, et dans lesquels les besoins des uns et des autres seraient rationnellement déterminés, et fixés à l’avance. C’est en réalité un rêve prométhéen, une volonté de contrôler et de déterminer ce dont les hommes peuvent avoir besoin ou envie, et c’est donc, encore une fois, les fondements ontologiques de la civilisation occidentale qui sont attaqués.Maintenant, la pub, on est a peu près libre de ne pas être influencé par elle, de balancer sa télé. Mais c’est un choix, c’est une question de volonté et de libre arbitre; et c’est ça qui dérange les ennemis de la pub et de la société de consommation: ils ne leur reprochent pas de nous forcer à consommer des choses inutiles (puisque personne n’est forcé), mais qu’on ne soit pas forcé de ne pas les consommer, et que la collectivité n’impose pas aux individus ce qui est utile et qui ne l’est pas.
C’est peut-être inutile d’avoir deux écrans plats, mais le contempteur de la société de consommation est libre d’en acheter qu’un, ou pas du tout. Alors que reproche-t-il à la pub? Deux choses: la liberté qui lui est laissée d’écouter le publicitaire ou pas, et ma liberté d’acheter deux écrans plats et de déterminer ce qui est inutile ou qui ne l’est pas, de ne lui laisser aucun contrôle sur mon existence.
Alors bien-sûr, je connais l’argument massue des anti-pubs: les enfants, et la dictature des marques. En effet, ils sont manipulés comme nous, mais sans les moyens d’exercer leur libre arbitre. Seulement, dans une société libre et dans laquelle il y a de la pub, les enfants ne sont pas plus imprégnés par la pub que par un discours anti-pub qui est constamment matraqué. Un ado est conditionné en partie par la propagande de Nike ou d’Adidas, mais plus encore par la propagande selon laquelle la pub, c’est de la merde.
A propos de la pub et de l’art de susciter des désirs inutiles : les désirs inutiles, ils relèvent de la futilité. Et la futilité, c’est une chose indispensable à la liberté. Le droit à la futilité, c’est celui de décrocher des choses sérieuses, des discours sérieux, et de l’emprise de ceux qui vous les imposent. Autrement dit, ceux qui vous « vident le cerveau (les vendeurs de Coca-cola) vous protègent de ceux qui veulent vous le bourrer.Encore une fois, c’est tout ce qu’il y a de plus concret, tout ça; pas de coca-cola dans une société régie par Karl Marx. C’est tout à fait impossible. URSS aurait autorisé la pub, elle n’aurait pas tenu 5 ans. C’est ou l’un ou l’autre. Celui qui vous vide la tête ou celui qui vous la bourre.
Imaginez-une seconde que TF1 soit nationalisée : beaucoup moins de cerveau disponible pour Coca-Cola…. Et beaucoup plus de temps de parole pour Albert Jacquard et Dominique Wolton…. Quelle est la seule chose qui limite leurs temps de parole, à ces gens-là? Réponse, l’audimat. Ils sont dans les écoles pour bourrer le mou des enfants, mais grâce au Marché, les gosses ne tombent pas sur eux quand ils se branchent sur les chaines commerciales.

« Les désirs futiles suscitent de l’activité, l’activité suscite de la richesse, pas de fusées sans production de richesse. »
Tout à fait.
J’ajoute que vouloir supprimer le désir de futilité, voire même le désir de choses laides ou stupides selon le sens commun (un tamagotchi, un jean déchiré aux genoux, du tuning, du pop-corn) c’est vouloir supprimer le désir tout court. Les plaisirs unanimement considérés comme tels (un dimanche à la campagne, des vacances, une voiture confortable, une nourriture agréable) ne sont pas des désirs mais des besoins. Non pas des besoins liés à la survie, mais à une vie correcte. Ça ne relève pas du désir.
Par définition, il y a désir véritable quand il est possible de ne pas désirer. Voire même quand il est à priori incongru de désirer.
Par ailleurs, tout ce qui relève des loisirs « non futiles », échappant à la sphère marchande, doivent aussi relever du désir, car ils perdent absolument toutes leurs saveurs et leur intérêt si les exercer relève d’un choix de société.
Voyez vous, si vous lisez des livres, même de bons livres, parce que ça relève d’un choix de société qui vous est imposé, et bien alors il n’y a rien de pire que la lecture. Vos lectures ne seront édifiantes que si vous avez eu le choix entre lire et aller au bowling.A Cuba, ce connard de Castro force les ouvriers à entendre des classiques de la littérature diffusés par haut-parleurs pendant leurs heures de travail….
Extrait tiré de ce recueil de textes et commentaires : De la nécessité du désir au fondement de la nature humaine.

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