mercredi 1 février 2012

Montrez-moi avec qui il couche et je vous dirai qui il est

"L'amour est aveugle, dit-on. Le sexe est sourd à la raison et nargue le pouvoir de tous les philosophes. Mais le choix sexuel d'un homme est le résultat et la somme de ses convictions les plus profondes. Dites-moi quelles femmes attirent sexuellement un homme et je vous dirai quelle est sa philosophie de la vie. Montrez-moi la femme avec laquelle il couche et je vous dirai ce qu'il pense de lui-même. En dépit de tous les discours trompeurs qu'on a entendus sur l'altruisme, l'acte sexuel est un paroxysme d'égoïsme, sa seule justification étant le plaisir. Imaginez un peu celui qui aurait des relations sexuelles dans un esprit de charité! L'acte sexuel exige de sentir merveilleusement bien, pas avili, d'avoir la certitude d'être désiré et désirable. C'est un acte qui met l'homme à nu, aussi bien d'esprit que de corps, et qui l'oblige à accepter son vrai moi. Il sera toujours attiré par une femme qui incarne à ses yeux la vision secrète qu'il a de lui-même, la femme dont l'abandon lui permettra d'éprouver -ou de feindre- l'estime qu'il a pour lui-même.L'homme conscient et fier de sa valeur recherche une femme qu'il peut admirer, la plus forte, la plus difficile à conquérir, parce que seule la possession d'une femme exceptionnelle lui donnera un sentiment d’accomplissement, pas celle d'une petite écervelée.
(...)
Il ne cherche pas à se valoriser à ses propres yeux, mais à exprimer toute sa valeur.
(...)
Voyez quel épouvantable gâchis la majorité des hommes font de leur vie sexuelle, et voyez le tissu de contradictions qui tient lieu de philosophie morale. Tout est lié. L'amour n'est pas autre chose que l'expression de nos exigences. L'homme qui trahit ses valeurs, qui manque d'idéal, qui envisage l'amour, non comme la sublimation de soi, mais comme la négation de soi, qui ne vise plus la fierté, mais la pitié, la douleur, la faiblesse ou le sacrifice, qui affirme que l'amour le plus noble se fonde, non sur l'admiration mais sur la charité, non sur des valeurs, mais sur des faiblesses, cet homme-là se coupe en deux. Son corps ne lui obéira plus, ne réagira plus, le rendra impuissant face à la femme qu'il déclare aimer et le poussera dans le lit d'une putain."

(Ayn Rand, "La Grève")

16 commentaires:

  1. " Dites-moi quelles femmes attirent sexuellement un homme et je vous dirai quelle est sa philosophie de la vie. "

    Je ne suis pas communiste !
    Le roux , c'est juste une couleur !
    Non mais !

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  2. Bon, jusque là, je n'ai rien dit sur Ayn Rand, mais je pense sincèrement que, comme toutes les femmes qui jouent les fortes têtes-ce qui n'enlève rien à ce qu'elle a pu écrire de juste- elle était fondamentalement hystérique. Cette définition du sexe, d'un point de vue féminin, c'est de l'hystérie pure, du double bind en puissance.

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  3. J'arrive tout juste de trois d'absence, je cogiterai demain sur Ayn Rand mais effectivement sa vision du sexe , de l'amour et des femmes est assez ... particulière.Cf sa vie (très) mouvementée d'un point de vue matrimonial. Mais bon tout n'est pas faux non plus...

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  4. Juste une chose : dans le roman, à cet instant c'est un homme qui s'exprime... et qui dit le texte ci-dessus.

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  5. " sa vie (très) mouvementée d'un point de vue matrimonial. "

    Le revers de la médaille puritaine . Rand méprise toute forme de transmission , comme si le génie devait être généré aléatoirement , s'élever sur une génération , disparaître sans transmission , puis ressurgir comme par magie à la génération suivante . Au fond , l'égoisme Randien s'accommode assez bien du collectivisme , il n'y a rien entre l'individu et le collectif .
    Son mépris de toute forme de transmission aboutit finalement à une grande méprise . Si "le génie a toujours en soi quelque chose d'hostile et d'irréductible, et comme un principe de stérilité." , la stérilité ne fait pas le génie .
    Les héros Randiens sont toujours des Saints athées . Or , si les Saints étaient parmi les hommes , entre les hommes et Dieu , ils trouvaient en face d'eux des hommes .
    Pas une grande masse Satanique insauvable .
    D'après elle , la seule marque du génie serait la stérilité et la solitude . Ils en sont des symptômes , pas une Grâce athée .
    Elle glorifie les effets en niant les causes .

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  6. Ce que je lui reproche,moi,c'est de s'être improvisée romancière. Trop d'idées,trop de descriptions,trop de personnages.

    Elle a mis un art au service d'une cause,comme si elle avait été une vulgaire collectiviste.

    Le paradoxe,c'est que c'est un acte foncièrement antilibéral,que de mettre une oeuvre d'art au service d'une cause, et la nature de la dite-cause ne change rien à l'affaire.

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  7. Ah merdouille! je suis pas d'accord avec ça! Ses romans sont loin d'être mauvais!!

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  8. Merdouille... Tout de suite les gros mots...

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  9. Huhu.Mea culpa et tout le toutim. Il n'empêche : ok pour cette histoire de "servir une cause dans ses romans" mais elle était VRAIMENT romancière... Et sa cause -libérale- elle l'a pas mal défendu à sa sauce à elle qui n'était pas toujours celle des libéraux qui du coup étaient assez déstabilisés par ses envolées lyrico-intellectuelles...Bref, le libéralisme, chez elle c'était plutôt une source d'inspiration pour ses romans, point barre.

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  10. Je ne suis pas d'accord. Elle est incapable de montrer, de dévoiler, incapable de faire disparaitre les personnages, les visages, la chronologie, l'action... L'oeuvre de fiction parfaite serait celle où il ne se passerait rien, où il n'y aurait rien à décrire... "En attendant Godot", c'est une histoire ou il ne se passe rien, ou l'on attend Godot pour rien... Presque la perfection.

    On peut éventuellement considérer que c'est du roman de Gare. Pourquoi pas. Mais ce n'est pas de la littérature.

    Pour filer la métaphore gastronomique, on peut préférer les Nuggets au Caviar. Mais on ne peut pas en tirer la conclusion que les Nuggets, c'est autant de la gastronomie que le Caviar, qu'il s'agit d'une simple question de gout ou de point de vue.

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  11. Alors c'est du roman de gare à la Jules Verne comme je les aime...

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  12. Moi aussi, j'aime ça( enfin pas Jules Verne, mais Sullitzer, Henri Troyat, des gens comme ça). Seulement, ce n'est pas la question, ce que l'on aime ou pas.

    Le sujet me tient à coeur par ce que c'est extrèmement fragile, tout ça, et c'est extrèmeent difficile de faire accéder une oeuvre fictionnelle au rand d'oeuvre d'art. Parce que ce n'est pas naturel. Il faut s'abstenir de décrire (pour l'auteur) ou de chercher (pour le lecteur) la réalité, pour ne s'en tenir qu'à la vérité. C'est notre pente naturelle à tous, et donc une véritable oeuvre d'art écrite est fragile... La tentation de se replier sur la description balzacienne est très forte. C'est pour ça que sur ce point, je suis attaché à ce que l'on colle les bonnes étiquettes.

    Personne n'est enclin naturellement à suivre Kafka dans sa description du Chateau, ou Faulkner dans le récit totalement délirant du Bruit et de la Fureur. Tout ceci pourrait disparaitre, au fond. Raison de plus pour marteler que c'est CA la littérature. Appeler littérature tout et n'importe quoi peut contribuer à faire disparaitre cet art si fragile et tellement contre-nature.

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  13. Oui, d'accord, là je comprends mieux et j'adhère.

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  14. C'est tout a fait exact, que cet extrait d'Ayn Rand... mais ça n'est pas très chrétien. ^^

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  15. Mais je ne vois pas en quoi ça n'est pas chrétien... être exigeant envers soi-même me paraît parfaitement vertueux...On veut le meilleur pour soi-même et par de-là pour l'autre qu'on aime... Je ne pige pas que tout le monde tombe à bras raccourcis sur un extrait qui exprime des banalités sommes toutes.

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