lundi 26 septembre 2011

Deus semper fidelis est



           Je devais avoir sept-huit ans lorsque je suis allée pour la première fois au cinéma. En Italie, puisqu'à l'époque nous habitions Milan. Je m'en souviens comme si c'était hier.
          J'étais allée voir L'étalon noir. Pas beaucoup de dialogues, l'histoire d'un cheval qui fait naufrage avec un jeune garçon sur une île déserte. Des images d'aubes naissantes dans un désert caillouteux, puis sur des plages de sable, etc...Les deux vont apprendre à se connaître, à survivre, à s'aimer. Lorsqu'ils sont enfin recueillis par un bateau, le jeune garçon décide de faire courir son étalon.
          Je me souviens de deux "courses". Un premier entraînement dans la nuit, sur un hippodrome, sous une pluie battante. L'étalon part comme une flèche, l'entraîneur ne voit bientôt plus le cheval et son petit cavalier mais il entend le galop... Le gamin est récupéré à demi-évanoui sur le dos de Black, son terrible coursier : la vitesse et la puissance du cheval ont eu raison du petit garçon.
          La dernière course où l'étalon part bon dernier comme dans toutes les plus belles histoires hollywodiennes et remonte peu à peu tous ses adversaires; il finit vainqueur évidemment et là encore la beauté de la course, la beauté du cavalier sur son cheval, qui ne fait plus qu'un avec l'animal m'enthousiasment encore aujourd'hui. L'émotion est intacte, je ne peux voir des courses de chevaux sans être profondément émue, sans être "dedans" complètement.

           Je ne connais rien au monde hippique, je suis montée deux-trois fois à cheval, je me souviens d'un galop à 10 ans en Camargue... Un de mes plus beaux souvenirs d'enfance, grisant de vitesse, d'harmonie avec ce cheval qui avait bien senti que je ne maîtrisais plus rien et que c'était lui qui menait le jeu, lui qui était la force et la puissance et la vitesse, lui qui était le moteur. Moi, je n'avais plus qu'à me laisser mener.... Mais je riais et je pleurais dans le même temps, bouleversée par cette incroyable sensation de liberté : mes parents étaient bien loin, j'avais coiffé au poteau tout le monde et le triple galop c'était pour moi, rien que pour moi, j'étais plus à l'aise ainsi, bien concentrée, bien solide et légère dans le même temps que dans un trot au rythme impossible... Je me souviens là aussi d'une lumière d'arrière-saison, rasante, magnifique, éblouissante.

          Ce matin, lever du soleil au volant de la bétaillère, nous sommes en pleine prière "Voici que je sauve mon peuple" dit notre Dieu dans la première lecture, celle du livre de Zacharie, "Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice". Et là oh merveille, nous arrivons sur la plaine, avec le lever de soleil dans toute sa splendeur et sa gloire... J'ai doublé une voiture, la voie est libre! Et Dieu sauve! Je ressens alors cette émotion unique et plénière de ma course à cheval, de toutes mes courses et victoires vécues ou imaginées ce qui revient au même... Je voudrais communiquer à mes enfants encore un peu endormis ce sentiment de gloire et de victoire, de force et d'espérance. Dieu sauve! Dieu est fidèle!

          Hier, pendant le sermon de notre prêtre, ce dernier expliquait que pour son sacerdoce il avait du choisir une devise. Au départ il avait choisi "Semper fidelis", toujours fidèle. Puis il avait réfléchi et avait trouvé cette devise assez arrogante... Il a donc troqué pour "Deus semper fidelis est", Dieu est fidèle. Oui, Dieu nous est fidèle même si nous, nous ne le sommes pas toujours et manquons à nos devoirs.

            En songeant à cela, en observant cette magnifique nature, cette aube naissante, déjà victorieuse sur tout, de tout, je me disais que ma journée était accomplie, que, quoiqu'il arriverait, j'étais dans les mains de Notre Seigneur, que c'était Lui qui menait la danse, le jeu, Lui qui était le moteur, l'Alpha et l'Oméga, et que rien, non rien ne pourrait m'arriver de mauvais car Dieu sauve et Dieu est là, fidèle.

5 commentaires:

  1. Merci pour ce beau texte, chère Madame !

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  2. de l'étalon noir je me souviens de la scène où le gosse dépose des sucres sur la porte du boxe pour apprivoiser Black, et du naufrage aussi. un beau film.
    quant à mon premier triple galop ,j'ai eu la réaction inverse de la tienne: descendre en cours...

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  3. Ouch. Descendre en cours? Tu devais être bien cabossé...

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  4. oui, la tête bien amochée mais rien de cassé !

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  5. Et tu as persévéré, tu es remonté... Bravo.

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