dimanche 14 septembre 2025

Le moment de fondamentale incertitude

 Auparavant : Théophanie, "Job et l'excès du mal" de Philippe Nemo.

"Cependant, l'adhésion de Job à l'Intention de Dieu comporte un aspect paradoxal qu'il ne faut pas  passer sous silence, malgré le ton triomphant des derniers passages commentés.
Job a bien vu que, pour rejoindre l'intention intime de Dieu, il lui a fallu "s'avancer" et, comme il l'a dit dans une formule puissante, "prendre[sa] chair entre ses dents". "Emporter sa chair entre ses dents", comme le fauve emporte sa proie, est une locution proverbiale pour dire qu'on risque sa vie. Donc Job savait qu'il n'avait aucune garantie. Il a fait une sorte de pari. En s'avançant vers Dieu, il ne connaissait pas encore sa réponse. Néanmoins, il a fait le pas, se "découvrant" comme un duelliste en chemise sur la prairie s'exposant au feu de l'adversaire.Il s'est exposé à l'ambiguïté de Dieu, à son absence. Il a décidé d'être bon même si Lui était méchant. Il a décidé de choisir pour l'amour indépendamment, sinon de toute perspective, du moins de tout calcul, de salut. Et alors il y a eu salut!
On voit que, dans cette affaire, le moment de fondamentale incertitude est à jamais inesquivable. La nuit est l'unique chemin du jour. Et cette nuit se reforme à chaque instant, aucune de nos réponses antérieures ne vaut pour la question posée aujourd'hui par l'excès du mal. Rien ne peut remplacer l'engagement. Rien ne peut dispenser de passer par le découvert, par le nada. Avant saint Jean de la Croix, Job fait l'expérience de la nuit de l'esprit. Dieu n'est trouvé que dans le nada. Telle l'éblouissante certitude de Job.
C'est si l'on veut la foi. L'excès du mal a produit ce fruit spirituel."

"Job et l'excès du mal", par Philippe Nemo








Je m’engage, seule, dans un petit chemin,

Le vent souffle dans les arbres immenses.

Mille bruits, diffus, éclatants, me dérangent.

Je marche doucement vers un lieu incertain ;

Puis, de plus en plus vite, mon pied avance :

J’ai vu une lumière, me semble t-il, au loin .


Clarté rassurante, clairière paisible,

La fleur est odorante et le papillon voltige.

Je me suis endormie dans une chaleur rassurante

J’ai fermé les yeux sur une lueur aveuglante.

La forêt fraîche et sombre m’a happée de nouveau

Dans ma nuit, enfoncée, dans le gouffre, le saut.


Relevée lentement, la poussière retombe

Doucement.

Où suis je ?


L’arène est lumineuse, le sable brûlant sous mes pas ;

Dans la lumière incandescente, au milieu des vivats

J’ai mon glaive bien en main, rien ne m’atteindra.

La bête est énorme, luisante et noire, l’œil fou.

Je n’ai pas peur, non, je suis déjà morte, c’est tout.

L’ombre immense se lève, oh fraîcheur bienfaisante !

Le soleil tournoie, je suis piétinée, broyée, pantelante.


Je respire et je vis, paupières obstinément baissées ;

Voir sans regarder, savoir sans lire, pas de réalité.

Je me suis ensevelie dans le gouffre – tombeau

Je pensais vivre ainsi cachée au milieu du troupeau.

Mais le monstre m’a trouvée, mon propre cerveau

Il m’a tuée pour de bon , réveillée à nouveau.


Relevée lentement,

Je suis

En enfer

Maintenant


Ballet immémorial, défi transcendantal

Ne pas s’endormir, rester éveillé,

Chercher la vérité, trouver la réalité

Je suis A, petite fille de la forêt,

Je suis A, petite fille du soleil,

Je suis A, entre terre et ciel. 


samedi 12 juillet 2025

L'oiseau, l'homme et Dieu

 


Tout le jour, l'oiseau célèbre son Créateur
Dès l'aube, il chante, il éveille dans sa ferveur
Ce pour quoi il est créé, son unique tâche
"Louange, Honneur, Gloire" pépie-t-il sans relâche.

Dès lors que nous prions par la voix de l'Esprit
Nos paroles, semblables à l'oiseau, son cri,
Prières inaudibles s'élevant au ciel,
Prières saintes par la grâce du baptême

Ces mouvements de l'âme,
Doux ressacs de la mer,
Fil de l'oiseau qui plane,
Coupe riche et amère

Emplis selon sa volonté du Corps, du Sang
L'homme est heureux, son amour est exubérant
Avec l'oiseau, à genoux devant le ciboire,
Ils chantent tous les deux  : Honneur, Louange et Gloire

jeudi 10 juillet 2025

Les innocents

"Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue."


Une lumière, pâle et grise, se répand 
Sur la plaine infinie. A perte de vue bruissent
Des sons diffus, des pleurs ou des rires d'enfants,
Des tout-petits, et leurs âmes s'évanouissent
Dans l'air étrange de l'étrange lieu et temps.

Ils viennent d'arriver pour certains, et ils pleurent
Ils viennent de mourir dans le sein de leur mère 
Le nid douillet, empli d'amour et de douceur,
En fait : berceau du désespoir et de l'enfer.
Avortés et arrachés, par milliers, ils meurent.

Mais où se retrouvent-ils alors ? Apparu
Un jour ou une nuit, dans le secret d'un corps,
Sous le souffle de l'Esprit partout répandu
Naissance d'une vie, atome en plein essort, 
Petit univers à l'inaltérable élan...

Il ne connaîtra pas ce monde magnifique 
Une nature sans pareille, les saisons,
Leur cycle immuable, le contenu biblique :
La terre, le soleil, les océans profonds,
L'univers beau comme un admirable cantique

Il ne vivra pas d'une vie d'homme, joyeuse
Et douloureuse. Il ne chancellera pas pour 
Tomber sur Dieu : folie miséricordieuse 
Jaillissant en flots brûlants d'éternel amour
Il ne saura pas d'être sauvé la joie heureuse

Il ne grandira pas dans les bras de son père
Sous la voûte lumineuse brillant pour lui
Il ne vivra pas pour tout l'amour d'une mère 
Dans l'attente, à son tour, de procurer la vie
A des petits d'hommes, du fond de l'univers

Il ne vivra pas. Seigneur, il ne vivra pas. 
Et je pleure sur l’immense fleuve de sang 
Charriant ces nouveaux nés perdus jusqu’à Toi
J'en reconnais certains, chaque nuit, en rêvant:
Ils apparaissent doucement et je les vois.

Et il y en a trois, assis en indien,
La tête un peu penchée, toujours, des tout petits,
Si sages, si beaux, mes amours, mes chérubins
Je veux leur raconter le bonheur d'une vie
Mais je ne fais que pleurer, sans bruit, sans fin.

Alors je prie et je leur apprends mes prières
Ils récitent par coeur les mots essentiels
Et leur âme grandit dans cette étrange sphère
Je veux croire qu'ils sont aimés par tous au Ciel.
Un jour, je verrai leur demeure singulière.

lundi 16 juin 2025

Le Bon Pasteur

 


Il est là, seul, debout, appuyé contre un mur,
Son odeur forte l’encercle comme une armure,
Un pantalon en loques, couvre sa misère,
Un cabat gris rassemble tous ses biens, par terre.

Elle est à genoux et, dans ses bras enserrés,
Son trésor,  sa fille qu'un tremblement de terre,
Au matin, dans son école, a écrasé,
Retrouvée morte, broyée, par sa pauvre mère..

Ils sont là, seuls, dans la boue, dans un désert, nus
Ils n’ont plus rien : l’ouragan a tout dévasté
De leurs maisons, leurs terres, tout est ravagé
Après la folle tempête. Ils ont tout perdu..

Elle est toujours là, Seigneur, ton humanité,
Celle que tu as voulue, chérie et créée.
Comme des pantins brisés,aux fils disloqués, 
Mains fatales d'une cruelle destinée.

La révolte gronde d'où la haine s’épanche
En un immense fleuve obscur, lourd et brûlant
Seigneur, Ô Dieu, il faut alors que tu te penches
Afin d'emporter de cet univers ardent
Ceux qui brûlent, et désespèrent, et se noient
Ceux qui pleurent, et agonisent, et s’assoient,

Ils n’ont pas vu, non, ils n'ont jamais vu ta Croix
Se pencher sur eux à chaque instant, avec Toi.
Ils restent en terre et ne se retournent pas
Pour te reprendre et relever tout à la fois
Pour te rependre, éternellement, sur la croix

Ou t’emporter, Jésus, te serrer dans leurs bras
Te soigner, te guérir, t'aimer, te consoler
Enlever, toute la boue, la suie, la poussière
Avec leurs mains, leurs gestes, leurs belles prières,
Les corps brisés, les âmes noyées, submergées

Tu es notre Berger et  tu vas nous chercher
Dans le fleuve, dans le noir, dans cette folie 
Tu es notre Berger et tu vas nous sauver
Rassembler le triste troupeau de ceux qui fuient

Affolés.

Et moi, Seigneur, qui ai tout vu, tout observé
Avec Toi, toute ma vie, je vais rattraper
Les petits agneaux mais aussi les noirs béliers
Te remettre, ces âmes, Seigneur, à jamais.

mercredi 21 mai 2025

Douce France




 
Parce que le blé vert, en ordre de bataille,
Jusqu'à être fin prêt pour les chaudes semailles,
Parce que le ciel agité, écume blanche,
Couvre la grande plaine aux verts tourbillonants,
Parce que l'oeil se perd dans l'horizon lointain,
Rend aux vies circulaires son début,sa fin,
Parce que ce paysage, la belle terre,
Accompagne jusqu'aux confins de l'univers...
Parce que ce monde ne cesse en nous de vivre
Nous pouvons partir et ne jamais revenir.
Parce que nous gardons au fond de notre coeur
Douce France, que l'on soit ici ou ailleurs.

mardi 29 avril 2025

Les disciples d'Emmaüs

 


Les deux amis étaient partis tôt le matin,

Ils cheminaient tristement tout à leurs pensées 

Ils avançaient, et, parfois, s'arrêtaient soudain

Trop émus encore pour la ville quitter.



Jérusalem! La ville qu'ils fuyaient, après 

Le brutal événement de la mort du Christ.

Leur seul maître bien-aimé en qui ils croyaient

Cloué sur le bois de la croix! Leur Jésus Christ!



Ils avancent lentement pleins de questions, 

Peinent à quitter la ville où ils ont connu

Tant de ferveur et d'espoir, de communion

Avec les Apôtres! Ils fuient vers Emmaüs.



Tout est fini. Il est mort comme le dernier

Des voleurs. Tout est fini, il n'est pas Sauveur

Du peuple élu, la race choisie en premier

Par un Dieu jaloux plein de douceur, de fureur



Il n'est pas le roi d'Israël prophétisé

Par des hordes folles et des siècles d'Histoire

Il n'est qu'une chimère réduite en fumée

Laissant sur tous sidération, désespoir. 



Soudain,  se joint à eux, un homme, un inconnu

Apparu à la croisée des chemins, sans bruit

Présence réelle au sein des esprits confus

Ils regardent, surpris,  l'inconnu qui sourit.



Les deux amis reprennent la route, suivis

Par l'homme, tous les actes de la Passion

Racontés. Tant de questions pour les amis

Et patiemment le nouveau venu y répond.



Il dresse le portrait infini du Salut

Il raconte son histoire depuis Moïse,

Quête des prophètes au sein du peuple élu

Les disciples émerveillés visualisent



La création du monde d'un Dieu d'amour

Le plan divin pour ses créatures chéries

L'alliance parfaite conçue pour toujours

Ce lien unique par le péché détruit.



Qu'à cela ne tienne! Car Dieu pourvoit à tout 

Il envoie son Fils aimé sauver ses enfants

Et, dans le mystère Trinitaire, se noue

Le sort de l'univers, son renouvellement.



Tout est pensé, pesé au coeur de l'Esprit Saint

Tout est décidé, proposé par Dieu le Père 

Tout est accepté, voulu par le Fils, si bien

Que le Sacrifice de la Croix est offert.


Les deux disciples écoutent l'homme parler

Ils restent sans voix devant ce tableau précis 

L'instant vécu emplit leur coeur d'éternité 

Ils contemplent sans voir leur Dieu grâce à l'Esprit.



L'alliance perdue depuis la nuit des temps

Se reconstitue alors et brûle en leur coeur :

Le lien brille au fond des âmes à l'instant

Timide étincelle qui surgit du malheur.



Mais, déjà, la nuit se rapproche et le jour baisse

Les disciples retiennent leur nouvel Ami

A la table, Il consacre les Saintes Espèces 

Le pain et le vin devant eux dressés, bénis.



Leurs yeux s'ouvrent enfin et leur esprit s'éclaire

Ils reconnaissent leur Seigneur crucifié 

Leurs coeurs si brûlants avaient compris le mystère 

D'un Dieu, pour les hommes, mort et ressuscité 



Leurs coeurs brûlants avaient reconnu le Messie

Les Ecritures ne les ont jamais trompés

La mort est vaincue, l'homme et son Dieu réunis

Rédemption acquise pour l'éternité.


samedi 19 avril 2025

Souvenir pascal (2)

 Le feu flamboyait devant le petit visage rond

"Joyeuse Lumière, splendeur éternelle du Père"

Dans la nuit obscure, la fin des doutes, des raisons

La main blottie dans celle, toute rêche, de la mère

Oh fêtes de l'enfance, essence de religion.


Se souvenir alors, bien plus tard, quand la vie te blesse

Du feu pascal, du vent de la nuit, des tendres caresses

Se réchauffer à la chaleur des châles que ta mère

Serrait contre toi, et guérir par toutes les prières

Entendues, récitées autrefois. Dieu est là! Au creux

De tout ton esprit, de tout ton corps et de tout ton cœur,

Dieu est là qui t’apaise, qui murmure, qui effleure

Toute ta misère, tes doutes, ta grande douleur.




 

"Je veux être avec toi.
Tu ne peux pas.
S'il te plaît.
Tu ne peux pas. Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
Si tu sais.
Il existe pour de vrai ? Le feu ?
Oui, pour de vrai.
Où est-il ? Je ne sais pas où il est.
Si, tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois."

(La Route de Cormac McCarthy)