Marine Le Pen arriverait en tête au premier tour de la présidentielle 2012, devant Sarkozy et Aubry.
Quel étrange sentiment. Six ans à écrire pour une nouvelle révolution française et si peu d’enthousiasme à l’aube de celle-ci. Que de blogs depuis 2005, que de lignes pour décrire une réalité à l’époque indicible devenue refrain populaire aujourd’hui. J’étais jeune, Sarkozy lâchait encore des paroles qui « choquaient », le Parti Socialiste existait encore, Zemmour ne parlait pas encore à des millions de personnes le samedi soir.
A longueur d’articles il s’agissait de faire comprendre que quelque chose n’allait vraiment plus du tout, dans la rue, que ce n’était plus possible. A différentes échelles moi et bien d’autres – François Desouche en tête – nous avons été les fantassins de la vague qui se prépare. Nous étions en première ligne de l’armée du net, celle qu’on ne voit pas mais qui donne le ton d’une société. Les évidences d’aujourd’hui sont les blasphèmes d’hier, nous avons subi les insultes pour des propos maintenant applaudis.
Mais en ce qui me concerne, il y a eu comme un décalage. Au fur et à mesure que mes « idées » énervées s’approchaient du grand public, je m’éloignais d’elles. Non pas que je sois heureux de ce que deviennent la France et toute l’Europe, évidemment, mais les lectures et l’âge aidant, la rage finit non pas par s’atténuer mais par se diviser, s’affiner, elle se métamorphose même en mépris, petit à petit, et on finit par rire de phrase que l’on a pu hurlées avec conviction quelques années plus tôt.
Je me souviens d’un pote maghrébin qui un jour m’a dit – au pied d’une tour près de mon lycée – « Hitler y’a pas moyen c’était un enfoiré, enfin… sauf pour ce qu’il a fait aux Juifs, ça j’lui dis merci ». Parole d’un jeune con, bien sûr, mais qui dès lors présageait d’une faille dans laquelle Marine Le Pen, ainsi qu’Alain Soral avec beaucoup moins d’intelligence, tentent de s’engouffrer aujourd’hui.
Jean-Marie lui était un tribun, ni plus, ni moins. Il n’a jamais été démagogue, contrairement à tout ce qu’on nous a toujours dit, il a simplement affirmé ce qu’il était, avec une certaine éloquence et goût prononcé pour la provocation et le jeu avec les médias. Un homme qui veut accéder aux plus hautes responsabilités ne sort pas des vannes bien grasses sur les chambres à gaz comme un vulgaire Galliano. Non, Le Pen père n’a jamais voulu le pouvoir, il suffit de voir sa gueule au soir du 21 avril 2002, c’est l’effroi qu’on pouvait lire sur son visage. Dans un monde où l’imagerie nazie est disqualifiante, s’en rapprocher c’est se disqualifier pour la course, sciemment. Jean-Marie Le Pen était tout sauf « dangereux », c’était un punk, peut-être même le dernier de notre époque.
En l’an 2011, nous passons aux choses sérieuses. Marine Le Pen a purgé le Front de ses vieux démons, les anciens collabos sont foutus à la porte, Gollnisch avec, c’est la nuit des longs couteaux à l’envers, mais il serait idiot de s’arrêter aux apparences. Si le FN se débarrasse du folklore hitlérien et des jeux de mots douteux, il n’en est rien sur le fond. Marine, contrairement à son père, n’est pas libérale. Elle est socialiste, et nationale. Quel est le programme économique de Marine ? C’est celui de Mélenchon, mot pour mot. Et donc de l’ancien régime allemand.
De même si elle condamne « l’islamisme », elle fait surtout un signe subliminal aux banlieues en fustigeant davantage le capitalisme mondialisé, les Etats-Unis et pas loin, l’axe Atlanto-sioniste et la finance internationale. Comme l’écrivait il y a peu Vae Victis – un collègue surdoué du blog ILYS – « On aura reproché au FN historique son nazisme, et c’est lorsqu’il s’en rapproche réellement qu’il est accepté ».
Alors, Marine Le Pen au pouvoir, et quoi ? Difficile de le dire avec précision. En 2002 on avait bien rigolé, et j’avoue que voir les pleureuses gauchistes une nouvelle fois amènerait quelques moments inoubliables, peut-être même une certaine jouissance. Mais ensuite, quoi, la guerre civile ? Je ne sais pas ce qu’elle voudra appliquer, ce qu’elle pourra appliquer, ou quel genre de personnes se sentiront enfin à leur aise avec le nom « Le Pen » à l’Élysée, mais je sais que j’avais écrit un texte d’anticipation il y a quelques temps, texte que je n’ai jamais fini, dans lequel je m’imaginais devoir planquer des gosses arabes dans ma cave pour leur sauver la vie. Quelle ironie.
Loin de moi l’idée de faire dans l’anathème et la moraline, je crois qu’après toutes ces années je suis insoupçonnable de reductio ad hitlerum. Mais même sans purification ethnique à la serbe, je reste plus que sceptique face au spectacle que nous offre la France depuis un siècle ou deux. Ce que je ressens n’est pas de la vigilance citoyenne, ce que j’exprime n’est pas une position, je ne milite pas mais je me questionne sur l’intérêt de renverser l’antiracisme pour le remplacer par le nationalisme. Puis l’inverse dans 25 ans, et ainsi de suite. Comme englué dans le socialisme sous toutes ses formes. Ce serait ça, « l’esprit français » ? Soljenytsine ne devait pas avoir tort lorsqu’il parlait de la « perversion intrinsèque à la devise républicaine ».
Peut-être qu’en définitive, je ne suis fondamentalement pas français, bien moins encore que ceux qui sifflent la Marseillaise ou brûlent le drapeau tricolore. Alors, en considérant avec une certaine lucidité le voyage dans le temps impossible, je ne peux pas nier la tentation d’exil. En attendant la Lune puis Mars, pourquoi pas l’ouest, c’est peut-être le destin de l’Européen que de sans cesse marcher vers l’ouest, vers l’or, vers la conquête perpétuelle, et in fine vers lui-même.
1/Les gras et le rouge sont de mon fait personnel
2/Lire cette synthèse d'Alain Laurent, chapitre 4 de "La société ouverte et ses nouveaux ennemis"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire