jeudi 10 mars 2011

Le moment de fondamentale incertitude

 Auparavant : Théophanie, "Job et l'excès du mal" de Philippe Nemo.

"Cependant, l'adhésion de Job à l'Intention de Dieu comporte un aspect paradoxal qu'il ne faut pas  passer sous silence, malgré le ton triomphant des derniers passages commentés.
Job a bien vu que, pour rejoindre l'intention intime de Dieu, il lui a fallu "s'avancer" et, comme il l'a dit dans une formule puissante, "prendre[sa] chair entre ses dents". "Emporter sa chair entre ses dents", comme le fauve emporte sa proie, est une locution proverbiale pour dire qu'on risque sa vie. Donc Job savait qu'il n'avait aucune garantie. Il a fait une sorte de pari. En s'avançant vers Dieu, il ne connaissait pas encore sa réponse. Néanmoins, il a fait le pas, se "découvrant" comme un duelliste en chemise sur la prairie s'exposant au feu de l'adversaire.Il s'est exposé à l'ambiguïté de Dieu, à son absence. Il a décidé d'être bon même si Lui était méchant. Il a décidé de choisir pour l'amour indépendamment, sinon de toute perspective, du moins de tout calcul, de salut. Et alors il y a eu salut!
On voit que, dans cette affaire, le moment de fondamentale incertitude est à jamais inesquivable. La nuit est l'unique chemin du jour. Et cette nuit se reforme à chaque instant, aucune de nos réponses antérieures ne vaut pour la question posée aujourd'hui par l'excès du mal. Rien ne peut remplacer l'engagement. Rien ne peut dispenser de passer par le découvert, par le nada. Avant saint Jean de la Croix, Job fait l'expérience de la nuit de l'esprit. Dieu n'est trouvé que dans le nada. Telle l'éblouissante certitude de Job.
C'est si l'on veut la foi. L'excès du mal a produit ce fruit spirituel."

"Job et l'excès du mal", par Philippe Nemo








Je m’engage, seule, dans un petit chemin,

Le vent souffle dans les arbres immenses.

Mille bruits, diffus, éclatants, me dérangent.

Je marche doucement vers un lieu incertain ;

Puis, de plus en plus vite, mon pied avance :

J’ai vu une lumière, me semble t-il, au loin .


Clarté rassurante, clairière paisible,

La fleur est odorante et le papillon voltige.

Je me suis endormie dans une chaleur rassurante

J’ai fermé les yeux sur une lueur aveuglante.

La forêt fraîche et sombre m’a happée de nouveau

Dans ma nuit, enfoncée, dans le gouffre, le saut.


Relevée lentement, la poussière retombe

Doucement.

Où suis je ?


L’arène est lumineuse, le sable brûlant sous mes pas ;

Dans la lumière incandescente, au milieu des vivats

J’ai mon glaive bien en main, rien ne m’atteindra.

La bête est énorme, luisante et noire, l’œil fou.

Je n’ai pas peur, non, je suis déjà morte, c’est tout.

L’ombre immense se lève, oh fraîcheur bienfaisante !

Le soleil tournoie, je suis piétinée, broyée, pantelante.


Je respire et je vis, paupières obstinément baissées ;

Voir sans regarder, savoir sans lire, pas de réalité.

Je me suis ensevelie dans le gouffre – tombeau

Je pensais vivre ainsi cachée au milieu du troupeau.

Mais le monstre m’a trouvée, mon propre cerveau

Il m’a tuée pour de bon , réveillée à nouveau.


Relevée lentement,

Je suis

En enfer

Maintenant


Ballet immémorial, défi transcendantal

Ne pas s’endormir, rester éveillé,

Chercher la vérité, trouver la réalité

Je suis A, petite fille de la forêt,

Je suis A, petite fille du soleil,

Je suis A, entre terre et ciel. 


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