par Bernard Lugan[1]
Vendredi 4 février 2011
Après la Tunisie, l’Egypte s’est donc embrasée[2]. Oubliant le « je ne blâme ni ne loue, je raconte », cette règle d’or de leur profession, les journalistes se sont une nouvelle fois faits les porte-voix des manifestants. Se pâmant littéralement devant leurs actions, ils n’eurent pas assez de superlatifs pour décrire le « Peuple » égyptien unanimement dressé contre le « dictateur » Moubarak.
Tout a basculé dans leur petit univers borné de certitudes et d’approximations quand des partisans de ce dernier sont à leur tour descendus dans la rue ; et en masse. Il y avait donc deux peuples !!! Cette constatation avait de quoi perturber des esprits formatés. Durant un temps l’explication leur fut facile : les contre-manifestants étaient des policiers et des nervis payés[3] ; puis, horreur, ils découvrirent qu’il s’agissait d’habitants venus des « quartiers les plus pauvres».
Ainsi donc, des miséreux osaient venir gâcher la grande célébration démocratique dont ils étaient devenus les porte-voix. Plus encore, ces gueux osaient, crime des crimes, s’en prendre aux journalistes, ignorant qu’en France, cette intouchable caste constitue un Etat dans l’Etat devant lequel rampent et se prosternent les plus puissants. Ils auront du moins retenu de leur séjour au Caire que sur les rives du Nil les références ne sont pas celles des bords de Seine et que les voyages sont plus formateurs que les écoles de journalisme.
Ces ignorants n’ont pas vu que la vie politique égyptienne est organisée autour de trois grandes forces. La première, celle qui manifeste en demandant le départ du président Moubarak et pour laquelle ils ont les yeux si doux, est, comme en Tunisie, composée de gens qui mangent à leur faim ; il s’agit en quelque sorte de « privilégiés » pouvant s’offrir le luxe de revendiquer la démocratie. La seconde est celle des Frères musulmans ; pourchassée depuis des décennies et aujourd’hui abritée derrière les idiots utiles, cette organisation tente de se réintroduire dans l’échiquier politique pour imposer sa loi. La troisième force dont aucun « envoyé spécial » n’a jamais entendu parler est celle qui vit dans les quartiers défavorisés, loin donc de l’hôtel Hilton, ce spartiate quartier général des journalistes « baroudeurs », ou dans les misérables villages de la vallée du Nil, loin des yeux des touristes. C’est celle des fellahs besogneux, de ce petit peuple nassérien au patriotisme à fleur de peau qui exècre à la fois la bourgeoisie cosmopolite lorgnant du côté de Washington et les barbus qui voudraient ramener l’Egypte au X° siècle. Ce sont ces hommes qui ont volé au secours du Rais Moubarak en qui ils voient, à tort ou à raison, là n’est pas la question, un successeur, même lointain, du colonel Nasser.
Dernière remarque : pendant que la classe politique française sommait le président Moubarak de quitter le pouvoir, le président russe Medvedev avait un long entretien téléphonique avec lui, l’assurant qu’il s’élevait contre les ingérences étrangères. D’un côté des chiens de Pavlov levant la patte face à l’air du temps et de l’autre, un homme d’Etat familier des subtilités de l’ « orient mystérieux » …
Bon matin. C'est ma première visite et certainement pas la dernière. Alors, si je comprends bien, il y a en Egypte trois grandes forces : celles de l'argent, de la religion et de la misère. Nous pouvons nous réjouir d'un courage d'une classe qui rêve d'avoir plus d'argent, mais devrions-nous craindre davantage ce que les deux autres vont ourdir si le fanatisme religieux et la colère des miséreux en viennent à s'enflammer? Qu'en pensez-vous?
RépondreSupprimerUn Bleuet du Québec...
Le rôle ridicule des journalistes occidentaux qui ne cessent de traiter Moubarak de dictateur ou tyran est scandaleux et irresponsable. Bien évidemment que l'islamisme contenu peu ou prou par Moubarak guette et attend son heure.
RépondreSupprimerCQFD, ou comment soutenir un régime privatif de liberté, en toute bonne conscience, sur un blog où on se prend pour une fervente supportrice de celle-ci.
RépondreSupprimerLe problème est que "le régime privatif de liberté" sera suivi d'un autre régime privatif de liberté certainement encore plus rude que le précédent.
RépondreSupprimerBonjour la Crevette,
RépondreSupprimerles journalistes récemment passaient plus de temps à raconter les petites misères dont ils sont victimes qu'à couvrir les événements...encore une illustration de leur bassesse
C'est vous qui le dites, pour l'instant ceux qui se libèrent ont le droit de le faire, non? Vous ne le feriez pas à leur place?
RépondreSupprimerTout dépend qui est derrière cette "libération" : les égyptiens embourgeoisés ne souffrent pas en Egypte de privations de liberté et les plus pauvres comme le souligne Lugan ne sont pas forcément opposés à Moubarak. "Ce sont ces hommes qui ont volé au secours du Rais Moubarak en qui ils voient, à tort ou à raison, là n’est pas la question, un successeur, même lointain, du colonel Nasser."
RépondreSupprimerEt les chrétiens d'Egypte sont relativement (je dis bien relativement mais c'est réel pour l'avoir constaté de visu) protégés par le régime Moubarak. M'est avis que ceux qui sont derrière ces libérations vont être nettement plus durs vis à vis d'eux. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour le comprendre.
Bonjour Cherea,
RépondreSupprimeroui hier j'ai ri devant Claire Chazal qui disait sa frayeur et son indignation : des journalistes de TF1 avaient été interrogés de longues heures durant, les yeux bandés! Brrr... C'est fou.
Quand on voit comment ces derniers se permettent de parler du gouvernement égyptien encore en place, on se demande pourquoi l'Egypte n'a pas encore officiellement déposé plainte contre la France pour appels à la haine et à la guerre civile! L'irresponsabilité des ces journalistes est invraisemblable.
Eh bien voilà, avec vos arguments on peut défendre tous les totalitarismes,mais sans doute cela ne vous gène-t-il pas. En ce qui me concerne, je remercie le ciel de ne pas vivre en France sous un régime qui aurait vos faveurs comme celui qui a vos faveurs en Egypte:des riches libres (?), des pauvres stupides, des partis muselés, une presse contrôlée (même votre Lugan ne pourrait pas écrire là-bas), des élections truquées, prévarication, corruption, népotisme, etc. Sidérant...Vous aimez ça?
RépondreSupprimer@Anonyme
RépondreSupprimerPersonne ici n'admire le régime de Moubarak, on ne fait que relever que ceux qui veulent son départ "au nom de la liberté" ne peuvent ignorer qu'il ne sera remplacé que par pire que lui. Vous êtes un pur crétin, vous n'avez pas le niveau pour commenter ici.
C'est vrai IS,je me sens si petit à coté de vous, un mage, vous connaissez déjà le futur de ces peuples, puisque vous y êtes vous pourriez nous donner le résultat des présidentielles en France en 2012.
RépondreSupprimerPS/
Merci pour le "crétin" ça aide à la compréhension de votre intervention
IS, oui tout à fait! Il n'y a chez Lugan aucune apologie de Moubarak mais une simple logique sur ce qui va suivre.
RépondreSupprimerJe n'avais guère envie de relancer la machine anonyme qui s'emballe très vite en jetant des anathèmes définitifs sur les monstres que nous sommes mais voici une point de vue assez nuancé : comme quoi les égyptiens risquent fort de tomber de Charybde en Scylla :
"Mais est-on condamné à soutenir des dictateurs pour barrer la route aux islamistes ? En réalité, il faut sortir des oppositions simplistes (dictateurs laïcs contre islamistes), car comme le rappelle le grand intellectuel égyptien Tarek Haggy, anti-islamiste et laïque, depuis des années la menace islamiste a trop servi de prétexte pour justifier les répressions. Et depuis les années 1970, ce sont les dictateurs « anti-islamistes » (Nasser et ses successeurs Anouar-al-Sadate et Moubarak en Egypte ; Hafez al-Assad et son fils Bachar en Syrie ou la junte militaire du FLN en Algérie) qui ont réislamisé radicalement leur pays, fait de la charia la source des lois, sponsorisé avec des pétrodollars saoudiens des écoles et centres distillant un islam rétrograde, puis anéanti la liberté religieuse et rendu impossible la vie des non-musulmans ou des laïques. Ils récoltent aujourd’hui ce qu’ils ont semé. Et les jeunes épris de liberté ne veulent plus continuer à exonérer des despotes corrompus qui n’ont aucune leçon de morale laïque à donner."
Alexandre Del Valle pour France Soir le 04 février 2011
Hum.... Ma chère, j'ai du mal à te suivre sur ce coup là. Je ne vois pas en quoi ce commentaire serait nuancé. Stupide, oui, comme souvent chez Del Valle, d'ailleurs.
RépondreSupprimerIl accrédite, l'air de rien, la thèse selon laquelle c'est la misère et l'oppression qui nourirrait "l'islamisme", la haine de de l'occident et l'antisémitisme.... Qu'in fine, il n'y aurait pas de problème avec l'Islam, mais dans l'attitude des juifs et des occidentaux à l'égard des musulmans et qui aueait pour conséquence de jeter ces braves mus dans les bras de "l'islamisme". Ma concierge doit doit pouvoir pondre aussi bien que Delvalle.
Delvalle est maladivement accroché à ce concept d'Islamisme, c'est irrationnel, chez lui.
PS: au cas ou le bourrin anonyme voulait me répondre, peux tu m'éviter sa prose? Si j'avais l'intention d'engager des conversations avec des sous-doués, j'irais sur les forums citoyens, pas chez toi^^
J'ajoute que je ne vois pas en quoi le fait qu'il y ait de la répression en Egypte permetttrait de conclure que c'est une dictature.
RépondreSupprimerLa dictature, ca consiste à opprimer les gens qui veulent vivre et s'exprimer librement, accéder au pouvoir pacifiquement, et ne pas le briguer dans l'espoir de massacrer ses adversaires.
Dans n'importe quel démocratie du monde, si une minorité menacait de pouvoir par la force, elle serait réprimer. C'est à la liberté accordée aux pacifiques et aux démocrates, qu'on peut déterminer si un pouvoir est lui-même démocrate.
Or, ceux qui disent "l'Egypte est une dictature" prtent du postulat faux selon lequel "s'il y a des gens réprimés, c'est que c'est une dicatature.
Si dans un pays, il y avait une minorité de femme aspirant à s'habiller comme elle veule, et que pour se faire, on réprimait une majorité, ce serait une démocratie. Si on accordait à cette majorité le droit d'opprimer cette minorité, ce serait une dictature.
Oui Del Valle est peut être bsédé par l'islamisme (traiter Sadate de pro islamiste est effectivement très lourd!) mais ce qui m'intéressait c'était son idée d'un Moubarak pas très clair... C'est tout. Il est vrai que ces dernières années les chrétiens d'Egypte étaient de plus en plus persécutés.
RépondreSupprimerJe ne dis pas que Delvalle est obsedé par l'islamisme,et qu'il en voit partout. Je dis qu'il s'accroche de façon irrationnel à ce concept vide de sens.
RépondreSupprimerMais c'est très contradictoire de reprocher à Moubarak d'avoir été le complice des "islamistes" en leur faisant la courte échelle et d'avoir réprimé des opposants laïcs qui se seraient ainsi jetés... Dans les bras des islamistes!
Les opposants à Moubarak seraient de gentils laïcs (pas d'amalgame avec les islamistes, donc!) que Moubarak aurait jeté dans les bras des islamistes? Abracadabrant!
Comment peut-on à la fois reprocher à Moubarak d'avoir laissé les islamistes progresser et en même temps d'avoir été trop repressif?
" Il est vrai que ces dernières années les chrétiens d'Egypte étaient de plus en plus persécutés."
RépondreSupprimerOui, mais pas par Moubarak!!!
A cause de Moubarak, parce que sa repression contre l'islamisme était de plus en plus molle!!!
"A cause de Moubarak, parce que sa répression contre l'islamisme était de plus en plus molle!!! "
RépondreSupprimertout à exact!
Tout à fait exact pardon...
RépondreSupprimer