En cette année 1948 qui semble encore idyllique, Niki apporte le bonheur dans le foyer d'un couple endeuillé par la perte de son enfant. Naturellement il ne peut s'empêcher que deux ans plus tard, l'ingénieur ne soit arrêté; il ne peut s'opposer à ce que sa femme, abandonnée à elle-même, ne vieillisse prématurément. Mais tandis que toute la nation [hongroise] s'est mise à fréquenter l'école de l'hypocrisie, le chien, lui, a le droit de rester sincère. C'est pourquoi les sentiments résolument non-humains de Niki deviennent tout ce qu'il y a de plus humains."(Postface)
"Madame Ancsa demeurait dans l'ignorance quant à la nature de la maladie de sa chienne, encore que nous craignons que là-dessus, même l'École Supérieure d'Art Vétérinaire n'aurait pu lui fournir des indications plus précises. La science ne sait pas grand-chose du corps de l'homme et encore moins de celui de l'animal. Et de l'âme, donc! Sans parler des relations entre le corps et l'âme, aussi peu connues, pour le moment, qu'une forêt vierge du Brésil. Mme Ancsa, par exemple, était convaincue que la décrépitude de sa chienne, qui allait s'accentuant, avait une cause psychique. A examiner le corps toujours plus maigre de la bête, son poil terne et pauvre qui collait par touffes entières à la main qui le caressait, les os saillants de son arrière-train, on était, bien entendu, fortement tenté d'imputer son mal à des vers, à la morve ou encore à une affection cardiaque; mais Mme Ancsa connaissait mieux le mal de sa chienne ou croyait le mieux connaître. "C'est la liberté qui lui manque", pensait-elle. La liberté, qui signifiait aussi le droit de vivre auprès de l'ingénieur, le maître qu'elle s'était donné de son propre gré. Mme Ancsa n'était pas sentimentale, elle ne surestimait pas la valeur de cet aspect de la liberté, encore qu'il jouât certainement un rôle très important dans la déchéance physique de la bête, mais elle était fermement convaincue qu'il était inutile de rechercher des agents pathogènes dans les vaisseaux sanguins, les os, les fibres ou les muscles de Niki."
Tibor Déry, Niki l'histoire d'un chien
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