« une fonction essentielle de la véritable beauté consiste en la communication à l’homme d’une « secousse » salutaire, qui le met hors de lui, l’arrache à la résignation, aux accommodements du quotidien, le fait souffrir aussi, comme un dard blesse, mais ainsi l’éveille en lui ouvrant de nouveau les yeux du cœur et de l’esprit, en lui donnant des ailes, en l’élevant vers le haut » (citation de Ratzinger, tiré d'un texte de Pigi Colognesi, sur le peintre Bill Congdon, chez le Stalker)
Je m’en vais vous raconter ma dernière rencontre
Dans les plaines de Galilée, je marchais d’un bon pas,
Avec mes neuf agnelets serrés tout contre moi,
La nuit tombait, il faisait froid dans la vallée profonde.
J’allais vers Bethléem voir le Nouveau-Né, l’Enfant Jésus,
Mon Roi. Mon ange m’avait alertée et je courais sur le chemin
Sans m’attarder, sans hésiter, pressant tous mes petits bambins;
Depuis toujours j’attendais, et le moment crucial était venu.
Au loin, au bord du chemin, j’aperçus un grand feu de bois
Qui éclairait alentours, projetant mille étincelles joyeuses
Une troupe nombreuse, bruyante, agitée, des éclats de voix
Inquiète, j’avançais doucement vers la source lumineuse.
Un silence se fit, lorsque j’arrivais. Puis l’un d’entre eux
Dit: « venez donc petite dame, auprès de notre feu ! »
La voix se voulait apaisante et calme, elle était tonitruante
Mais si chaleureuse, que je me suis approchée, avec les enfants.
Il y avait une troupe de sbires un peu crasseux qui conversaient.
Quelques mercenaires, de retour chez eux, après une guerre ou deux
S’efforçant comme ils pouvaient, à quelques civilités,
Risettes aux petits, inclinaison du chef pour certains d’entre eux.
Celui qui m’a accueillie sans façons, s’est présenté :
Je suis portraitiste, à mes heures perdues, sur les champs de bataille
Je mets souvent des visages, des mots, là où il n’y en a plus, sous la mitraille
Je peins, j’écris, je rectifie… On m’appelle XP.
Un deuxième s’est avancé, grommelant contre le feu qui s’éteignait
Pas besoin d’appeler les troupes pour le raviver ! Ce que l’on peut
Soi-même faire… On le fait ! Joignant le geste à la parole, dans le feu
Il a posé du bois, Nicolas, préparé une soupe, soufflé sur les braises…
Trois autres se tenaient un peu à l’écart de l’agitation, attentifs
Cependant aux bruits, aux voix, à l’obscurité profonde…
Bien vêtus, élégants et nuancés, Eugène, Il Sorpasso, et Vae Victis :
Ils observaient la scène, les gens qui passaient, évoquaient le monde.
Allongé de tout son long, les yeux mi-clos, perdu dans un rêve
Son chapeau rebattu sur sa tête, ses bottes poussiéreuses aux pieds,
Blueberry chantonnait, appréciant la paix surnaturelle, la trêve
Un calme apparent, une fausse nonchalance pour cet inquiet.
Trois mercenaires venaient visiblement de joindre la troupe :
Cherea, calme, sérieux, appliqué; Terby un brillant fou-follet
Au rire éclatant et terrible; son ironie dévoile juste en dessous
Un esprit vif, il secoue nos intellects un peu étourdis, fatigués.
Enfin, un grand et beau gaillard au regard ardent se tenait
Devant les enfants… Tout de suite, ils l’ont adopté, Lounès,
En quête du bonheur, par tous les chemins possibles, du vrai,
Ah ! Celui-là est sans compromis, agité, décidé, c’est un fait !
Trois savants, trois érudits dans un coin devisaient vivement :
Nebo, venu de l’Est, le génie des sons, du langage musical
Restif, qui déchiffre tout manuscrit en un rien de temps
Denis, le maître de la mesure, à l’intelligence fatale.
J’ai vu aussi traverser la plaine sous la voûte étoilée
Un jeune chevreuil, rapide, un peu farouche, intimidé…
Je crois qu’il reviendra parmi nous, je l’espère de tout cœur
Pas eu le temps de bien l’observer, il a fui sans bruit, sans heurt…
(En fait dans cette vaste plaine où courait un vent léger,
Mille bruits confus, mille murmures me parvenaient…
Je crois que beaucoup de monde s’appliquait autour
A allumer son feu ; mais je n’ai pu de tous faire le tour.)
Dans l’ombre, un peu éloigné des groupes, silencieux,
Seul, mais non solitaire, Kid A explique qu’il cherche sa route
Mais ne l’a pas encore trouvée, dans ses cartes, en ces lieux
Son sac est léger, et le joug de la beauté qu’il poursuit est si doux…
Je lui ai alors avoué que j’allais voir l’Enfant-Dieu incarné
Le Créateur et Maître de toute chose, de toute beauté
Lui, le plus beau des fils de l’homme un jour défiguré,
Mis à mort, crucifié par ses frères, pour nos péchés.
Toute la troupe a paru fort intriguée par ce Dieu fait homme
Dans une étable, toute proche d’eux, alors qu’ils l’ignoraient
J’ai montré l’étoile dans le ciel, et tous ces bons hommes
Ont plié le camp, éteint leur feu, sans sourciller, sans barguigner.
Petite mise en garde cependant, ai-je cru bon ajouter : on ne contemple
Impunément la Source de toute lumière sans être soi-même aveuglé.
La beauté blesse, brûle celui qui s’en approche, comme un dard acéré
Se plante dans le corps, le cœur et l’esprit des soldats les plus ardents.
L’Enfant au sourire si doux, embrasera toute votre âme en un rien de temps,
Vous serez piégés, sans vous rendre compte, vous serez morts, vous serez vivants
Cette Beauté là, c’est le Bien et le Vrai jaillis dans le même temps et réunifiés
Dans le Corps du Dieu Vivant, venu par amour, une nuit, un jour, nous sauver.
"la vaste plaine" hier soir.
"la vaste plaine" hier soir.
Merci pour la citation de Ratzinger et ce petit conte de Noël écrit avec toute l’affection que vous avez pour cette bande de reîtres et qui nous aide à mieux les connaître…
RépondreSupprimerAh oui ! Juste un truc : "Ilys à la Crèche"… Heureusement que la "saison" laissait planer un doute… Parce qu’à la seule lecture rapide de ce titre, j’imaginais "Ilys à la crèche" ; …à la nursery quoi ! Ilys à la garderie chez la Crevette ^^
Saint et Joyeux Noël La Crevette ! Bergère de tous ses petits…
Oui, une grande affection et de la reconnaissance pour ce qu'ils font.ça peut paraître léger, c'est léger, et sans aucun doute inutile mais c'est ce concept même d'inutilité et de légèreté qui les rend si attachants, si essentiels à mes yeux, et excellents, souvent.
RépondreSupprimerIl y a un passage de Roth, dans cet excellent roman "J'ai épousé un communiste" qui rejoint cette notion "d'inutilité" :
"Le militant introduit une foi, une vaste conviction qui changera le monde, et l'artiste introduit un produit qui n'a pas de place en ce monde. Qui ne sert à rien. L'artiste, l'écrivain sérieux, introduit dans le monde quelque chose qui ne s'y trouvait pas au départ. Quand Dieu a fait en sept jours les oiseaux, les fleuves, les êtres humains, il n'a pas eu dix minutes à consacrer à la littérature. Il n'a jamais dit : "Et puis il y aura la littérature. Certains l'aimeront, certains en seront obsédés, ils voudront la faire..." Non, non. Si on lui avait demandé à ce moment-là : "Il y aura des plombiers?" il aurait dit "Oui, il y en aura. Puisqu'ils auront des maisons, il leur faudra des plombiers. -Et des médecins?- Oui, parce qu'ils tomberont malades, il leur faudra des médecins pour leur prescrire des pilules. - Et de la littérature? - De la littérature? Qu'est-ce que vous racontez? A quoi ça sert? Où on la case? S'il vous plaît! Moi, je suis en train de créer un univers, pas une université. Pas de littérature!"
Ilys est un univers, pas une université, c'est la vie.
A vous aussi, Plouc, saint et joyeux Noël, avec tout votre clan.
Joyeux Noël à toute la maisonnée !
RépondreSupprimerMerci Carine, à vous aussi, joyeux Noël!
RépondreSupprimerC'est la larme à l'oeil que j'ai découvert cette odyssée, hier soir, accompagné de mon chat, une boîte de cassoulet (5 Euros l'unité: c'est pas Noël tous les jours) à la main, une cuillère dans l'autre, seul, comme toujours, et abandonné de tous. Merci.
RépondreSupprimerJ'avais lu la très réussie première version; cete version est encore mieux (surtout le dixième paragraphe).
Joyeux Noël et bonne année.
Oh Pauvre Terby! Il faut impérativement que je vous adopte! Au moins pour les réveillons!
RépondreSupprimerC'estun très beau conte de noêl, très agréable à la lecture...et puis vous avez cette sympathie naturelle envers les membres d'ILYS. Chérissez tous les vôtres..."Cherea, calme, sérieux, appliqué", si seulement...
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