jeudi 18 novembre 2010

De la nécessité du désir au fondement de la nature humaine.

 "Le premier droit de l'homme, c'est le droit d'être lui-même. Et le premier devoir de l'homme est son devoir envers lui-même. Et le principe moral le plus sacré est de ne jamais transposer dans d'autres êtres le but même de sa vie. L'obligation morale la plus importante pour l'homme est d'accomplir ce qu'il désire faire, à condition que ce désir ne dépende pas, avant tout, des autres." (Ayn Rand, La Source vive) Ici.http://oralaboraetlege.blogspot.com/2010/01/ayn-rand.html


Commentaires d'XP repris sur le fil  : Ramasse-tout ou Ma repentance sur le Front d’après (par Nicolas)


@UnOurs
Il y a quelque chose d’importantissime, dans la citation de Valéry:
« Partout où l’Esprit européen domine, on voit apparaître le maximum de besoins ».
Fondamental, parce que cette propension à créer du besoin, c’est le reproche cardinal que font au libéralisme TOUS les antilibéraux, quel que soit le côté où ils penchent, qu’ils soient communistes athées, catholiques sauce Gaillot ou Chardonnet, orientalistes… Le règne de la quantité, la société du spectacle, la société de consommation matérialiste, toutes ces conneries, quoi…
Paul Valéry, et ce d’autant plus qu’il place les « besoins » au début de son énumération, confirme ce que je me tue à dire sur Ilys depuis dix ans : le refus du libéralisme, du capitalisme et du mode de vie qu’il a généré n’a qu’un très lointain rapport avec l’économie. Il est de nature spirituel et métaphysique, et il exprime essentiellement un refus du modèle occidental, voire même de l’ADN occidental, et in fine, de la chrétienté.
Parce que le « toujours plus de besoin », toujours plus de consommation », quelque soient les pièges et les dérives qu’il provoque, est indissociable du « toujours plus » lié à à la civilisation occidentale, et les contempteurs du capitalisme le pressentent complètement : la critique de la consommation et de ses vices, du « toujours plus de besoin » est immanquablement suivi par une critique du « toujours plus occidental », et d’un projet de société et de civilisation dans lequel on renoncerait aussi au  » maximum de rendement, d’ambition, de modifications de la nature extérieure, de relations et d’échanges ».
Le toujours plus de besoin, la consommation, y compris des objets les plus futiles et les plus laids, c’est aussi ça le monde des européens. Et comme les autres cet aspect doit être préservé. D’où le génial « notre mode de vie n’est pas négociable » du grand George Bush.

« mais ce n’est pas lui qui doit décider des grandes lignes et occuper l’intégralité de l’espace symbolique »
Certes…. Mais ce qu’il a aussi de fondamentalement occidental et lié à la nature chrétienne de l’Occident, c’est que personne ne décide des grandes lignes, qu’on ne décide pas à l’avance de quoi sera rempli l’espace symbolique… Alors on cherche, on se cogne la tête contre les murs, on va dans un sens, on fait demi-tour, on jette beaucoup, et au final, on trouve…. Et l’espace symbolique s’est dessiné tout seul.
C’est aussi en ce sens que le refus du modèle occidental est métaphysique et spirituel : ce refus de l’incertitude, cette volonté de repères, d’un espace symbolique immuable, c’est au final un refus de son occidentalité… L’Occident produit des choses futiles, puériles, qui vont cependant finir par faire sens, et alimenter son grenier à trésors… Les voies du Seigneur son impénétrables, l’Esprit souffle où il veut, etc… Alors oui, elle doit continuer à produire des babioles, et rester dans l’incertitude quant à ce qui restera de ces babioles… Et ceux qui critiquent les babioles et la quantité ont un compte à régler en vérité avec cette incertitude, cette absence de repères qui est une des composantes essentielle du génie occidental.
C’est très concret, ce que je dis : regardez les pays socialistes. Ils ont voulu quelque part supprimer la futilité capitaliste, tout ce qui ne fait pas sens…. Plus de babioles, de bling-bling, de bagnoles tape-à l’oeil, de futilité, de beaux quartiers, mais une vie ascétique, de la Culture, basée sur l’essentiel, des livres, et que des classiques encore…. Résultat des courses? Rien. Du vide, de la grisaille et un fantastique désert culturel. A l’ouest, du bling-bling, de la consommation, de l’entertainment. Résultat? Dior, Ferrari, des westerns devenus cultes, des romans de gare passés au stade de chef-d'oeuvre… Pourquoi? Parce qu’à l’est, ils ont assigné une place au Sens, ils ont voulu en finir avec cette anarchie, ce laissé-faire, cette incertitude et ce bouillonnement qui EST l’Occident.

@J.ax
« « I will send a famine upon the world » – même s’il s’agit en occurrence de « faim de Dieu », elle en dit long sur la place essentielle du désir dans la nature humaine. »
J’enfonce le clou : toutes critiques de la société de consommation et du libéralisme finissent par ce reproche ultime : ils suscitent le désir, nous rendent dépendants du désir.
Tous les contempteurs de la publicité finissent par cette conclusion: « la pub nous fait désirer des choses dont nous n’avons pas besoin ».
Il s’agit en réalité d’une volonté de bâtir une société sans désirs, et dans lesquels les besoins des uns et des autres seraient rationnellement déterminés, et fixés à l’avance. C’est en réalité un rêve prométhéen, une volonté de contrôler et de déterminer ce dont les hommes peuvent avoir besoin ou envie, et c’est donc, encore une fois, les fondements ontologiques de la civilisation occidentale qui sont attaqués.
Maintenant, la pub, on est a peu près libre de ne pas être influencé par elle, de balancer sa télé. Mais c’est un choix, c’est une question de volonté et de libre arbitre; et c’est ça qui dérange les ennemis de la pub et de la société de consommation: ils ne leur reprochent pas de nous forcer à consommer des choses inutiles (puisque personne n’est forcé), mais qu’on ne soit pas forcé de ne pas les consommer, et que la collectivité n’impose pas aux individus ce qui est utile et qui ne l’est pas.
C’est peut-être inutile d’avoir deux écrans plats, mais le contempteur de la société de consommation est libre d’en acheter qu’un, ou pas du tout. Alors que reproche-t-il à la pub? Deux choses: la liberté qui lui est laissée d’écouter le publicitaire ou pas, et ma liberté d’acheter deux écrans plats et de déterminer ce qui est inutile ou qui ne l’est pas, de ne lui laisser aucun contrôle sur mon existence.
Alors bien-sûr, je connais l’argument massue des anti-pubs: les enfants, et la dictature des marques. En effet, ils sont manipulés comme nous, mais sans les moyens d’exercer leur libre arbitre. Seulement, dans une société libre et dans laquelle il y a de la pub, les enfants ne sont pas plus imprégnés par la pub que par un discours anti-pub qui est constamment matraqué. Un ado est conditionné en partie par la propagande de Nike ou d’Adidas, mais plus encore par la propagande selon laquelle la pub, c’est de la merde.

A propos de la pub et de l’art de susciter des désirs inutiles : les désirs inutiles, ils relèvent de la futilité. Et la futilité, c’est une chose indispensable à la liberté. Le droit à la futilité, c’est celui de décrocher des choses sérieuses, des discours sérieux, et de l’emprise de ceux qui vous les imposent. Autrement dit, ceux qui vous « vident le cerveau (les vendeurs de Coca-cola) vous protègent de ceux qui veulent vous le bourrer.
Encore une fois, c’est tout ce qu’il y a de plus concret, tout ça; pas de coca-cola dans une société régie par Karl Marx. C’est tout à fait impossible. URSS aurait autorisé la pub, elle n’aurait pas tenu 5 ans. C’est ou l’un ou l’autre. Celui qui vous vide la tête ou celui qui vous la bourre.
Imaginez-une seconde que TF1 soit nationalisée : beaucoup moins de cerveau disponible pour Coca-Cola…. Et beaucoup plus de temps de parole pour Albert Jacquard et Dominique Wolton…. Quelle est la seule chose qui limite leurs temps de parole, à ces gens-là? Réponse, l’audimat. Ils sont dans les écoles pour bourrer le mou des enfants, mais grâce au Marché, les gosses ne tombent pas sur eux quand ils se branchent sur les chaines commerciales.

« Les désirs futiles suscitent de l’activité, l’activité suscite de la richesse, pas de fusées sans production de richesse. »
Tout à fait.
J’ajoute que vouloir supprimer le désir de futilité, voire même le désir de choses laides ou stupides selon le sens commun (un tamagotchi, un jean déchiré aux genoux, du tuning, du pop-corn) c’est vouloir supprimer le désir tout court. Les plaisirs unanimement considérés comme tels (un dimanche à la campagne, des vacances, une voiture confortable, une nourriture agréable) ne sont pas des désirs mais des besoins. Non pas des besoins liés à la survie, mais à une vie correcte. Ça ne relève pas du désir.
Par définition, il y a désir véritable quand il est possible de ne pas désirer. Voire même quand il est à priori incongru de désirer.
Par ailleurs, tout ce qui relève des loisirs « non futiles », échappant à la sphère marchande, doivent aussi relever du désir, car ils perdent absolument toutes leurs saveurs et leur intérêt si les exercer relève d’un choix de société.
Voyez vous, si vous lisez des livres, même de bons livres, parce que ça relève d’un choix de société qui vous est imposé, et bien alors il n’y a rien de pire que la lecture. Vos lectures ne seront édifiantes que si vous avez eu le choix entre lire et aller au bowling.
A Cuba, ce connard de Castro force les ouvriers à entendre des classiques de la littérature diffusés par haut-parleurs pendant leurs heures de travail….

 La crevette, commentaire :
Restif : « Quant au « futile », il est inhérent à l’humain. Les lois « somptuaires » prises par Auguste puis ses successeurs pour empêcher les riches romains (et sénateurs gaulois) d’étaler des manteaux de pourpre dont la fabrication d’un seul manteau valait presque une province et de se faire construire villa sur villa toutes plus démentes les unes que les autres n’ont jamais empêchés les dits riches de continuer. »
Tout à fait! Non seulement les dits riches ont continué, mais ceci pour le plus grand bien des « pauvres ».
Cet été, Denis a fait passer en catimini malgré son emploi du temps titanesque un texte à ce propos (mais je ne sais plus pourquoi il l’avait donné, c’était à propos d’un commentaire ou texte d’XP, l’intéressé se souviendra peut-être) de Donald J. Kochan, Los Angeles Time, 26 juillet 2010 sur Benjamin Franklin qui reprend presque mot pour mot ce que vous venez de dire ici :
« L’homme de luxe peut être destructeur pour lui-même, mais en procédant ainsi il construit les vies d’autres personnes qui sont employées dans l’entreprise de création de ces choses « inutiles » : « un homme idiot et vain construit une maison fastueuse, la meuble luxueusement, y demeure à grands frais, et se ruine en quelques années. Mais les maçons, les charpentiers, et d’autres artisans honnêtes qu’il a fait travailler, auront pu par cet emploi entretenir et élever leurs familles. Le fermier aura été récompensé des soins qu’il a pris, et la propriété sera passée dans de meilleures mains. » Bien entendu, cet effet collatéral se produit à des degrés divers chaque fois que quelqu’un dépense (qu’il soit pauvre ou riche) et quelle que soit la manière (avec sagesse ou non) dont il dépense. »
(L’article en entier ici : http://nicomaque.blogspot.com/2010/08/benjamin-franklin-sur-la-richesse.html )

2 commentaires:

  1. Elles sont pas mal, ces citations. Mais qui est cette Madame Ayn Rand dont vous accolez les citations à côté de celles d'XP?

    RépondreSupprimer