dimanche 18 juillet 2010

De l'équilibre chrétien (2)

"Si notre vie devient un jour aussi belle qu'un conte de fée, il faudra nous rappeler que toute la beauté d'un conte de fée tient à ceci : l'émerveillement du prince s'arrête au seuil de la peur. S'il redoute le géant, c'en est fini de lui; mais s'il n'est pas impressionné par le géant, c'est la fin du conte de fée. Tout dépend de la capacité du prince d'être à la fois assez humble pour s'émerveiller et assez orgueilleux pour lancer un défi. Ainsi notre attitude face au géant de ce monde ne doit pas être une sensibilité croissante ou un mépris croissant, mais une proportion particulière des deux, la juste mesure. Il faut que nous ayons en nous assez de respect pour tout ce qui nous est extérieur afin de fouler l'herbe dans la crainte. Et il faut que nous ayons aussi assez de mépris pour tout ce qui nous est extérieur afin de cracher, si nécessaire, sur les étoiles. Pourtant (si nous voulons être bons ou heureux) ces deux qualités doivent être réunies, non en une combinaison quelconque, mais en une combinaison singulière. Le bonheur parfait des hommes sur la terre (s'il a jamais lieu) ne sera pas quelque chose de plat et de solide, comme la satisfaction animale. Ce sera un équilibre exact et périlleux, comme celui d'un roman d'amour désespéré. Il faut que l'homme ait en lui juste assez de foi pour avoir des aventures et qu'il doute juste assez de lui pour jouir de ces aventures.
   

Et pourtant : "ça rate et ça n'arrête pas de rater" dit le Sorpasso  et c'est normal : "Cette révolution éternelle, continue Chesterton un peu plus loin, cette suspicion maintenue à travers les siècles, vous l'appelez (en vague moderne) la doctrine du progrès. Si vous étiez philosophe, vous l'appelleriez, comme je le fais, la doctrine du péché originel. Vous pouvez l'appeler progrès cosmique autant que vous voudrez : je l'appelle par ce qu'elle est  : la Chute."
(Chesterton Orthodoxie et Il Sorpasso dans "Je me souviens, le soir")

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