jeudi 24 juin 2010

Nativité de Saint Jean-Baptiste : méditation sur la différence entre le bruit et la fureur.



"Il a fait de ma bouche une épée tranchante"

"Je suis la voix qui crie dans le désert !
Rendez droit le chemin du Seigneur,"

"Ne crois pas, ô terre, que j'adresse à toi ma plainte. Tu n'es que le   théâtre, tu n'es pas le but de mes cris et je ne te permets pas de les garder un seul instant dans tes entrailles. Il vont à Dieu, à Dieu seul.  Ne les retardes pas, ils sont pressés. Ils parlent de toi, ils ne vont pas à toi. Mes cris sont mes trésors. Ils sont ma richesse immortelle."(Hernest Hello)

"J'ai bien entendu les cris... je suis un homme d'oreille..."
(...)
Les conséquences de cette lucidité d'audition? D'abord la découverte que l'anthropomorphisme est une sinistre blague; que sous toutes les bombes du monde c'est la nature primitive, préhistorique, de l'homme qui se révèle, et que les prétendues affaires de la communauté humaine ne sont que des péripéties de cavernes : "Ils nous entendent et comprennent rien... la terre veut pas d'hommes, veut que des hominiens... l'homme est un dégénéré un monstre parmi, qui heureusement se reproduit de plus en plus rarement..." (Rigodon)
(...)
Vaincu, vainqueur, l'homme veut du sang, peu importe l'issue des conflits, ce n'est plus d'Histoire qu'il s'agit, on l'a déjà dit, mais de la perpétuation à l'infini de l'orchestre, de la meule.
(...)
On n'en finirait pas de recenser les passages où Céline manifeste son horreur de l'"échange" verbal, des "confidences" ou du "dialogue". Parler, c'est toujours plus ou moins baver. C'est parler d'amour : "Formule niaise pour gonzesse." "L'Homme intérieur n'a pas de langage, il est muet." "Vous parlez tous beaucoup trop.Ce qu'on dit n'existe pas." Se confier inconsidérément relève de la possession : "Le diable est pas né tout seul, il est né d'une indiscrétion!... Tous les malheurs viennent d'un mot de trop!...("Féerie pour une autre fois" I).
(...)
Ne rien dire, aux yeux de Céline, consiste à éviter de s'intégrer à une réalité qui ment dès qu'elle parle, et qui parle parce que, pour durer, il lui faut mentir. Ne rien dire, c'est se tenir en face de cette réalité pour être en mesure de la décrire. Ne rien dire, c'est écrire. Ecrire, c'est échapper aux autres. Dans cette ouverture du compas de la parole écrite s'inaugure la résistance en mots, en millions et millions de mots, à la matrice qui nous veut millions et millions de surdités parlantes docilement empêchées de se rythmer elles-mêmes.
(...)
S'il (Céline) s'est montré si sévère avec ses contemporains, si méprisant avec les autres écrivains, c'est qu'il les voyait sans cesse dans leurs bavardages essayer de détourner la conversation.... Plus il y aura de préhistoire, plus il y aura d'histoires de plus en plus insignifiantes et dérisoires pour brouiller le bruit de meule de l'horreur. A la porte de ses apocalypses, l'espèce essaie de changer de sujet, cause de la pluie et du beau temps, se fait du souci pour l'avenir. Très figurative et réaliste en ce qui concerne ses affaires de clans, ses enterrements, ses familles, ses souvenirs de vacances, ses chasses aux papillons, ses intérêts, elle nage complètement dans l'abstrait dès qu'on lui parle de la meute, dès qu'on lui raconte la ruche en guerre. Ce n'est pourtant que son écho qui lui est renvoyé là, mais du fond d'un tel silence qu'elle ne le reconnaît pas. Plus il y aura du multiple au réel, plus il aura de l'Un imaginaire. Il n'est pas impossible que l'unique tâche des écrivains soit de tourner autour de cette question. C'est ce que Céline avait compris." ("Céline", de Muray)


"Il existe, figurez-vous, une branche des connaissances humaines qu'on désigne sous le nom de logique symbolique, et qu'on peut employer pour clarifier tout le fatras qui entoure d'ordinaire le langage.
- Et alors? dit Fulham.
- Je l'ai utilisée. Je l'ai notamment appliquée à l'étude du document qui nous intéresse.
(...)
- Et qu'a révélé l'analyse? interrogea Lundin Crast.
- Voilà justement ce qui est intéressant, messieurs. Cette analyse s'est révélée à tous égards la plus difficile des trois. Quand Holk, après deux jours de travail acharné, a réussi à éliminer les déclarations qui ne voulaient rien dire, les paroles vagues et les détails sans intérêt - en bref tout le bla-bla-bla - il s'est aperçu qu'il ne restait rien. Absolument rien." (Fondation, Asimov)

"Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent à leur quête, leur but est d'arracher des événements passés et des vies éteintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques réponses et qu'elles nous délivrent de l'endroit où nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades désemparées et éparses."(Stefansson, "Entre terre et ciel") 




2 commentaires:

  1. Un peu en retard, je souhaite bonne fête à Jean-Baptiste. Et c'est aussi la fête des Québécois. Beaucoup de souvenirs heureux...

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