mardi 8 juin 2010

Mauvaise conduite, première partie

Ce texte et sa suite sont directement inspirés de ce texte-ci de Kid A et de cet autre.

"Nous pensons, en d'autres termes, qu'il y a une unité de l'esprit humain; que le langage de la musique n'est pas irrémédiablement coupé du logos, qu'elle est elle-même un logos." (Philippe Nemo, "Le chemin de musique")

Ce matin, conduite en bétaillère, comme tous les jours. J'ai eu le temps pour une fois de prendre mon café, le soleil brille, les jumeaux sont prêts, ils comptent leurs billes sur le pas de la porte. Pierre joue avec son ballon de basket tout neuf dehors.Rémi, mon doux Rémi, panique : il n'a plus de colle! Marie-Liesse intervient et dégotte un vieux tube qui fera l'affaire.En voituuure! ai-je déjà crié deux-trois fois. Je lance le moteur et j'entends un bruit de cavalcade dans les graviers, une pause dans les fraises et rebelote, la horde prend d'assaut le véhicule...

Tout le monde est installé et bien ficelé, j'essaie de veiller  à quelques règles élémentaires. Les billes sont rangées, sinon elles roulent sous les pédales, c'est arrivé. Pierre sort son bouquin, je lui enjoins de réviser plutôt son contrôle d'histoire.
Nous prions en voiture, toujours, aujourd'hui à une intention un peu particulière : le suicide d'un père de famille, cinq enfants. Difficile la prière. Difficile... Évoquer le manque de responsabilité de ce père indigne? Qui abandonne ses enfants, une femme? Lui trouver des excuses? Il y en a toujours bien sûr, "il est plus difficile de vivre que de mourir". Je décide de ne plus penser à cela, il y a des vertiges, au bord de certains gouffres, qui me prennent trop vite, trop bien.

Après la récitation des tables de multiplications, après quelques questions pratiques à résoudre, je mets un peu de musique. Alphaville, "A victory of love", nous arrivons en forêt... Au premier crescendo, je double parfaitement une petite voiture, la musique s'accélère, et la bétaillère aussi, merveilleuse coordination, pas de danse réussi qui me met en joie. J'ai des bonheurs simples, comme on dit : un geste parfait fait partie de ces bonheurs.Elles sont rares ces perfections éphémères, elles ont le goût de l'horizon pour une fois atteint...
La musique en voiture me permet souvent de passer divers paliers, d'un coup, comme lorsque vous êtes en planeur, vous suivez un nouveau courant d'air, qui vous fait monter ou changer de direction.La conjonction voiture-musique suscite la réunification exceptionnelle corps(physique)-esprit(sens)-cœur(émotion) qui vous fait prendre conscience de façon unique et plénière que vous êtes vivant.Et humain.














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