A propos de l'art devenu une esthétique pour elle-même, avec un sens qui "s'enroule" autour de l'œuvre au lieu de s'ouvrir sur le monde et le ciel. D'où la mort de l'art à plus ou moins long terme car il ne se nourrit plus de la réalité mais de lui-même, comme le serpent dans je ne sais plus quel Tintin (au Congo je crois bien!^^) qui se nourrit de sa queue!
Le texte de Ratzinger explique bien ce problème du sens, qui est premier (le Sens qui est le Verbe fait chair), normalement, et qui devient, dans l'art moderne, second ou secondaire. Dieu n'est plus l'alpha et l'oméga de l'Homme, Celui qui donne le Sens de l'Homme, c'est l'Homme qui donne, après avoir fait son œuvre, un sens.
Quelques extraits de: Comprendre l'esthétique sous la direction d'André Akoun et Jean-Louis Ferrier. Le titre d'où sont tirées les citations est : Le renouvellement des langages - Un art qui refuse l'Art.
"Qu’est-ce que l’art ? de même qu’en littérature contemporaine il est peu d’œuvres importantes qui ne soient travaillées par l’inquiétude à l’égard des mots, qui ne soient habitées par sa propre critique et ne se questionnent : Qu’est-ce qu’écrire ?
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Nous avons déjà évoqué l’humanisme qui, se substituant au théocentrisme du Moyen Age, fait de l’homme le souverain et le centre, l’homme sujet de raison qui transforme le chaos en ordre, dans la nature et dans l’art.
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l’œuvre comme objet « en soi »
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La linguistique a révélé que le langage n’est pas un instrument neutre ayant la seule fonction de traduire un monde existant en soi mais qu’il impose un ordre propre au monde qu’il a charge de signifier.
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Bref, les anciens peintres commençaient par le sens et lui trouvaient des signes. Mais les nouveaux commencent par des signes, auxquels il ne reste plus qu’à trouver un sens. Donc l’œuvre n’est plus conçue comme la traduction ou l’interprétation d’un monde d’objets ou d’essences préexistant soit dans le monde extérieur, soit dans la subjectivité ou l’intellect de l’auteur. Elle a sa consistance propre, elle est.
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une nouvelle approche de l’art par l’artiste, approche qui vise à annuler l’ancienne structure à quatre termes (le « modèle » [le référent] ; l’œuvrant [l’artiste] ; l’œuvre ; le spectateur) au profit d’un syncrétisme où s’abolit toute distance entre créateur et création.
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l’auteur se conçoit lui-même comme un processus machinique de même nature que les machines elles-mêmes et conçoit son œuvre comme le produit d’un couplage de machines. L’important est là, dans cette mise en question d’un certain statut de la création, du créateur, de l’objet créé.
Et cette mise en question achève la désacralisation de l’art. Car il en va de la mort de l’art comme de la mort de Dieu. Nietzsche montre que la mort de Dieu n’est pas la fin de la religiosité car l’Homme occupe, pour un temps, le centre laissé vide par la divinité. Mais, dans ce passage de Dieu à l’Homme, le nihilisme déjà triomphe, un nihilisme qui s’occulte lui-même et qui ne voit pas que la mort de Dieu est nécessairement la mort de l’Homme. De la même façon, lorsque l’art cesse d’être pris dans le sacré pour ne plus signifier que lui-même, à l’intérieur de l’humanisme, il est déjà mort mais se maintient comme substitut de religiosité, instituant la coupure, propre à tout sacré, entre le monde profane et le monde idéal et entre ceux qui sont les serviteurs (et les maîtres) du sacré et ceux qui en sont exclus. Avec la dissolution de la notion d’auteur, avec la contestation de la différence entre ce qui serait de l’art et ce qui n’en serait pas, l’esthétique s’abolit comme religiosité et l’art comme royaume séparé.
(...)
Défini par sa force de négation sans limites, cet art-aventure se pensera désormais comme une action de refus du monde des hommes tel qu’il est, comme un acte d’insubordination, comme une revendication éthique et politique pour un droit à toutes les jouissances et à toutes les offenses, un droit de l’imaginaire, du surréel sur le réel et de Eros sur la Loi.
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La volonté de l’artiste n’est plus de faire œuvre d’art mais de faire que la vie soit art."
Je dirai que l'art comme le reste est pris dans le nihilisme (et les avanies que doit subir le frère du pape en ce moment le démontrent assez cruellement) cependant l'art est, parfois, le dernier recoin qui porte l'empreinte du sacré
RépondreSupprimerJe retiens ce texte pour mon cours sur l'art !
RépondreSupprimerLes textes, Dam, les textes, celui du Pape est vraiment éclairant.(peut-on citer Ratzinger dans un cours sur l'art?!Hum... débrouille-toi...
RépondreSupprimerMemento, oui, tout à fait, même cette esthétique sans Dieu révèle "en creux" (dixit un ami)le Sacré.
Qué pasa avec le frère du Pape? me manque une info.
Il semble que l'Eglise allemande ait été littéralement minée par la pédophilie, le frère du pape dirigeait une sorte d'école religieuse de musique,il dit ne pas être au courant de ce qui s'y trâmait lorsqu'il la dirigeait, je veux bien le croire mais l'édifice tremble
RépondreSupprimerBon, je ne vois pas bien le rapport de cette histoire avec ce texte sur la désacralisation de l'art mais je veux y revenir malgré tout.
RépondreSupprimerIci quelques articles à propos de ces abus sexuels en Allemagne :
http://www.zenit.org/article-23774?l=french
http://www.zenit.org/article-23777?l=french
http://www.zenit.org/article-23776?l=french
L'édifice tremble, dites-vous Memento, certes, certes, et peut-être même, aux yeux du monde, cet édifice s'effondrera t-il? Je n'en sais rien, je ne suis pas devin mais je ne sais qu'une seule chose, cette Eglise est fondée sur le Christ qui est Dieu, elle n'a pas qu'une réalité terrestre, elle a une essence surnaturelle, il ne faut pas l'oublier.
Ratzinger dans "Le sel de la terre" (ce n'est pas de la provocation, Memento, je trouve mes sources où je peux! Il s'agit d'un livre d'entretiens écrit en 1997) :
"Durant les grandes dictatures de notre siècle, la foi chrétienne a été déclarée morte; seuls les incorrigibles et les inamendables restaient avec elle, disait-on. Après la chute de ces potentats, nous voyons que les croyants mis au ban de la société ont été les véritables témoins de l'humanité, et qu'ils ont libéré la voie de la reconstruction. La foi chrétienne a beaucoup plus d'avenir que ces idéologies qui l'invitent à se supprimer elle-même."
Suit ensuite toutes sortes de perspectives sur ce renouvellement de l'Eglise et du christianisme, renouvellement qui ne peut provenir que des individus, ce qui, moi, m'intéresse.
Par ailleurs, le texte sur Saint Bonaventure que j'ai indiqué je ne sais plus où, évoque aussi ce thème du renouveau de l'Eglise.