Dans : "Dieu se cache sous les traits d'un enfant", "Homélies de Noël", éditions : Paroles et Silence. Benoît XVI, Cardinal Ratzinger
A propos de l'Évangile de Noël (Saint Luc et saint Matthieu) : Les "gras" sont de moi, pas les italiques :
"Cet Evangile fait depuis toujours partie de la liturgie de Noël, parce qu'il comporte la phrase qui indique la raison de notre joie, le véritable sens de la fête : "Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous." A Noël, nous ne fêtons pas l'anniversaire de quelque grand homme, comme il en existe beaucoup.Nous ne fêtons pas seulement le mystère de l'enfance. Certes, la fraîcheur, la pureté, la naïveté de l'enfant nous font espérer. Cela nous donne le courage de compter sur les nouvelles potentialités de l'homme; mais si nous nous cramponnons trop au nouveau départ de l'enfant dans la vie, cela pourrait bien ne laisser qu'un goût de tristesse, car cette candeur se perdra, elle aussi. L'enfant entrera à son tour dans la lutte, la compétition de la vie; il sera impliqué dans des compromis et humiliations, pour finir comme nous tous par être la proie de la mort. Si nous n'avions plus rien d'autre à célébrer que le seul bel épisode de la naissance et de l'enfance, ce serait la fin de toute beauté. Seul demeure l'éternel "deviens et meurs". Et l'on pourrait se demander s'il n'est pas triste d'être né, puisque cela ne mène qu'à la mort... C'est pourquoi il est si essentiel qu'il soit passé quelque chose de plus : le Verbe s'est fait chair."Cet enfant est le fils de Dieu", proclame un de nos plus beaux chants de Noël. L'incroyable, ce que l'on ne cesse d'attendre et qui est nécessaire s'est produit : Dieu est venu parmi nous. Il s'est uni à l'Homme de façon si indissoluble que cet Homme est vrai Dieu, né du vrai Dieu, Lumière née de la Lumière, et vrai Homme. Le sens éternel du monde est donc vraiment venu à nous, de sorte que nous pouvons le toucher et le contempler. Car ce que Jean nomme "le Verbe", signifie en même temps en grec "le sens". Nous pourrions donc parfaitement traduire par : le Sens s'est fait chair. Mais ce sens n'est pas simplement une idée générale, contenue dans le monde. Le sens est tourné vers nous; Il est une Parole, il s'adresse à nous. Le sens nous connaît, il nous appelle et il nous guide. Il n'est pas une loi générale, dans laquelle nous jouons un rôle quelconque. Il est dévolu à chacun personnellement. Il est lui-même une Personne : le Fils du Dieu vivant, né dans une étable à Bethléem.
Et cela semble trop beau à beaucoup d'hommes, en réalité à nous tous, d'une certaine façon! Il nous est dit : Oui, il y a un sens. Et il n'est pas une révolte impuissante contre l'insensé. Le sens est puissant. Il est Dieu. Et Dieu est bon. Dieu n'est pas un être suprême et lointain, que l'on ne peut jamais approcher. Il est tout proche, à notre portée, il entend toujours quand on l'appelle. Il a du temps pour moi, au point qu'il était un fils d'Homme, couché dans une étable et reste Homme éternellement. Et nous ne cessons de nous demander : Cela est-il possible? Cela convient-il à Dieu d'être un enfant? Nous ne voulons pas croire que la Vérité est belle; d'après notre expérience, la vérité finit la plupart du temps par être cruelle et sale. Et lorsqu'elle ne semble pas l'être, nous creusons, nous fouillons jusqu'à ce que nos suppositions nous donnent raison. On a dit de l'art qu'il était au service du Beau, lequel était splendor veritatis, la splendeur de la Vérité, son éclat intérieur. Mais aujourd'hui, l'art voit souvent sa tâche suprême dans le fait de débusquer en l'Homme ce qui est avili. Si l'on pense aux drames de Bertold Brecht, tout le génie du poète est voué au dévoilement de la vérité, non plus pour en montrer le rayonnement, mais les bas-fonds. La rencontre de la Vérité n'anoblit plus, elle abaisse. Ce qui explique que l'on tourne Noël et notre joie en dérision. En effet, si Dieu n'existe pas, alors ne subsiste aucune lumière, mais seule de la terre sale. Et là réside la vérité réellement tragique d'une telle "poésie".
(Homélie de Noël 1977)
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