Dantec : " Toute littérature est un écho du Verbe, qu’on le "veuille ou non."
Ayn Rand : "C'est une guerre contre un ennemi qui n'a ni nom ni visage "
Ayn Rand is back :
chez Nebo et chez Nicomaque
Je délaisse un moment les synthèses sur le colloque sur l'Islam pour revenir à une question importante :
Ce que j’ai compris de ce texte d’XP est ceci : indépendamment du fait que Moix et BHL sont de bons ou mauvais écrivain et philosophe, c’étaient en tant qu’écrivain et philosophe que chacun analysait des faits de société et c’est cette fonction là (écrivain et philosophe) qui leur était refusée par Zemmour et Naulleau. D’où XP qui explique : “ils (Z et N) n’étaient pas là.”
C’est très intéressant.
Il y a quelques jours je suis allée à la conférence d’Alain Laurent sur Ayn Rand. Ce qui m’a fascinée et la chose sur laquelle a insisté Alain Laurent c’est que Ayn Rand, avant d’être une philosophe, une politologue, une libérale, etc (elle n’a jamais pu être classée dans aucune catégorie d’ailleurs ce qui est un signe!), a été, avant toute chose, un écrivain, une romancière. Alain Laurent racontait que toute jeune elle s’isolait pour écrire des histoires… Elle avait lu petite un obscur roman d’aventures de Maurice Champagne “La vallée mystérieuse” et elle va être influencée toute sa vie par cette lecture basique (on peut l'observer dans Atlas Shrugged, son best seller n° 2.)
Ayn Rand, après avoir écrit ses deux grands romans, a voulu conceptualiser ses idées-clé. Mais le mouvement (l'objectivisme, le retour à la notion d'individu par rapport à la notion de collectivisme) qu’elle a entraîné au travers de l’Amérique et du monde, c’est par ses romans qu’elle l’a créé. Uniquement par ses romans.
Je vais plus loin en ce qui concerne Ayn Rand : je pense qu'au départ, lorsqu'elle a écrit ses romans, elle n'en n'avait rien à cirer quelque part d'être "libérale" ou "conservative" ou étiquetée autrement. Elle est partie de sa vie, de son expérience ( lecture de romans divers, fuite et haine du communisme, etc) et de là, elle va écrire ses romans. Elle prend dans ce qu'elle est pour en tirer ses livres.
Le roman avant tout. C’est là que tout se joue, c’est là qu’est la vérité. Dantec dit je ne sais plus où : l’écrivain opère un véritable “hold up” dans le cerveau du lecteur.
Ayn Rand est une sorte de Dantec à son époque. Le roman avant tout. C'est là qu'est la vérité. Dantec explique dans une réponse acerbe à une analyse critique d'Elisabeth Bart (texte sur le Stalker : "Donner un cri à notre déchirement", le 14/02/2010, la réponse de Dantec est dans les notes) : que le Mal, il le circonscrit, il le NOMME et le méprise. Nommer : c'est en fait sa seule fonction.
L’arme de l’écrivain,son arme absolue, c’est l’écriture, c’est le livre, c’est celui qu’il écrit, c’est le roman. Ça n’est pas d’être un fondateur d’association ou président de parti, ni un analyste en stratégie politique ou économique ou un philosophe ou un théologien. C'est d'être simplement un écrivain, qui avait quelque chose à "sortir" de lui à tout prix. C'est tout. Que cette "chose" qu'il a réussi à sortir corresponde avec une forme de réalité est bien logique, un écrivain c'est une éponge pressée, une éponge de son temps, de son époque.
Dantec dans cette interview : "Tout roman est une forme de vie qui vous demande de la mettre au monde.
Sinon il se pourrait bien qu’elle vous tue, elle.
C’est le plus implacable de tous les contrats"
Alain Laurent remarquait le paradoxe entre une Ayn Rand, une femme faible, dépressive, colérique, dévoyée, etc et ses héros de roman impassibles, véritables rocs face à l’adversité qui les accable, etc… Les libéraux et intellectuels proches d'Ayn Rand étaient troublés aussi par cela et ont tenté de cacher ses dévoiements pour que la femme corresponde peu ou prou à ses écrits.
Je ne vois là aucune contradiction pour ma part : l’écrivain n’a rien à voir avec ce qu’il écrit. Rien. La Vérité est dans ce qu’il écrit, pas en lui, en quelque sorte.
On demande aujourd'hui à un écrivain d'être un homme accompli, un saint, un prophète et un chef de guerre. On oublie leur fonction principale et unique, si fondamentale : écrire.*
Ayn Rand, a été rejetée (pour sa plus grande souffrance) par tous ses amis ou proches intellectuels, libéraux, elle était écrivain avant tout et cela ne pouvait que la ramener à une forme de solitude et d’incompréhension dans le monde. Peut-être que la haine d’un Naulleau s’explique par cette incompréhension de la sphère des écrivains ou des artistes, sphère qui n’est pas celle de l’idéologie, de la construction de belles phrases ou argumentation logique, sphère totalement irrationnelle mais qui obéit pourtant à une logique interne très sûre, implacable (”la petite musique” dixit XP via Céline). Faut-il vouloir décortiquer cette logique? Je ne le crois pas, il faut simplement contempler le résultat, c’est à dire LIRE, et être illuminé. La haine d’un Naulleau c’est la haine de la contemplation. Ils ne savent pas se laisser envahir le cerveau par l’œuvre, ils refusent le rapt de leur esprit, ils se ferment à tout. C'est la haine de la vérité. Et du Verbe.
Et pourtant cette illumination triomphe de tout, lorsque l'on voit l'immense succès et "impact" de ces deux écrivains.Et l'apparition de ces écrivains à des époques de l'histoire particulières : Ayn Rand pour s'élever contre toute forme de collectivisme, pour remettre à l'honneur l'Individu face au Groupe, Dantec pour s'élever comme une torche au milieu d'un monde qui s'enténèbre, où toute lumière divine disparaît.
*Ajout : je veux tenter une analogie qui éclairera d'autant plus mon propos : de même que le prêtre catholique est le vecteur de la Grâce (tout en demeurant un homme comme les autres), de même l'écrivain est le vecteur du Verbe (tout en demeurant un homme comme les autres).
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