samedi 2 janvier 2010

Le grand passage de McCarthy, G, Conclusion de cette lecture : Un seul chemin fixé par Dieu

(...)
"Le vieillard a été enterré au cimetière de Caborca parmi ceux de son propre sang. Telles étaient les dispositions arrêtées par Dieu pour cet homme. Telle était sa colindancia, son pacte de mitoyenneté, et il en va peut-être de même pour chacun. A son dernier moment il avait dit au prêtre qu'il s'était fait une idée tout à fait fausse de Dieu mais qu'il était enfin arrivé malgré tout à une certaine compréhension de Dieu. Il voyait que les revendications qu'il adressait à Dieu étaient aussi présentes, intactes et inexprimées, dans le plus simple cœur. Sa querelle. Son discours. On les retrouvait dans la plus simple histoire. Car il est en ce monde non pas plusieurs mais un seul chemin et il n'est d'autre parcours sur le moindre de ses tronçons que le parcours fixé par Dieu et toutes les conséquences sont inscrites dans son tracé et hors de ce tracé il n'y a ni chemin ni conséquence ni rien. Il n'y en a jamais eu. Finalement, ce dont le prêtre a fini par se convaincre, c'est que la vérité nous est souvent apportée par des hommes qui en sont porteurs à leur insu. Ils portent en eux ce qui a poids et substance mais n'a pas de nom pour eux par quoi ils peuvent le désigner et l'évoquer. Ils vont et viennent ignorants de la vraie nature de leur condition, telles sont les ruses de la vérité et tels ses stratagèmes. Puis un jour, d'un geste machinal, d'un subtil mouvement d'abandon, ils déchaînent sans le savoir un tel tumulte sur un cœur soumis que ce cœur en est à jamais changé, à jamais arraché à la route qu'il comptait suivre, pour être au contraire jeté sur une voie qui lui était jusqu'alors inconnue. Cet homme neuf ne connaîtra ni l'heure de sa métamorphose ni sa source. Il n'aura lui-même rien fait pour connaître un tel bien. Mais il aura l'essentiel, vois-tu. Sans l'avoir cherché ni mérité. Il aura en sa possession cette insaisissable liberté que les hommes cherchent avec un désespoir infini.

Ce que le prêtre a fini par comprendre c'est que jamais la leçon d'une vie n'appartient à cette vie. Seul le témoin peut en prendre la mesure. Elle n'est vécue que pour l'autre. C'est pourquoi le prêtre voyait ce que l'anachroète ne pouvait voir. Que Dieu n'a pas besoin de témoin. Ni à charge ni à décharge. La vérité c'est plutôt que s'il n'y avait pas de Dieu il ne pourrait y avoir de témoin car le monde perdant toute identité seule resterait l'idée que chacun peut en avoir. Le prêtre voyait que nul d'entre les hommes n'est un élu puisqu'il n'y a pas un seul qui ne le soit. Pour Dieu tout homme est un hérétique. Le premier acte de l'hérétique c'est de désigner son frère. Pour s'en libérer. Toute parole que nous prononçons est une vanité. Chaque souffle qui ne bénit pas est un affront. Écoute-moi bien maintenant. Il y en a un autre qui entendra ce que tu n'as jamais dit. Les pierres elles-mêmes sont faites d'air. Ce qu'elles ont le pouvoir d'écraser n'a jamais vécu. Tous tant que nous sommes nous ne serons à la fin que ce que nous avons pensé de Dieu. Cela et rien d'autre. Car rien n'est réel que Sa Grâce.

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