(...)
Le prêtre n'est plus revenu voir le vieillard, l'histoire restait inachevée. Bien entendu le vieillard n'a nullement cessé de déambuler et de vitupérer. Il n'avait pas du tout l'intention d'oublier les injustices de sa vie passée. Les dix mille insultes. Le catalogue de maux. Il avait la mentalité de la victime, vois-tu. Il n'oubliait rien. Du prêtre, que peut-on dire? Comme il arrive à tous les prêtres son intelligence était obscurcie par l'illusion de la proximité de Dieu. Quel prêtre dénoncera son habit, fût-ce pour assurer son salut? Et pourtant le vieillard n'était pas si loin de ses pensées et un jour on est venu le chercher en lui disant que le vieillard était tombé malade. Qu'il gisait sur son grabat et ne parlait à personne. Même pas à Dieu. Le prêtre va le voir et les choses sont bien comme on lui a dit. Il s'arrête au transept et il parle au vieillard. Il lui demande si c'est vrai qu'il est malade. Le vieillard contemple les fresques décolorées. Le va-et-vient des hirondelles. Il pose les yeux sur le prêtre, des yeux hagards et vides, puis il détourne son regard. Le prêtre voyant une chance dans la faiblesse d'autrui comme il est normal chez les humains a repris là où il en était resté il y avait de cela plusieurs semaines et a commencé une homélie à l'intention du vieillard sur le thème de la bonté de la bonté de Dieu. Le vieillard se bouche les oreilles mais le prêtre s'approche. Finalement le vieillard se soulève de son grabat sur ses jambes vacillantes et commence à ramasser des cailloux parmi les décombres et à les lancer sur le prêtre et le chasse.
Le prêtre est revenu trois jours plus tard et a recommencé à parler au vieillard mais le vieillard ne l'entendait plus. La nourriture, la cruche de lait - que les gens de Caborca avaient pris l'habitude de déposer pour lui à la limite de l'ombre - rien de tout cela n'avait été touché. Dieu avait été plus rusé que lui, évidemment. Comme s'il avait pu y avoir une autre issue? Finalement tout se passait comme si Dieu avait retourné en sa faveur les prétentions hérétiques du vieillard. Le sentiment d'être un élu qui avait soutenu et tourmenté le retraité pendant toutes ces années trouvait maintenant une justification qu'il n'avait pas prévue et la vérité se révélait à son regard trouble dans toute sa terrifiante pureté. Il voyait qu'il était assurément un élu et que le Dieu de l'univers était plus terrible que ce qu'imaginent les hommes. On ne pouvait Lui échapper ni même L'ignorer ou Le contourner et il était bien vrai que toute chose jusqu'au raisonnement de l'hérétique était en Lui contenue sinon Dieu ne serait pas Dieu du tout.
"Apocalypse ne signifie évidemment pas "fin-du-monde-catastrophe-généralisée, etc.",le mot signifie au contraire la révélation de la présence divine dans le monde."*** " Toute littérature est un écho du Verbe, qu’on le veuille ou non."(Dantec) *** l’Art, qu’il soit littéraire ou plastique, n’exprimait jamais rien d’autre, à ses yeux, que l’idée que la partie n’est jamais et n’est pas jouée (Muray)***"la vérité ne peut-être obtenue qu'au prix de renoncer à la certitude" (Nemo)
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