mercredi 9 décembre 2009

Une belle lecture personnelle de Nietzsche par Nébo

Cher XYR, ne prenez pas ce commentaire pour une charge à votre égard, mais pour dire quelque chose d’essentiel vous faites dire au philosophe moustachu presque n’importe quoi. Je suis de ceux qui parviennent à trouver une pitance spirituel même chez des ennemis littéraires ou politiques, c’est vous dire que si votre lecture de Nietzsche vous y fait entrevoir ce que vous nous présentez là, ma foi, grand bien vous fasse, je ne trouverai rien à y redire. Cependant, la vérité, à mon sens, se trouvant plutôt dans les détails et les nuances, je vais tenter en quelques mots de vous montrer ce qui cloche dans votre approche. Si il y a un véritable spécialiste du penseur dans le coin qu’il me corrige, je n’ai nullement la prétention d’être un spécialiste de la pensée de Nietzsche, c’est juste que le monsieur m’a sauvé de la dérive gôchiste à un âge où ces dérives sont monnaie courante. Mettons vers mes 17 ans, autrement dit… vers 1982. Depuis l’eau a coulé sous les ponts, j’ai lu l’intégralité de ses livres, en dilettante et sans prétention. Dindon exagère. ^^

Nietzsche ne clame nulle part qu’on ne devrait pas dompter et apprivoiser la pulsion instinctive. Bien au contraire ! Dés son premier livre, “La Naissance de la Tragédie”, il tente l’élaboration d’un système, sans vraiment y parvenir, il laissera par la suite tomber cette approche (probablement est-ce dû à une influence du professorat de philologie qu’il exerçait à Bâle, en Suisse…^^), un système par lequel il veut démontrer que le monde entier se construit par l’ART dans un affrontement perpétuel entre Apollon et Dionysos. Le premier symbolisant par le biais de l’oracle antique l’interprétation rationnelle du monde onirique, le sens, la synthèse, l’ajustement, la captation et la mise en forme des forces démiurgiques et primitives pour tendre vers la Perfection, tandis que le second incarne la folie de l’Ivresse à la fois destructrice et créatrice par laquelle s’exprime l’instinct primitif des forces de la nature, le lien mystique avec la Terre (le Vin, sang de la terre), le sentiment mystique de rentrer en communion, en union même, avec le Monde et le Cosmos. Mise en Beauté par le biais de la Raison d’un côté (Génie Occidental), bacchanales chamaniques de l’autre (Génie oriental et asiatique). Harmonie et mesure apollonienne contre dissonance et distortion sensorielle dionysiaque. Mais dés la conclusion de son livre, et malgré son jeune âge, Nietzsche invite à une synthèse. Les deux forces se doivent de collaborer au lieu de s’opposer pour le monde puisse avancer et accoucher d’un souffle neuf. Wagner a la même approche dans ses opéras. Nietzsche va, certes, rompre avec Wagner dans les courtes années qui vont suivre la publication de “Naissance de la Tragédie” (1872), mais pour des raisons, disons, idéologiques, le pangermanisme et l’antisémitisme de Wagner ne trouveront plus jamais d’échos en Nietzsche, cependant Nietzsche ira acheter les partitions de Wagner à chacune de ses nouvelles créations y trouvant toujours une certaine fascination face au Génie Authentique du Compositeur, et nous pouvons très bien l’imaginer, assis au Piano (Nietzsche était un excellent pianiste) en train de déchiffrer Parsifal par exemple, en frémissant.

Derrière cette vision de “collaboration” entre des forces opposées ne se cache pas une Utopie si nous restons dans le domaine de la pensée philosophique, dans le domaine de l’Art et de l’évaluation de concepts. Nous pouvons sombrer dans l’Utopie si nous en avons une lecture Politique, ce que n’a jamais eu Nietzsche dans la sphère de notre Monde. D’autres l’ont eu pour lui, ce qu’il n’aurait pas manqué de condamner, à mon humble avis. Hitler, par exemple. Mais Hitler était un intellectuel médiocre, tous les germanistes que j’ai croisés (qui n’étaient aucunement Gôchistes) me l’ont confirmé. Ne serait-ce que son pitoyable “Mein Kampf” qui n’est qu’une parodie de la Konservative Revolution d’une part (ce qui explique que de nombreux thuriféraires de cette tendance soutinrent Hitler en 1933 et s’en éloignèrent dés… 1934. Heidegger par exemple.) mais très mal écrit d’autre part, dans une langue allemande de brasserie.

Ici se trouve aussi la possibilité de repenser et réévaluer sa vie et la Vie. Il est vrai que Nietzsche a tenté, sans avoir le temps de terminer ce qu’il avait entrepris, de faire émerger ce qu’il nommait une “Grande Politique” sur l’idée maîtresse de l’émergence d’une Elite Authentique qui aurait eu, pour reprendre ses mots, l’mage d’un César avec l’âme du Christ. Une image bien lointaine de Hitler ou de Staline. Au passage, Nietzsche a toujours été considéré par les universités du Bloc de l’Est comme un penseur bourgeois, révisionniste et réactionnaire. ^^ Quant aux Nazis, si on a pris la peine de lire ce que Nietzsche a pu penser du casque à pointe, de Bismarck, de la fumisterie des Races, des bêtes à cornes nationalistes, des antisémites en général et sans exception, et de l’Etat (“le plus froid des monstres froids”) en particulier, il est bien vain de tenter de faire de lui un précurseur du nazisme, par contre on imagine très bien ce qu’il aurait pensé de ces brutes épaisses.

Ce César avec l’âme du Christ, n’aurait aucunement été un individu s’abandonnant aux forces telluriques, démiurgiques d’un paganisme réinventé.^^Plutôt un aristocrate de l’esprit ayant sondé l’âme humaine et ayant eu la Vision salvatrice des Possibles afin de bâtir dans l’Amour. Et tout ce qui se fait par Amour, dit Nietzsche quelque part, se fait par-delà Bien et Mal. Car l’Aristocrate, par excellence, selon Nietzsche, est celui qui tout le temps divinise les instincts en lieu et en place de les nier.

Le National-Socialisme, ce succédané criminel d’aventure Romantique (une lecture de Mörike, Novalis ou des frères Grimm vous convaincrait) fut une poussée de MORT, la Mort poussée dans ses retranchements les plus Nihilistes, la Mort comme principe d’effacement industriel (vous le dites bien vous-même XYR) qui affirma la construction macabre de l’Etat Totalitaire et expansionniste, la Bête à Corne Nationaliste dans toute sa splendeur qui voulut, précisément, effacer les différences nationales par le meurtre, supprimer le “peuple élu” au sens générique pour se consacrer à une autre parodie qui mérite toute l’attention de ceux qui se disent chrétiens : établir un nouveau peuple élu (les Aryens) en lieu et place de l’ancien (les juifs) et, au terme de la guerre, établir un Reich de 1000 ans calqué sur la promesse messianique judaïque et chrétienne. Promesse que le Christ, ou le Messie selon les Juifs, régnerait 1000 ans dans un monde en Paix, 1000 années durant lesquelles l’Humanité serait “rééduquée” selon la Parole Divine tandis que Satan et ses Légions enfermées attendraient d’être relâchés pour la dernière épreuve, la Moisson Ultime.

Lorsque vous dites qu’il n’y aura jamais de monde de surhommes, cela va à l’encontre de l’enseignement de Nietzsche (qui estime que la beauté de l’homme se trouve précisément dans le fait qu’il ne soit qu’un passage, une passerelle vers le Surhomme), mais cela va à l’encontre des Saintes Ecritures elles-mêmes, car la Promesse Divine est bien celle-ci : nous avons chuté (nous sommes en Exil, dirait les Kabbalistes juifs) mais nous étions de peu inférieurs aux Anges, et le Christ est la preuve théologique que si Dieu peut se faire Homme, l’Homme peut se faire Dieu. Denis L. me pardonnera cette dérive Orthodoxe… ^^La Promesse Divine affirme que le Royaume de Dieu rétablira l’Homme dans sa Fonction Primordiale qui est d’être l’ADAM Kadmon, l’Homme Total, en pleine possession de son Être et des tous ses moyens ontologiques. L’Homme Total opposé à l’homme totalitaire.

“La Mort de Dieu” chez Nietzsche est, d’abord, un Constat, non pas un voeux en soi. C’est ce que ne veulent pas comprendre les lecteurs qui n’excellent pas dans l’Art de la Rumination et qui se précipitent sur les notions nietzschéennes comme sur des Slogans. Ensuite, si réfutation il y a, il s’agit surtout d’une réfutation du Dieu morale au sens bourgeois du terme. Nietzsche parle, d’ailleurs, de “moraline”. ^^

Un univers dans lequel chacun atteindrait sa pleine santé et pourrait mettre en œuvre ce qu’il croit être juste aboutirait à la Création en mouvement perpetuel, tel que décrit, par exemple, par Dante lorsqu’il évoque l’Empyrée dans le Paradis de sa “Divine Comédie”. ^^

Mais Dieu n’est pas contre une certaine hiérarchie… ^^… Nietzsche non plus d’ailleurs… ;-) … aussi n’allez pas croire qu’un univers dans lequel chacun atteindrait SA pleine Santé serait un Univers Uniforme et égalitariste. “Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu” selon le mot de l’apôtre Paul en Corinthiens 1, mais chacun étant fait à l’Image de Dieu, chacun verra selon sa nature, selon ses possibilités, selon SA Singularité, puisque Dieu est Une Singularité, n’est-ce pas ? De plus, je ne sais plus en quel endroit l’Apôtre Paul, encore, dit que lorsque l’on a une pleine Compréhension de l’Amour la Loi n’est plus nécessaire. Une pleine compréhension de l’Amour ? Ne se trouve-t-elle pas par-delà Bien et Mal ?

Vous pouvez, XYR, dormir avec un fusil sous votre lit. Mais ne vivez pas pour et par l’épée. Le Christ, d’ailleurs, ne demande pas à l’Apôtre Pierre de jeter son épée, mais de la ranger. Que l’esprit perspicace exerce son entendement, à supposer qu’il lui en reste. Vous pouvez aussi, XYR, lire la Bible tout en baisant, buvant, fumant, en jouissant de ce qui existe. Mais armez-vous de modération, justement… ^^… pour que la folie Dionysiaque ne vienne à vous submerger. La Bible nous y invite : “Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable.” (Romains 12:1)

Et sachez que je suis un franc-tireur, une particule libre, un désaxé, probablement, un libertaire et un libertin, certainement, aucunement une grenouille de bénitier, mais il est des vérités qui brûlent sans consumer et qui invitent à méditer longuement, lentement, sans précipitation, alors que vous, XYR, me donnez l’impression bien souvent d’être consumé par vos visions qui comportent bien des justesses, mais vous vous précipitez par la ferveur de votre jeunesse. Ferveur audacieuse, mais dangereuse, que je vous souhaite non pas d’éteindre, mais de canaliser, justement, comme Nietzsche lui-même y invitait ses lecteurs. Nietzsche. Ou la Très Sainte Bible.

Amicalement.

Commentaire écrit par Nébo à partir d'un texte de Xyr sur Ilys, commentaire que l'on peut retrouver là :

http://ilikeyourstyle.net/2009/12/08/jerome-leroy-les-camps-de-concentration-et-le-terrorisme/


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