lundi 2 novembre 2009

Phyllis Schlafly



Extraits d'un chapitre de Guy Sorman, dans son livre La révolution conservatrice américaine, qui dresse le portrait d'une anti-féministe énergique des années 70 : Phyllis Schafly, une rombière comme on n'en fait plus, ma nouvelle idole.

"A New York, Betty Friedan n'est plus toute jeune, elle n'est pas très riche, elle est divorcée, son appartement est minuscule, ses relations avec ses enfants sont difficiles et son dernier livre, The second stage, ne marche pas fort.
A Alton, Phyllis Schafly est la mère heureuse de six enfants, elle est élégante, aime son mari, elle est très riche, elle habite une somptueuse maison sur les rives du Missouri. Phyllis Schlafly est aussi la femme la plus célèbre des Etats-Unis pour avoir terrassé le mouvement féministe, et si le livre de Betty Friedan est un échec, c'est un peu à cause d'elle.
Pourtant, Betty Friedan avait l'avantage. Lorsqu'elle publie La femme mystifiée en 1963, elle donne le véritable départ de cette révolution féministe qui devait prendre corps en d'innombrables mouvements de par le monde entier (...). L'argument de Betty Friedan, depuis lors popularisé, est que la femme américaine et toutes les femmes "modernes" se sont laissées piéger par la consommation et enfermer dans une fonction sociale minorée. Le foyer, selon Betty Friedan, est "un camp de concentration confortable". Pendant les années 1960-1970, les leaders féministes occuperont le devant de la scène, ou plutôt les écrans de télévision. Cette agitation parfois folklorique, parfois violente, se traduira, à partir de 1970, dans un projet d'amendement à la Constitution américaine, l'Equal Right Amendment ou Amendement pour l'égalité des droits, l'ERA.

[Le texte ERA doit être ratifié par au moins trente-huit Etats avant mars 1979 pour devenir le 27ème amendementà la Constitution.]

C'est là qu'intervient Phyllis Schlafly, "le joli coeur de l'Amérique silencieuse", comme l'appellent ses ennemis, mais pour d'autres, la Jeanne d'Arc de l'Amérique profonde et du parti républicain.
(...)
En 1972, alors que le Sénat des Etats-Unis adopte l'ERA, applaudi par tout l'establishment politique et les médias, Phyllis Schafly publie dans une obscure lettre d'information qui lui appartient, le Phyllis Schlafly Report, le premier article anti-ERA. L'écho dans le pays est formidable, la majorité silencieuse a trouvé un porte-parole. Les volontaires, l'argent et le soutien des Eglises - toutes les Eglises : catholique, protestante, juive - affluent vers Phyllis. Dès lors, elle sera partout, inondera les parlementaires de millions de lettres de protestations signées par ses partisans, fera le siège des Congrès de chaque Etat disposé à ratifier l'ERA. La bataille durera dix ans, le délai légal imparti à la ratification. En 1982, c'est fini, Phyllis a gagné, trentre-trois Etats seulement ont voté. Les mouvements féministes sont démoralisés, démantelés. Si Betty Friedan publie La seconde étape, c'est parce qu'elle a perdu la première.
(...)
Mais, au-delà de ces arguments plus ou moins rationnels, ce sont deux images de l'Amérique qui s'affrontent.
Regardez-moi, dit Phyllis Schlafly, je suis l'image du bonheur américain, regardez ma maison, mes tapis, mes canapés en cuir, la vue sur le fleuve, mon parc, mes voitures, ma photo avec mon mari et mes six enfants. Le bonheur, parce que je crois aux vertus profondes du credo américain, de la religion, de la famille, de la patrie, du travail, de la moralité, de l'argent. Regardez les féministes, ajoute Phyllis : pas une n'a réussi sa vie, aucune n'offre aux Américaines un miroir dans lequel elles pourraient se reconnaître.
(...)
Le féminisme, pour Schlafy, n'est qu'un cirque inventé par les médias et par quelques journalistes mal dans leur peau. Toute l'escroquerie du mouvement résiderait dans la tentation de faire résoudre par la société des problèmes d'ordre personnel. La femme américaine n'a pas, en tant que telle, de difficultés sociales ou politiques. Elle n'a rien à demander, parce qu'elle a tout. Les robots domestiques dénoncés par Betty Friedan sont bel et bien libérateurs. Ironie du sort, la machine à laver de Phyllis Schlafly était en panne le jour de ma visite; Donc, non seulement l'analyse féministe est fausse, mais, de surcroît, elle a fait le malheur des femmes qui y ont cru, en particulier de celles dont le carriérisme a brisé la famille. A ses quatre fils, Phyllis Schlafly a enseigné que le métier passait avant la famille, et à ses deux filles l'inverse.
(...)
Mais Phyllis inquiète ses amis autant qu'elle agace ses ennemis. Car ce modèle de sociabilité, mondaine en apparence, utilise des méthodes très populistes et anti-establishment. Dans un spot télévisé de sa campagne législative de 1972, John Wayne déclarait "qu'on peut compter sur elle pour se débarrasser des politiciens dépensiers qui gaspillent nos dollars si durement gagnés". Sa méthode illustre parfaitement la maîtrise que la droite a acquise dans les techniques de manipulation des foules et des médias; L'organisation Schlafly, peut-être le plus important mouvement des Etats-Unis à reposer sur l'allégeance à une seule personne, est capable de mobiliser instantanément des milliers de femmes, du type "femmes au foyer", en l'espace de quelques instants. Elle l'a démontré à nombre de reprises dans sa lutte contre l'ERA. "

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