lundi 2 novembre 2009

Mon chien Stupide



John Fante et son chien : j'ai lu ce livre alors que vient d'arriver le drame d'un professeur qui a tué un agresseur introduit chez lui. L'histoire est édifiante. Résultat, j'ai passé les deux premières nuits en Bretagne à claquer des dents, avec un Laguiole à cran d'arrêt ouvert (impossible de le refermer, je me blesse systématiquement!), une bombe lacrymo et un portable à portée de main. Je raconte cela à D. qui me dit, un peu agacé par ces bouffonneries de bonne femme : "Faudrait prendre un chien!"; Il se trouve qu'ayant été mordue par un chien dans ma prime jeunesse, je conserve une méfiance instinctive (en fait une véritable terreur) pour ces bêtes. Mais alors, j'ai répondu à mon cher mari : "d'accord pour le chien! A condition qu'il soit semblable au chien Stupide de Fante!!
Ce chien est...particulier mais il me plait bien. Vous lirez, si vous pouvez, ce petit livre, plein d'une mélancolique lucidité.Un passage, pour vous mettre en appétit :

"Je savais pourquoi je voulais ce chien. C'était clair comme de l'eau de roche, mais je ne pouvais le dire à Jamie. Ca m'aurait gêné. En revanche, je pouvais me l'avouer franchement. J'étais las de la défaite et de l'échec. Je désirais la victoire. Mais j'avais cinquante-cinq ans et il n'y avait pas de victoire en vue, pas même de bataille. Car mes ennemis ne s'intéressaient plus au combat. Stupide était la victoire, les livres que je n'avais pas écrits, les endroits que je n'avais pas vus, la Maserati que je n'avais jamais eue, les femmes qui me faisaient envie, Danielle Darrieux, Gina Lollobrigida, Nadia Grey. Stupide incarnait le triomphe sur d'anciens fabricants de pantalons qui avaient mis en pièces mes scénarios jusqu'au jour où le sang avait coulé. Il incarnait mon rêve d'une progéniture d'esprits subtils dans des universités célèbres, d'érudits doués pour apprécier toutes les joies de l'existence. Comme mon bien-aimé Rocco [chien précédent du narrateur], il apaiserait la douleur, panserait les blessures de mes journées interminables, de mon enfance pauvre, de ma jeunesse désespérée, de mon avenir compromis."

L'histoire de ce loser qui voit ses 4 enfants quitter (enfin) le foyer conjugal et qui se console avec ce chien à l'affectivité perturbée est touchante. Cela relativise toutes les angoisses, colères et soucis de n'importe quel bon père de famille et je vais m'empresser de lire des passages à D., les jours où il aura envie d'envoyer par la fenêtre les prunelles de ses yeux qui ne sont, à l'entendre, que des ingrats, des pénibles, des estomacs, des petits merdeux, bref, des enfants quoi.


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