samedi 23 août 2014

Les Hauts-Quartiers de Paul Gadenne


J'ai lu ces jours-ci en Bretagne, un magnifique roman de Paul Gadenne. Mes lectures sont souvent inspirées du site du Stalker qui évoque dans un récent article ce beau livre. Voici ce que j'en ai retenu.

"Il y a ceux qui croient facilement a encore dit Lambert en soulevant son massicot, et il y a ceux qui ne croient que sur la croix, à qui la croix est donnée plus que le "Je crois", et pour cela ils ne seront pas moins bien traités que les autres, parce que le Christ est avec eux, avec sa croix, même s'ils n'y croient pas, même s'ils croient l'opposé, même s'ils disent non. Même si vous le niez, lui dit-il, même si vous l'insultez, le Christ est en vous, comme en chacun, et vous mourrez avec lui."

Voici le portrait de Didier Aubert, le héros des Hauts-Quartiers, voici le portrait de toutes ces personnes que je rencontre de plus en plus, qui ont soif d'absolu mais qui n'ont plus de religion.Que sont ces hommes, ces écrivains ou artistes que je rencontre aujourd'hui, qui réclament Dieu, dans leurs excès même, mais qui sont dans le même temps de moins en moins catholiques, au sens strict du terme? Notre Église va donc t-elle si mal? C'est pour moi un grand mystère et sujet d'angoisse car j'ai été élevée avec le fameux "Hors de l'Église, point de Salut!" L'incroyable espérance de ces phrases de Gadenne qui explique que le salut est donné, que le Christ est donné, que la croix est donnée même à ceux qui ne croient pas, même à ceux qui disent non, est simplement géniale.
Les Mme Chotard (grenouille de bénitier machiavélique!) sont légions sur les bans d'église aujourd'hui... Et les "abbé Singler" aussi, qui vient "de tuer son Dieu comme il faut" Et dans le même temps, ces nouveaux "chrétiens", rejetés apparemment de l'Église, se dressent de plus en plus nombreux... "J'ai frappé à votre porte et vous ne m'avez pas reconnu..." Gadenne avec Flopie, à la fin du roman dans un mariage à l'église qui leur est à eux refusé, les pauvres parmi les plus pauvres : "Je voudrais bien voir dit naïvement Flopie. "Tu ne vois pas ?-Non. Je suis trop petite. Il y a trop de monde. -Ne parle pas si fort, dit-il. On ne parle pas dans une église." et puis ce passage terrible, toujours à propos de l'église dans laquelle ils se trouvent : "Viens! Nous étions cette nuit dans un mauvais lieu, mais nous sommes retombés maintenant dans un autre..." "Il n'y a plus d'endroit propre, plus de recours, prononce t-il en lui-même, plus rien. Rien. Aucun lieu sur terre où un honnête homme puisse aller."
Cela me fait trop penser à ce cri du Seigneur en Croix : Mon Père! Pourquoi m'as-tu abandonné?!" D'ailleurs, toute la fin du roman, cette course éperdue au travers de la ville d'Irube où se situe le roman, fait songer au chemin de croix de Jésus. Non, je me trompe, c'est bien sûr la représentation de la Sainte Famille, courant d'hôtelleries en hôtelleries pour trouver refuge. Irube, petite Bethléem, l'Arditeya, la Bergerie, Flopie, le petit agneau, : "Il savait tout par ce petit genou rond et pur comme un galet. Où la pureté va-t-elle se nicher!"c'est à la Bergerie que l'Agneau sera sacrifié, après leur terrible périple.Plus exactement, Didier, représentation du Christ qui porte les péchés du monde (Flopie et son bébé à qui Didier en se mariant civilement avec elle donne un nom, son nom, il les prend tous deux sur lui) et qui meurt pour mieux renaître à la vraie Vie. Bien sûr, tout cela évoque le si beau petit recueil de textes de Bernanos, les Prédestinés, où il montre que les véritables saints n'ont pas toujours été très bien accueillis dans l'Église... Eux ont du se sentir bien rejetés aussi, abandonnés comme le Christ en croix mais toujours si plein d'amour pour son Père, et nous, pour notre Église! "Quelle messe! C'était une nouvelle vague de ravissement, d'extase, l'entrée au paradis."
Mais qu'expient-ils tous donc à la fin, ces hommes, en quête, pour traquer ainsi, sans relâche, le fin mot de l'histoire? Pourquoi se placent-ils du côté des vaincus, comme notre Didier ? Sans doute parce qu'ils ont compris, que c'est ainsi qu'ils seront du côté du Vainqueur... Mais comment l'ont-ils intégré, alors qu'ils n'ont plus la foi, ou qu'ils ne l'ont jamais eu? Quelle sorte de chrétiens sont-ils donc ? Je cherche à comprendre et à suivre des traces qui me paraissent aller dans une direction qui est Bonne...mais ce chemin que proposent certains, me semble d'une incroyable dureté et difficulté. N'ayant pas cette volonté ou courage, et surtout, ayant reçu la foi depuis mon plus jeune âge, et celle-ci ne m'ayant jamais quittée tout à fait, je me raccroche, comme la femme de l'évangile, au vêtement du Christ, me disant que cela suffira à faire cesser mes craintes imbéciles dans ce monde et surtout je me laisserai ainsi traîner sur ce Chemin, comme les petits enfants attrapent un pan du manteau de leur père ou mère et se font "tirer"... (je tiens un pan de la Vérité, mais c'est la foi qui me sauve, ai-je écrit à un vieux monsieur de 80 ans). Quelle incroyable providence a veillé sur ma petite vie, me donnant ce cadeau de la foi, par mon baptême d'abord, par les prières de tous ceux qui m'aiment ensuite, grâce, tout simplement à ce que l'on appelle la communion des saints! Comme il faudrait que tous bénéficient de cette force démultipliée pour avancer dans le chemin.

L'exploration n'était pas terminée, mais il ne se sentait pas la force de la reprendre, il avait hâte de refermer le coffre, de clore définitivement le cercueil."
Il faudra retrouver quelques ressources cette après-midi après une lecture comme celle des Hauts-Quartiers: un beau paysage, les pins se dessinant sur la mer, dans une baie bretonne, la vue de mes petits, dressés contre les vagues, tout bronzés de sel et de mer, me suffiront. Il y a d'ailleurs des descriptions de paysages absolument sublimes dans le livre de Gadenne de jardins (le petit jardinet à la Bergerie, l'Arditeya, sorte d'éden qui protégeait le jeune Didier. La Bergerie, lieu de vie et de mort et de renaissance, l'Arditeya, la Crèche et le Golgotha.)
J'ai retrouvé, à ce propos, une réflexion de Gadenne (réflexion que je m'étais faite il y a longtemps, en lisant Hello ): je recopie Gadenne : "Ce qui nous séduit dans un jardin, reprit-il, c'est cela, je pense, c'est qu'il nous rend un goût oublié, ce goût de paradis terrestre qui est accroché à notre peau." J'avais écrit : "les artistes, dans leurs œuvres d'art, poussent ces cris qui traduisent notre nostalgie déchirante du Paradis!"
Mais pour un temps seulement, ces contemplations et lectures, tout ceci est trop précaire, et mon espérance doit se renouveler, de fond en comble, chaque jour... Je pense que c'est cela la vie : re-naître chaque jour que Dieu fait.
"Tu verras comme un homme peut renaître..." "Floflo... Toi et moi ne sommes pas différents... Je ne suis rien, et qu'est-ce que prier sinon savoir qu'on est rien..."

"Tout le monde ne peut pas aimer comme il faut, tu comprends, aimer jusqu'à accepter, jusqu'à revendiquer, mais tout le monde peut travailler comme il faut... Travailler, c'est aussi faire acte d'amour, une manière de se charger du monde..."

5 commentaires:

  1. De retour de vacances... enfin !
    ... z'avez vu ce qui est arrivé à I like your style pendant ce temps ?
    So sad, non ?

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  2. Bah, ceux d'ilys reviendront peut-être par d'autres biais et vous pouvez lire certains sur twitter!

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  3. Lire sur twitter, vous n'avez pas perdu votre sens de l'humour vous, c'est au moins ça...
    En revanche, je me demande si c'est un coup des juifs ou quoi cette décision de clôturer Ilys...
    Une idée ma chère ?

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  4. Perso je suis ravie de pouvoir lire sur twitter plutôt que de me taper des pavés parfois mal fagotés... Beaucoup de gens devraient s'exercer sur twitter avant d'envisager écrire des articles ou des textes. Je crois très sérieusement que le meilleur recrutement pour trouver des personnes capables d'écrire doit se faire sur twitter aujourd'hui.
    Sinon, je pense qu'il n'y a eu aucune décision à la décision de clôturer Ilys et c'est bien pour cela qu'Ilys est fermé!^^

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  5. C'est un coup des juifs, donc, je ne m'étais pas trompé.
    Pour twitter, vraiment, bravo ! à nouveau mort de rire, on ne s'en lasse pas.

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