lundi 18 mai 2009

Klaus Kinski



" Toute authentique littérature entretient un rapport avec le Sacré. Ou avec le Diable." (Dantec)

"La fiction est le diable de la réalité : qui le sait encore ? Nous sommes désarmés en face du Bien, c'est logique : on ne nous a appris à lutter que contre le Mal. Il faut reconnaître que la bagarre a été chaude et que le négatif, ou la "part maudite", ont été pratiquement éradiqués, au moins sous leurs formes les plus spectaculaires, de côté-ci du monde. (...) Nous n'avons aucun argument contre le Bien, contre l'innocence, contre le sentimentalisme de la moralité, de la vertu, de la volonté de transparence partout, des bonnes intentions, de la télécharité. Et voilà pourquoi vos romans sont muets."(Muray)


Il n'y à faire : tous les messages des artistes, ces visionnaires, convergent vers Dieu. Ils brandissent leur lumière-laser, droit dans leurs bottes, tous, et je reste confondue à chaque fois par le spectacle grandiose qu'ils nous livrent avec leur cœur, leur âme, leurs tripes. Je reste éblouie, renforcée dans l'idée que non, rien n'est perdu, que l'homme est l'alpha et l'oméga de cet univers, l'alpha et l'oméga de ce Dieu-Créateur. L'un et l'Autre se cherchent et tendent à se joindre depuis la nuit des temps et les œuvres des artistes ne sont que les cris et les gémissements de cette humanité en quête de Jonction.
Oh! Ce miracle de la liberté humaine : je te veux déclare le Seigneur, non comme un jouet, ma possession, mais venant à moi parée comme une épouse pour son époux...
Quelle idée folle, quelle idée d'un Dieu justement que celle de l'Amour et de la Liberté!

Passages d'une interview de Klaus Kinski : je n'ai vu aucun de ses films mais XP sur ILYS a donné une vidéo extrêmement émouvante où l'on mesure toute l'abîme qui sépare un artiste, celui qui sonde les gouffres ou qui se tient sur des aires trop élevées pour lui-même et pour les autres, abîme qui sépare l'artiste donc et la journaliste : "La littérature "tuée" par les médias ?" s'interroge Muray dans Désaccord parfait. Là, Kinski "tué" par la journaliste.

Vidéo sur ILYS là : http://ilikeyourstyle.net/2009/05/17/saine-colere/
Interview dans son entier là : http://www.geocities.com/Hollywood/Club/4297/presse/ecran19760615_2.html

Mais votre enfance a été particulièrement terrible: pauvreté, privations...
Non, j'ai enregistré des trucs terribles dans mon enfance mais tout le monde connaît cela. Je crois plutôt que ce que j'ai connu enfant a trouvé sa culmination quand j'ai été enfermé dans un asile. Avant, j'avais souffert mais je n'avais jamais, je n'ai jamais été sentimental envers mon enfance. A l'asile, j'ai pensé vraiment "je crève ou je me sauve". J'ai compris ça fait du bien de souffrir...
Le titre allemand de votre livre est beaucoup plus beau que Crever pour vivre...

C'est la traduction d'un vers de Villon que j'ai dit des centaines, des milliers de fois dans mes récitals: Je suis fou de ta bouche de fraise [Ich bin so wild nach deinem Erdbeermund]. Cette phrase allait pour l'Allemagne parce qu'elle est connue par mon spectacle et par le disque que j'en ai fait. Mais je trouve le titre français plus juste. Ca exprime une grande tendresse et une grande violence à la fois. Et c'est juste parce que je crois qu'être vivant, c'est toujours crever pour vivre. Je suis mort non pas deux fois, quatre fois mais des centaines de fois et je crois que c'est dans la mort que la vie commence.

Très tôt vous découvrez le théâtre par vous-même: vous jouez La machine à écrire de Cocteau, Mesure par mesure, vous respectez [Jürgen] Fehling, vous apprenez par coeur Villon, Rimabud, et à côté de cela vous ne semblez pas respecter le cinéma. Pourquoi?

Je vais répondre de deux manières différentes à votre question. D'abord je ne "respecte" pas Villon, Rimbaud. J'ai vécu, je vis avec l'âme de Van Gogh parce que Van Gogh, il est en moi, Villon est en moi. Ces poètes, je les ai rencontrés et ils m'ont fait avancer. J'ai cherché dans leur destin une solution pour moi. Je ne veux pas crever comme ils on crevé. Je veux crever en pleine liberté. La soeur de Rimbaud raconte dans une lettre très touchante la mort de Rimbaud. Je crois que personne ne peut dire ce qu'il a ressenti en mourant, pourquoi il a demandé les derniers sacrements. En tout cas, ça ne veut pas dire qu'il était heureux quand il est mort.

Ca ne veut rien dire d'être "artiste". Ce que j'ai toujours cherché, c'est de ne pas crever avant d'avoir approché une force supérieure... Vous pouvez appeler ça Dieu, comme vous voulez, je ne trouve pas de mot pour ça. Je peux dire: les éléments, le vent, l'orage, la mer.
Pour parler d'abord du théâtre, je n'ai pas de respect pour Fehling même si c'est un "grand" metteur en scène allemand. "Grand", cela ne veut rien dire pour moi. Je raconte au début de mon livre que j'ai fait des centaines de récitals en disant Le Nouveau Testament et des millions de personnes m'ont vu. Ce spectacle, je l'ai conçu parce que je ne voulais plus jamais mettre les pieds sur une scène. D'abord pour une raison technique: les pièces actuelles ne vous offrent jamais l'occasion de vous donner au public.

Ensuite pour une raison vitale: je voulais rester en vie, j'avais peur de crever sur scène. Crever dans mon âme, je veux dire. Je sais qu'en général un acteur est plus libre au théâtre qu'au cinéma, qu'il n'existe pas de routine. Mais pour moi, le théâtre, c'était marcher à la guillotine tous les jours pour être exécuté. Ce n'est pas que je me prenne pour Jésus-Christ mais j'ai trouvé un parallèle qui est le Jardin de Gethsemani. C'était: "me laisse pas crever" ... Mon chemin douloureux, c'était le théâtre, c'était le théâtre, c'était faire revivre pour les gens des choses tous les soirs. C'était comme les abattoirs. C'était trop bête de crever dans les décors et la poussière, au lieu de respirer sur la mer...

Et il y a quinze ans, sur la scène d'un grand théâtre de Berlin, un beau soir je me suis arrêté de jouer presque 10 minutes et personne n'a bougé. Et une chose, très loin - c'était peut-être une lumière - m'a fait comprendre: tout ce que tu fais, c'est pour rien... C'était peut-être une force supérieure qui m'est passée par la cervelle...

Alors j'ai mis sur pied ce spectacle où je récitais le Nouveau Testament et des millions de gens ont acheté un billet pour me voir.

Mais vos mises en scène à vous, c'est pour quand?
J'avais déjà eu l'occasion mais j'ai toujours reculé au dernier moment à cause de ma recherche intérieure, à cause de cette interrogation en moi: POURQUOI? POURQUOI? Je pensais toujours: je m'en vais demain...

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