vendredi 6 février 2009

Dérapage


-Allo, chérie ?
-Qu’est ce qui se passe ?
-Rien, je suis à la gare ; méfie-toi en conduisant les enfants à l’école, c’est hyper-verglacé.
-D’accord. Je t’aime.
-Oui. A ce soir.

Ma grosse voiture avance, Golmann chante « il suffira d’un signe… »
Nous sommes presque arrivés, encore un tronçon de forêt. Devant moi, une petite Clio blanche, elle a hâte aussi de retrouver un grand axe, elle double une petite voiture, blanche, elle aussi. Je la regarde doubler, je pense doucement : « non, pas là , c’est pas le bon endroit pour dépasser, il fallait le faire un peu avant… » Lentement, gracieusement, la Clio part en vrille devant la petite mémé, je commence à freiner, ma bétaillère mord la route mais ça ne marche pas. Décélérer, freiner, décélérer, freiner.C'est long, c'est si long ces secondes... MAMANNNNN !!!!! hurle ma fille à côté.
Décélérer, freiner, la Clio termine la courbe dans les arbres qu’elle heurte violemment. C’est bon je pense, elle ne s’est pas retournée. Je réussis à arrêter ma bétaillère, les enfants hurlent tous. Warnings, je gueule : NE BOUGEZ PAS. Je sors, je cours vers la Clio, je trébuche, ça glisse.
A l’intérieur, une femme qui hurle sans s’arrêter. Pas d’enfant à l’arrière, elle est seule. Je veux ouvrir la portière côté passager, impossible tout est coincé. Avec la mémé qui m’a rejoint, nous ouvrons le coffre. L’accidentée hurle, hurle, hurle. Je me glisse sur la plage arrière, je lui attrape le cou avec mes bras, je l’enlace : « je suis là, je suis là, calmez-vous."
Un type s’est arrêté entre temps sur la route. Il parle près de la voiture mais je ne l’entends pas. La radio de la Clio marche à fond, j’écrase mon poing sur les touches pour l’éteindre. Au troisième coup de poing, silence. « APPELEZ LES SECOURS, J'AI PAS DE PORTABLE!!! APPELEZ LES SECOURS" je crie au type tétanisé. Il plonge dans sa bagnole pour récupérer son téléphone.
Nous tremblons toutes les deux, la femme coincée dans la tôle, le verre, le sang. Et moi, à plat ventre contre elle. Je lui parle, elle me répond. Prenez-lui son pouls, dit la mémé. Je n’y arrive pas, je ne sens rien. Je répète bêtement, ils vont arriver, tenez bon. Elle gémit, elle a mal aux jambes. Je lui dégage sa frange du visage, votre mari va arriver, on l’a prévenu. J’aurai pas du doubler, me dit-elle. C’est pas grave, c’est pas grave, je lui réponds. Tenez bon. J’ai mal.
Les pompiers arrivent, je recule.
Je rejoins les enfants, je repars à l’école. Silence dans la bétaillère . Ma fille est trop blanche.
J’ai mal aux bras, j’ai mal aux mains, je rentre chez moi. Une journée qui commence. Je crois que j’ai rêvé.

3 commentaires:

  1. Zut, on se tutoie ou on se vouvoie ? Me rappelle plus !

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  2. Si un jour, j'ai un accident, j'espère que quelqu'un comme toi sera là.

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  3. Ah, c'était l'année dernière cette histoire, terrible.Ils ont mis deux heures pour la dés-incarcérer et elle s'en est sortie mais vraiment c'était quelque chose.
    En forêt, on croit toujours qu'on est tout seul mais généralement il y a toujours quelqu'un qui déboule pour vous aider.L'année dernière, j'ai eu un éclatement de pneu (je n'allais pas trop vite, 110, 120, la voiture n'a pas trop dérapé) sur la plaine. Je m'arrête quelques cent mètres plus loin, devant trois maisons : deux types retapaient un toit, ils sont descendus et m'ont aidé à changer ma roue. Je ne suis même pas arrivée en retard à l'école!
    On peut se tutoyer Catherine, je vouvoie Didier mais il me dira ce qu'il préfère.

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