mardi 2 mars 2021

"Le mot de l'énigme du monde en nous"


   "C'est que Dieu n'a pas voulu nous faire irresponsables, je veux dire incapables d'amour, car il n'y a pas de responsabilité sans liberté et l'amour est un choix libre, ou il n'est rien."

Beaudelaire : 

"Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage

Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge

Et vient mourir au bord de votre éternité."

"Je voudrais cependant que vous vous y arrêtiez une minute. Combien d'entre nous, chrétiens, avons vraiment conscience d'être à l'image et à la ressemblance de Dieu? Qui se préoccupe du sens réel de ces paroles surprenantes? Si elles sont véridiques, ce n'est donc pas l'observation des choses qui nous révèlerait le monde, son secret serait en nous, au plus profond de nous-mêmes, là où nous ne descendons jamais, évidemment (...). Le mot de l'énigme du monde en nous pourquoi pas? Le destin ordinaire des hommes n'est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de sa vie, ce qu'ils avaient, sans le savoir, à portée de la main? Ce mot de l'énigme, nous n'espérons le trouver que par l'observation pratique des choses. Mais dans cette recherche la science ne collabore pas avec la nature, elle l'affronte."

"C'est que la création est une oeuvre d'amour. L'intelligence, réduite à ses propres forces, ne croit trouver dans la nature qu'indifférence et cruauté, mais c'est sa propre cruauté qu'elle y découvre. A proprement dire ce n'est pas la souffrance qu'elle condamne, c'est ce qui lui paraît une anomalie, un gaspillage, une mauvaise organisation de la souffrance. L'intelligence est plus cruelle que la nature."

"Il y a quelque part ailleurs, je ne sais où, une maman qui cache pour la dernière fois son visage au creux d'une petite poitrine qui ne battra plus, une mère près de son enfant mort qui offre à Dieu le gémissement d'une résignation exténuée, comme si la Voix qui a jeté les soleils dans l'étendue ainsi qu'une main jette le grain, la Voix qui fait trembler les mondes, venait de lui murmurer doucement à l'oreille : "Pardonne-moi. Un jour, tu sauras, tu comprendras, tu me rendras grâce. Mais maintenant, ce que j'attends de toi, c'est ton pardon, pardonne. Que vous en dire? Le langage est au service de l'intelligence. Et ce que ces gens-là ont compris, ils l'ont compris par une faculté supérieure à l'intelligence, bien qu'elle ne soit nullement en contradiction avec elle - ou plutôt par un mouvement profond et irrésistible de l'âme qui engageait toutes les facultés à la fois, qui engageait à fond toute leur nature... Oui, au moment où cet homme, cette femme acceptaient leur destin, s'acceptaient eux-mêmes, humblement - le mystère de la Création s'accomplissait en eux, tandis qu'ils couraient ainsi sans le savoir tout le risque de leur conduite humaine, se réalisaient pleinement dans la charité du Christ, devenant eux-mêmes, selon la parole de saint Paul, d'autres Christ. Bref, ils étaient des saints."

"C'est que le Christ veut bien ouvrir à ses martyrs la voie glorieuse d'un trépas sans peur, mais il veut aussi précéder chacun de nous dans les ténèbres de l'angoisse mortelle. La main ferme, impavide, peut au dernier pas chercher appui sur son épaule, mais la main qui tremble est sûre de rencontrer la sienne..."

"La foi que quelques-uns d'entre vous se plaignent de ne pas connaître, elle est en eux, elle remplit leur vie intérieure, elle est cette vie intérieure même par quoi tout homme, riche ou pauvre, ignorant ou savant, peut prendre contact avec le divin, c'est à dire avec l'amour universel, dont la création tout entière n'est que le jaillissement inépuisable. Cette vie intérieure contre laquelle conspire notre civilisation inhumaine avec son activité délirante, son furieux besoin de distraction et cette abominable dissipation d'énergies spirituelles dégradées, par quoi s'écoule la substance même de l'humanité."

Georges Bernanos, Les Prédestinés


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