samedi 28 novembre 2020

Journal du deuxième confinement, Samedi 28 Novembre, Le point de départ

 Je propose à mon club de lecture de dadames de commander Eloge de la force d'Obertone. "Peut-être l'année prochaine" me répond la responsable. Hum. Le truc est de savoir si on aura le temps de se préparer psychologiquement, mentalement d'ici l'année prochaine. Le temps s'accélère de façon prodigieuse et inexorable en ce moment, et les évènements à venir ne seront pas forcément positifs. Vaut mieux faire le plein de "force" d'ici là.

En attendant, nous aurons notre messe du dimanche ce week-end. Les évêques ont l'air de s'agiter un peu plus que de coutume. Monseigneur Aupetit déclare : "nous avons toujours été loyaux envers le Pouvoir...". Au fond de moi, je m'interroge : doit-on loyauté avec l'ennemi? Est-ce que la convention de Genève s'applique dans cette drôle de guerre? Je pense que l'Eglise doit réserver sa loyauté à sa mission sacerdotale.

C'est ce que font les prêtres. Le marathon des messes du dimanche commence dès ce soir; ils vont multiplier les offices pour que tout le monde puisse assister à une messe malgré l'inique jauge de trente. Quand on pense que le Christ a été trahi pour trente pièces, le lien ne manque pas de sel.

Le week end commence en douceur : j'ai récupéré les jumeaux hier soir, rentrés de leur internat. Ces derniers sont préoccupés et, à peine installés dans la voiture, ils me racontent : deux jours par semaine, ils suivent des cours de leur bac technique dans un gros lycée privé de la ville à côté bourré de racailles et de divers. Les gamins de l'internat comme mes garçons sont minoritaires et forment un groupe à part, très mal vu des lycéens locaux. Hier, une bagarre a failli partir entre un divers plus âgé et un ami des jumeaux. Mes garçons sont intervenus avant que le copain ne se fasse dézinguer. Le divers a promis de revenir avec sa bande donner la pâté aux trois concernés. J'avoue ne pas être très rassurée. Je recommande aux jumeaux de rester toujours "groupir" et de continuer à suivre les exercices physiques avisés de leur maître d'internat, ancien sous off. La gestion compta, c'est important, la boxe aussi.

Pierre doit rentrer, ce qui portera à quatre le nombre d'enfants ce week end. Une paille par rapport aux années précédentes, quand les gamins étaient plus jeunes et plus nombreux. Nous attendions-nous à cela lorsque nous nous sommes mariés? Pas vraiment, même si nous voulions des enfants. 

C'est une discussion que j'ai avec un jeune homme fiancé : le nombre d'enfants. Je lui avoue qu'avec mon mari nous n'avons pas trop discuté d'un quota avant de nous marier. En fait, rien ne semblait vraiment réfléchi dans notre histoire, nous nous sommes mariés jeunes, rapidement, et avons eu assez vite nos premiers. J'ai rencontré mon mari en fac, je me souviens de mon coup de foudre : il traversait le boulevard devant Port Royal, je traversais dans le sens inverse et nous nous sommes croisés. Pas de mots échangés, simplement un dixième de seconde de regard. Et tout était clair. Je savais au fond de moi que ce jeune homme allait compter pour moi. Les femmes sont de redoutables chasseresses.

Cette clarté, cet aboutissement en quelques secondes peut sembler fou et irrationnel mais je ne crois pas que ce soit le cas. Je savais exactement ce que je voulais, les exigences qui m'étaient fondamentales. La principale et assez simple : que mon futur mari soit un catholique pratiquant. Je suppose que toute ma vie, tout ce que j'avais reçu dans ma jeunesse comme éducation, m'avait préparée à cet instant et surtout à la décision de m'engager. L'engagement n'a pas été une mince affaire malgré la rapidité et l'évidence de notre histoire à  tous les deux. Je n'avais pas une image du mariage très glorieuse et je redoutais un fiasco. Je pense que ce coup de foudre m'a permis de me lancer dans cette aventure, comme un coup de pied aux fesses.

Après, tout le reste, les enfants comme les épreuves, il n'y avait plus qu'à faire face, ceci dans une paix profonde qui ne m'a jamais quittée depuis mon "oui" à l'église. Malgré des remous parfois gigantesques à la surface de la mer.

Petit texte de souvenirs amusant : 


"Un week end avec simplement deux enfants c'est : passer le samedi après midi vautrée dans son salon sans être interrompue toutes les minutes par un "M'man" intempestif. Aller sur son ordinateur, sans tomber sur un youtube quelconque du Pamalshow alors qu'on était plongée dans un article de Contrepoints et sans remettre ses codes de sa cession alors qu'on l'a quittée 5 minutes auparavant pour essuyer les fesses de la dernière; ne pas revenir dans la cuisine se faire un petit café à la bouilloire qu'on avait préalablement remplie et mise en route une minute avant et qui se retrouve inexplicablement vide. La cuisine qui était à peu près rangée et dont il faut maintenant vider le lave vaisselle qui vient pour la 3ème fois de la journée sonner la fin du programme juste au moment où vous entrez pour ce foutu café. Personne, sur les 10 personnes grouillant dans la maison ne l'a entendu sauf VOUS. Vous repartez ensuite rallumer votre ordi. Mais dans le couloir un des jumeaux brandit un cahier d'où s'échappent une dizaine de feuilles volantes mal collées pour vous demander des éclaircissements sur la démographie chinoise. Vous repartez dans le salon avec de la colle, un stylo pour refaire le cahier et corriger les fautes du cours. En repassant par la cuisine, vous remarquez que la table est recouverte de miettes, de briques de jus de fruit renversées, et que le chat adore la brioche dont il déchiquette une tranche sous la table. Nettoyage, rangement, aspirateur. 3ème ou 4ème fois, l'aspi. Vous estimez qu'il est temps de sortir les troupes pour une promenade et beuglez à l'aide sur votre mari réfugié dans son bureau bunker en train d'essayer de trouver des solutions pour combler le trou béant de votre trésorerie. "JE TRAVAILLE MOI" Entendez-vous des profondeurs de la maison. Finalement, le mari a besoin de sortir aussi et emmène quelques gamins traînant par ci par là en ballade. Vous soupirez d'aise en pensant à ce moment de calme et de sérénité. Malheur! vous avez oublié d'emmener l'ado numéro 5 acheter une paire de baskets; il surgit en tshirt déchiré, et chaussettes sales pour vous le rappeler. Vous partez sur les chapeaux de roues en espérant que votre mari ne s'apercevra pas de votre absence et surtout de la nouvelle dépense. Quand vous revenez, trop tard, le mari et les mouflets sont dans la place et vous faites rentrer l'heureux gagnant avec ses nouvelles chaussures par une porte dérobée. Ses 5 frères l'attendent malheureusement et crient au favoritisme. Le mari s'en mêle et je fais valoir une fausse promotion. Puis je ressors mécaniquement l'aspirateur, le retour de la ballade signifiant l'arrivée de monceaux de gadoue partout. Tout ceci nous mène quand même au dîner du samedi soir, j'ai préparé un "four s'y tout", fameux gratin constitué de restes de la semaine. Le mari estime que tout ceci n'est pas très cétogène. Les gosses estiment que c'est bien trop cuit. J'estime qu'il est temps d'aller prendre mon bain. Dimanche matin, vous vous levez aux aurores sans faire de bruit pour tenter de petit déjeuner dans la solitude. A peine arrivée dans la cuisine, un diablotin à longues boucles qui vous guettait depuis 5h du mat surgit. Vous ne pouvez que l'embrasser et lui témoigner votre bonheur d'être ainsi accueillie... Roulement de tambour dans les escaliers; les garçons descendent et se battent immédiatement pour le reste de brioche non dévorée par le chat. La cuisine est un champ de bataille, Alep et Mossoul réunies. Vous vous la jouez autiste et préparez un café. Vous foncez dans votre bureau pour découvrir qu'internet a sauté. Vous retournez au salon pour comprendre que la soirée devant la téloche des enfants a été non seulement culturelle (Danse avec les stars) mais sportive (tous les coussins sont éparpillés, les chaises renversées, la table basse bourrée de vieux restes). Aspi. Vous finissez par tenter de trouver une jupe et un collant non filé pour vous habiller festivement pour la messe. Vous faites de même avec votre lutin de 5 ans ("mets ta jolie robe bleue!"); vous remontez en courant, en vous brossant les cheveux et en braillant aux garçons d'aller à la voituuure. Ils arrivent en ordre dispersé, avec pour un son tshirt sale de la veille mais ses nouvelles baskets de foot aux pieds, et pour les autres des tenues chiffonnées et sans veste alors qu'il fait -2 dehors (donc -5 dans l'église). Vous recommandez précipitamment à votre mari installé au volant d'acheter pour le déjeuner non pas un poulet mais deux! La voiture démarre et en levant la tête par hasard, vous apercevez votre fils aîné à la fenêtre de la douche, à poil, en train de vous faire des signaux désespérés. On l'a oublié, comme d'habitude... Aujourd'hui, rien de tout cela, nous en avons deux simplement et nous errons avec mon mari dans une maison vide, ça nous fait tout bizarre. Dieu merci, dans 5 heures, la bataille reprendra."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire