mercredi 19 juin 2013

Céline et Jésus, par Lounès


"Pour rappel les Évangiles nous enseignent que seuls sont « vomis » les tièdes, textuel. Un jour si Dieu me prête vie je démontrerai que Céline était bien plus que chrétien, qu’il imitait, christique,  le monsieur de Nazareth à tel point qu’il s’était fait Jésus des Français. Cela pourra faire sourire mais que l’on regarde alors simplement le tout premier paragraphe de 4 lignes en exergue de Voyage au bout de la Nuit. Cette « chanson des gardes suisses » inventée qui parle de « passage », de « ciel où rien ne luit ». Est-ce que l’on sait ce que c’est que le massacre des gardes suisses? Vous voyez le jardin des Tuileries? Sur toute l’étendue du parterre des corps de soldats blonds immenses étendus et du sang absolument partout, et une foule hystérique excitée par des tribuns crochus (Marat…) qui crie victoire, prélude à tant d’autres massacres systématiques du brun sur le blond, du bis sur le clair, de l’épais sur le léger, du lourd sur le raffiné. Céline s’est dressé contre le sanhédrin, il a tout dit de ce qu’il avait vécu à la SDN, à New-York seul contre tous, à Los Angeles, à Londres, à Anvers… Né fils unique, mort conspué et détesté. Il a attendu d’avoir largement l’âge adulte pour entrer en « vie publique » et commencer à révéler tout ce qu’il savait. Il portait le prénom d’un roi et d’un saint (Louis) de sa race et de son pays, comme l’Autre qui descendait de David. Il n’a jamais adhéré à aucun parti ou groupement alors que c’était son intérêt. Il croyait en une sorte de vie cachée derrière la vie à tel point qu’il se refusait de prononcer certains mots trop intimes, comme d’autres refusent de prononcer le nom véritable de Dieu. Céline rejetait la religion mais était entièrement imprégné de la fidélité à une morale intangible pour laquelle il a fait le sacrifice du confort auquel il était appelé. A quoi résumer finalement les vies de Céline et de Jésus? A la Résistance (écrite pour Céline, orale pour Jésus) à une Occupation (de la France pour Céline, du Temple pour Jésus)."

5 commentaires:

  1. ...je démontrerai que Céline était bien plus que chrétien, qu’il imitait, christique, le monsieur de Nazareth à tel point qu’il s’était fait Jésus des Français...mort conspué et détesté."

    Dans les Bagatelles, Céline met dans la bouche d'un de ses personnages des paroles qui anticipent parfaitement l'analyse girardienne du bouc émissaire royal (dans les monarchies primitives) ou christique (chez nous) :

    "J’aurais fait, moi leur monarque, l’accord de toutes les haines de mon Royaume, je les aurais centralisées, magnétisées, fanatisées sur ma propre royale personne. Voici le seul moyen royal, Ferdinand, de véritablement régner !"

    Le bouc émissaire qui permet de rétablir la paix en fixant par son sacrifice la haine des hommes...

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  2. Très bonne connaissance du texte en effet car cet extrait n'est jamais cité. Le bouc émissaire est bien entendu LFC et pas une clique de tyrans c'est entendu.
    Finalement Céline a reçu les mêmes reproches que JC: traître, tu dévois les masses, tu veux prendre le pouvoir, tu veux pervertir les bonnes gens... Et ces reproches émanaient exactement des gens qu'il essayait de sauver. Il y a une proximité si grande et si évidente en le destin de Jésus et de Céline que l'on se demande pourquoi parmi tant de biographies et d'essai sur cet auteur aucun à ma connaissance, n'a fait le rapprochement.
    Il faudrait un livre entier pour commenter le quatrain en exergue du Voyage, son premier livre: "La vie est un voyage dans l'hiver et dans la nuit nous cherchons notre passage dans le ciel où rien ne luit". Cette chanson des gardes suisses (QU'IL A INVENTE!) dit tout, et contient en germe toute son oeuvre comme le big bang avant l'univers.
    Pâques signifie passage, etc...

    Le hic dans ce livre terrible (bagatelles) dont personne n'ose parler c'est, entre ses outrances, sa vraisemblance. Les gens qui disent que c'est un livre mineur de l'oeuvre sont soit malhonnêtes soit n'ont pas lus le livre. Les docks de Londres, le producteur à Hollywood, la description de l'URSS, les descriptions de l'avilissement bourgeois et alcoolique de la population... Qui peut trouver à redire? On ne peut se révolter à cette lecture que contre l'auteur coupable d'avoir aussi clairement décrit des faits insuportables. Ce qui est insupportable dans le racisme c'est sa part de bien fondé, c'est ça qui fait hurler toutes les dénégations même les plus ridicules.

    Lounès

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  3. Ce texte de Lounès me met les larmes aux yeux.

    Je connais beaucoup de gens qui admirent Céline et qui ne lisent pas bagatelles pour un massacre par crainte de perdre leur confort de vie. En un sens ils ont raison mais j'arrive de moins en moins à les respecter.

    Au bout de la misanthropie extralucide de Céline, il y a l'amour messianique de l'homme.

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    1. Oui vous avez raison, c'est une lecture à la limite du supportable. Personnellement je n'ai lu que le début.
      "Amour messianique de l'homme"? Très juste.On sent cela chez Céline, dans tous ses écrits, pour les plus "mauvais" de ses personnages.

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  4. -- Elle a pas dit ça la critique ?...

    --Ah ! Pas du tout !... Elle a dit comme trésor de merde qu'on pouvait pas trouver beaucoup mieux... dans les deux hémisphères, à la ronde... que les gros livres à Ferdinand... Que c'était vraiment des vrais chiots... "Forcené, raidi, crispé, qu'ils ont écrit tous, dans une très volontaire obstination à créer le scandale verbal... Monsieur Céline nous dégoûte, nous fatigue, sans nous étonner... Un sous-Zola sans essor... Un pauvre imbécile maniaque de la vulgarité gratuite... une grossièreté plate et funèbre... M. Céline est un plagiaire des graffiti d'édicules... rien n'est plus artificiel, plus vain que sa perpétuelle recherche de l'ignoble... même un fou s'en serait lassé... M. Céline n'est même pas fou... Cet hystérique est un malin... Il spécule sur toute la niaiserie, la jobardise des esthètes... factice, tordu au possible son style est un écœurement, une perversion, une outrance affligeante et morne. Aucune lueur dans cet égout !... pas la moindre accalmie... la moindre fleurette poétique... Il faut être un snob "tout en bronze" pour résister à deux pages de cette lecture forcenée... Il faut plaindre de tout cœur, les malheureux courriéristes obligés (le devoir professionnel !) de parcourir, avec quelle peine ! de telles étendues d'ordures !... Lecteurs ! Lecteurs !... Gardez-vous bien d'acheter un seul livre de ce cochon ! Vous êtes prévenus ! Vous auriez tout à regretter ! Votre argent ! Votre temps !… et puis un extraordinaire dégoût, définitif peut-être pour toute la littérature !... Acheter un livre de M. Céline au moment où tant de nos auteurs, de grands, nerveux et loyaux talents, honneur de notre langue (la plus belle de toutes) pleinement en possession de leur plus belle maîtrise, surabondamment doués, se morfondent, souffrent de la cruelle mévente ! (ils en savent quelque chose). Ce serait commettre une bien vilaine action, encourager le plus terne, le plus dégradant des "snobismes", la "Célinomanie", le culte des ordures plates... Ce serait poignarder dans un moment si grave pour tous nos Arts, nos Belles-Lettres Françaises !(les plus belles de toutes !)"

    Louis-Ferdinand Céline

    Bagatelles pour un massacre

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