vendredi 5 avril 2013

Gardiens




"Je veux être avec toi.
Tu ne peux pas.
S'il te plaît.
Tu ne peux pas. Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
Si tu sais.
Il existe pour de vrai ? Le feu ?
Oui, pour de vrai.
Où est-il ? Je ne sais pas où il est.
Si, tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois."
 
(La Route de Cormac McCarthy) 


Vacances de février, passage rapide en Bretagne avec les plus jeunes de mes enfants, un temps d'une douceur printanière, une parenthèse bénie de silence des bruits du monde et des tempêtes hivernales. Retour à la maison, au rythme scolaire soutenu, aux manifestations anti mariage pour tous. Certains s'interrogent sur le bien fondé de ces actions, arguant qu'il y a des crises plus graves à gérer : crise de l'insécurité, crise économique. Nicolas répond magistralement sur Ilys que certes, il y a toujours plus essentiel mais en fait  "ça a toujours été des combats dans les ruines" cette affaire là, la grande affaire de nos civilisations et de nos vies. Alors faire au mieux, à notre niveau, selon ce que nous considérons comme important, nous, selon ce que nous avons dans notre viseur pour reprendre la métaphore de Nicolas du fusil qui vise et qui tire, selon l'objectif qui apparaît dans notre viseur, il faut savoir travailler à la destruction de ce qui nous est nocif et à la construction de ce qui est bon pour nous et nos enfants. Ce qui apparaît dans mon viseur c'est la destruction de la famille, du modèle éminemment naturel (et pas que catholique!) d'un père et d'une mère pour avoir et éduquer des enfants. Pouvoir retracer ses origines, s’enraciner en elles, s'élancer dans la vie avec ce tremplin vital de savoir d'où l'on vient qui permet -un peu- de savoir où l'on ira. C'est pas grand chose et c'est tout.

Triduum pascal : vendredi saint, je pars à la pension des deux garçons, réunion en début d'après-midi à l'internat, office de la croix sur place, nous sommes plusieurs mamans dans la voiture, et nous récupérons nos enfants pour revenir le soir, la bétaillère est en surnombre, bien remplie de ces adolescents à qui nous nous efforçons de transmettre le meilleur de notre savoir, tradition, religion. Je transporte le plus précieux des trésors, je suis un fort Knox roulant à vive allure vers nos maisons, la bétaillère est comme un de ces convois remplis de lingots, le magot ici c'est nos enfants, nos garçons, notre avenir solide et fragile tout à la fois, les survivants des ruines du futur. Je rentre épuisée et ravie de ma journée.

Samedi saint, préparatifs du dimanche pascal dans cette atmosphère si particulière de ce jour où le Christ est au tombeau, mort, mais dont on sait qu'Il est le Vivant et que le Salut par Lui est proche..., Il est en train d'ouvrir les portes du paradis et cette image, cette réalité s'imprime si fort dans mon esprit!
Attente dans ces derniers moments après 40 jours de jeûne et de prières, avoir tenu la barre peu ou prou, une seule chose nous est demandée en tant que baptisé, une seule : garder et protéger cette petit flamme de la foi déposée un jour dans nos âmes. Rien d'autre. Dieu s'est confié à nous, en nous, le garder envers et contre tout et tous, jalousement, amoureusement, au fond de nos cœurs et de nos vies, rien d'autre!! Nous sommes des gardiens et le trésor d'une incroyable puissance et beauté, ce trésor au source de notre univers, du temps, de la vie, ce trésor se niche au fin fond de nos âmes, de nos corps, ceci prévu et pensé et organisé avant même que quoique ce soit existe... depuis toute éternité. Comprendre l'inouïe grandeur et simplicité de ce mystère de la grâce et de la foi. Etre atteint en plein cœur par ce fait si évident et si inintelligible dans le même temps. C'est cela ma foi : avoir été touchée par cette évidence, cette rencontre avec l'infiniment Puissant et ensuite décider de garder cela, cette rencontre plus précieuse entre toutes, au fond de moi, employer tous les moyens pour continuer à vivre cette présence, à vivre de cette Présence. C'est tout. C'est tout!

Veillée pascale, le soir : le feu pascal qui nous rappelle cette lumière allumée dans nos vies, la lumière divine, le feu ce soir là peine à s'allumer sur le gros cierge pascal pour la petite procession autour de l'église. Le vent est glacial comme peuvent l'être certains esprits en manque de foi. Nous entrons dans une église pleine de ténèbres, seul le cierge nous guide... puis tout s'allume à nouveau, le Salut est là, Dieu se révèle à tous, "bienheureux ceux qui ont cru sans avoir vu"!

Dimanche, repas de Pâques, oeufs en chocolat dans le jardin, les garçons et les plus grandes prennent autant de plaisir que Gabrielle à chercher les chocolats. Balade en forêt, le ciel est clément, le soleil pâle.
Lundi, j'accuse le coup de certaines fatigues accumulées. Repos. Mardi, je pars en train de banlieue pour ma journée de travail associatif, je ne me sens pas bien, la nuit a été plus que mauvaise, je suis nauséeuse et je m'effondre doucement dans mon wagon où j'étais debout par manque de place. Pompiers, urgences parisiennes, je roupille sur un brancard et cela me fait un bien fou, je peux rentrer chez moi à peu près d'aplomb. Tout rentre dans l'ordre, la gastro s'éloigne ou plutôt passe de mouflet en mouflet et je récupère au fil de la semaine quelques enfants au teint blanc que je laisse dormir tranquilles à la maison. Le printemps se fait durement désirer...


11 commentaires:

  1. Ici, la neige tombe à gros flocons (des "peaux de lapin", comme disent les Québécois…) : plus de dix centimètres au sol, déjà…

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    1. Chez nous ça tombe pas mal aussi mais j'espère que ça ne va pas trop tenir...

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    2. Non ça se termine en pluie, ouf!

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    3. Peaux de lapin (!?) je suis québécois et c'est la première fois que j'entends que nous est attribué cet usage. Vraiment pas de notre terroir et j'ai 73 bornes. Nous parlons de tempêtes du siècle, ou tombe une neige molle, des bordées, une méchante giboulée, mais jamais de ''peaux de lapin''.
      Alors très chère crevette... il a fallu qu'en plein RER tu fasses la planche pour qu'enfin tu puisses te reposer. Surtout, ne lui dites pas de modérer ses transports, elle va vous répliquer dare-dare et vous lancer une volée de bois vert.Ayoye!
      Prompt rétablissement ma bonne dame et pas de récidive SVP, surtout pas au volant de la bétaillère. Une bonne rasade de café(?!) Continuez le combat pour la famille. Il est temps que cessent de discutailler tous les ceuses qui croient qu'il y a d'autres priorités. Si le gouvernement ne les voit pas alors c'est à vous de tenir l'agenda. Puisse Flan Flan disparaître du devant de la scène. Vive la Famille. Ne lâchez pas.

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  2. " Je transporte le plus précieux des trésors, je suis un fort Knox roulant à vive allure vers nos maisons "

    Génial celle-ci...

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  3. Génial-E.

    Non mais oh, c'est quoi cette correctrice qui laisse passer des fautes?

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  4. Non mais c'est quoi ces manières, s'écrouler dans un wagon rempli et déranger les gens, comme si c'était pas assez pénible pour eux de devoir se taper le RER bondé tous les jours, et pis occuper des pompiers pour une bricole alors que y a plein de logements insalubres qui brûlent avec de vrais morceaux d'immigrés dedans ??? C'est honteux, madame, vous avez blessé l'humaniste filochien qui sommeille en moi tel un goret incompris.

    Bref, vous devriez peut-être manger un peu plus de viande de boeuf.

    (hum, va-t-elle comprendre le message affectueux d'inquiétude caché sous un voile d'austère pudeur dans le conseil sur la viande ?)

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    1. "austère pudeur"^^ "rustique pudeur" eut mieux convenu!
      Le filochien me donne encore plus envie de vomir et à mon mari aussi!
      N'empêche j'ai retenu la leçon : rien de tel pour une mère de famille qu'un plan roupillon aux urgences dans la matinée : pas trop de monde et on vous fout une paix royale vu qu'on n'a pas trop le temps de s'occuper de vous.

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